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Qui es-tu, le Paganelli des amateurs ?

Par Arnaud Clement
Qui es-tu, le Paganelli des amateurs ?

Si TF1 ou Canal Plus dégainent volontiers les trognes de Fred Calenge ou de Paga pour couvrir le bord de touche des terrains professionnels, les amateurs ont aussi leurs hommes de terrain, ces plumes relatant leurs exploits dans les pages du canard local. Alors qui sont ces journalistes ou ces correspondants de presse qui parcourent, ou pas d'ailleurs, les mains courantes chaque dimanche ? Revue d'effectif.

L’invisible

Lundi, 8 heures, tu n’as pas encore pris ton poste, mais avant d’attaquer la semaine, tu t’es volontiers plongé dans les pages de ton journal pour relire tes exploits de la veille dans les pages sports ou le cahier local. Et comme à chaque fois, tu te dis que tu as de la chance. Après chaque lecture de résumé de ton match, tu ne peux t’empêcher de te dire que tout y est : le contexte sportif, le score, la physionomie du match, le déroulé des principaux faits de jeu, avec buteurs et minutes en prime, le mot de ton coach, les prochains rendez-vous au calendrier… Il y a même une petite dédicace pour le petit U18 qui a fait une bonne première pour sa découverte des tacles appuyés des seniors. Pourtant, autant que tu t’en souviennes, tu n’as jamais vu le moindre gratte-papier sur le bord de touche depuis le début de saison. Pas un objectif à l’horizon, pas un stylo la mine surplombant le carnet à spirale et le gazon. La raison ? C’est ton coach ou ton président qui fait l’article et l’envoie derrière. Le correspondant a trouvé le filon pour se faire du blé en restant dans son canapé. « La charte de déontologie des journalistes ? C’est quoi ça ? » , ironise-t-il quand on l’interroge sur ses méthodes. Et tant pis si sur les photos, vous êtes tous en manches courtes et suez à grosses gouttes sous un cagnard monstre alors que dimanche, il faisait -5°C. Tu ne comprenais pas pourquoi ton meilleur buteur, clairement au-dessus, avait son blase parfois remplacé dans la colonne « buts » par celui de ton latéral droit au niveau vraiment limite ? Ne te pose plus de questions…

Le roi du texte à trous

Il n’est pas rare de voir en PQR des correspondants de presse qui s’arrogent un domaine particulier. De vrais partisans du « travailler plus pour gagner plus » , capables d’enchaîner les manifestations et d’être au même moment à trois commémorations d’une armistice par exemple. Si certains le font et même bien, d’autres ont compris qu’à leur – grand – âge, mieux valait adopter la philosophie des Barons, du nom de ce film franco-belge, et de limiter ses pas. Vous vous demandiez pourquoi le papier que vous lisiez sur votre club était peu ou prou le même que celui de la page d’à-côté ? C’est très simple. Le roi du texte à trou a sur son ordinateur tout un tas d’articles types, qu’il soit question d’annonce ou de compte-rendu, d’un match de mal classés, d’un choc de haut de tableau ou d’un derby. Derrière, après un coup de fil à ton coach, il n’a plus qu’à remplacer les blancs de son texte à trou et à appuyer sur publier. En somme, le taylorisme appliqué au journalisme. Exemple : « La trêve des confiseurs aura été de courte durée pour les seniors de XX, qui ont repris l’entraînement XX et recevront dimanche, à XX heures, au stade XX, la formation de XX pour le compte de la XX journée du championnat de XX. Les hommes du président XX doivent impérativement prendre les quatre points pour prendre une bouffée d’oxygène au classement et ainsi retrouver la confiance, eux qui occupent une peu reluisante XXe place. L’entraîneur XX confie : « XXXXXXX » Pour arriver à ses fins, l’équipe ne pourra compter sur XX, mais bien sur XX, qui fera son retour. De son côté, XX est très incertain. »

Le spécialiste

En CFA comme dans la France du foot d’en bas, le syndrome « 60 millions de sélectionneurs » fait parfois des dégâts. Tes coéquipiers et toi, vous en savez quelque chose, et chaque semaine, c’est la même rengaine. Que tu gagnes ou perdes, les lignes revenant sur les 90 minutes où ton onze s’est dépouillé font toujours état d’un « mais » , d’un truc qui cloche. Abreuvé aux Spécialistes et à la revue Vestiaires ou tout simplement amoureux du Barça et du tiki taka, celui qui s’occupe de suivre les performances des tiens ne peut s’empêcher de se livrer à l’exercice du « Faut qu’on, y a qu’à… » Oui oui, même ce jour où tu as remporté un derby 5-0, il a trouvé à redire sur la façon de posséder le ballon et de se projeter trop vite vers l’avant « digne du kick’n’rush de la plus british des équipes » , et ce, alors que tu as le meilleur point d’appui de la poule devant. Son goût et sa conception du ballon valent plus que n’importe quel bagage de footballeur ayant permis à ton entraîneur d’être assis dans sa cabane. Tel un Finkielkraut du ballon rond, il ne peut s’empêcher d’apposer de grands concepts pour indiquer la marche à suivre. Un mec qui pose la plume chaque dimanche soir sur le coup des 19h20 pour se poser devant la chaîne cryptée et s’inspirer de ses maîtres à penser.

Le pique-assiette

« Ah, v’la la presse… Qu’est-ce qu’il lui faut ? Un p’tit blanc ? Allez, c’est parti… » Pour certains correspondants ou journalistes, suivre un club sportif, c’est se délecter quelque peu de la culture de l’effort et de la compétition, mais surtout apprécier ces douces atmosphères humant le houblon. Bouffer à tous les râteliers gratis au nom du statut de personnalité locale que confère la fonction de mini-vedette locale est un objectif affiché pour certains. Il n’est dès lors pas rare de les voir traîner à la buvette comme le petit vieux du village, plus à même de lâcher le ballon des yeux que son verre à ballon. Des mecs qui ne débourseraient pas un kopeck pour s’hydrater et crierait au scandale si on leur demandait de payer leur consommation, « Quoi ? Ça fait 29 ans que je bosse pour le journal et c’est la première fois qu’on me demande ça ! » s’écrie-t-il avant d’aller pigner auprès du président. Du coup, leur production écrite est inversement proportionnelle à leur consommation de rouge, et à ton grand dam, le lundi matin, dans les pages, c’est peau de chagrin. Boire ou écrire, il faut choisir.

Le redondant

Écrire, c’est délivrer une information, mais aussi offrir un instant de lecture aussi appréciable que possible. Aussi, gommer des travers de langage, des fautes de français et faire en sorte de rendre un contenu un tantinet funky, c’est préférable. Y compris bannir les répétitions et les redites. Or, votre loustic, qui mitraille comme un as avec son reflex, est beaucoup moins ami avec Maître Capello et Bernard Pivot. Il se limite à un verbe ou une tournure de phrase pour décrire une action, à un terme pour qualifier les joueurs : « Dimanche, sur la pelouse du stade Istik, les locaux ont attaqué le match pied au plancher, faisant reculer le bloc adverse par son jeu rapide. Dans le premier quart d’heure, Keyser Söze frappe de loin et marque (1-0). Les visiteurs sont en fâcheuse posture. Mais les visiteurs ne se laissent pas abattre et reprennent le match en main, les locaux reculant indéniablement. De loin, sur une belle frappe, le capitaine visiteur égalise logiquement… » On vous laisse imaginer la suite, « après les citrons » , avec une deuxième mi-temps reprise pied au plancher par l’un ou l’autre… Dans un autre style, il y a aussi les répétitions tout en passant sans trembler du futur au passé, pour bifurquer par le présent avant de finir par du conditionnel en conclusion. Bescherelle likes this.

Le cousin de Lapalisse

Tout club de football amateur a son apôtre de la logique, son revendeur à gogo d’expression du type « Mieux vaut gagner neuf fois 1-0 qu’une fois 9-0 » ou « Si on ne prend pas de but, on ne perd pas ! » Imparables et surtout inénarrables, ils forment une espèce que l’on retrouve aussi du côté des plumes de monde amateur, qui ne se rendent pas toujours compte des énormités écrites. Énormités qu’ils n’assumeront pas, prétextant la nécessité de contextualiser. Celui-là même qui écrit par exemple que « le dernier de la poule, qui n’a toujours pas signé de victoire cette saison et se rendra sur le terrain du leader incontesté et invaincu, pourrait bien souffrir » . Vous ne voyez toujours pas ? Mais si, c’est le mec qui va réussir à souligner que « suite à la défaite des siens sur le score peu flatteur de 6-0, l’entraîneur des locaux était passablement remonté » . Ou qui va conclure son papier d’un petit : « Si les hommes de Georges Abitbol ne lâchent pas cette maudite lanterne rouge, ils seront derniers et seront relégués pour se retrouver à l’étage inférieur. Tout va se jouer dans la dernière ligne droite. » Appuyer le message, oui, mais pas trop quand même.

La mauvaise foi

Cette année, ton squad vient de monter en division supérieure, emmenant dans son élan une flopée de marques de soutien, y compris de la part du scribe local, qui s’est gargarisé de marquer au moment de votre promotion qu’un « groupe est né et n’est pas prêt de s’arrêter » . Durant le mercato, il se fend d’un article à chaque signature pour préciser bien entendu que les recrues ont « un passé au niveau régional et constitueront un vrai plus dans l’optique du maintien, voire plus » . Sauf que le mec en question a surtout un niveau régional en consommation de kebab ou de Kronenbourg et a perdu de sa superbe. Résultat, alors que la saison démarre et que tu prends défaite sur défaite, le rapporteur de faits ne veut pas perdre la face et se perd dans des excuses à faire sourire le moindre lecteur venu. « L’arbitre était incontestablement trop jeune pour tenir un match d’une telle intensité » commence-t-il de façon classique, en plus de voir des penalties partout à la Denis Balbir. Puis à mesure que ton groupe s’enfonce au classement, celui-ci monte en puissance. D’abord : « Un vent trop fort, empêchant les défenseurs de communiquer entre eux, a amené le premier but sur une récupération opportuniste du numéro 9 des visiteurs. » Une passe mal appuyée au gardien en fait. Ensuite, c’est au tour du terrain d’en prendre pour son grade, « pourri par les vers de terre et empêchant les garçons de mettre en valeur leur jeu léché, faisant les affaires d’une équipe de contre » . Pas mal le score de 4-0 pour une équipe qui plante le bus… Enfin, son chef-d’œuvre : « Que serait-il advenu sans ces maillots arrivés à cinq minutes du coup d’envoi, perturbant indubitablement la préparation mentale des garçons, dans un match capital pour le maintien ? » Sors de ce corps Jean-Michel Aulas !

Et aussi : l’ancien qui massacre les noms propres, le pointilleux qui pond un pavé pour le plus plat des matchs, celui pour qui tout est « merveilleux » ou « extraordinaire » , le comparateur dont les mots amis sont « tel » ou « comme » , l’historien qui part de la bataille d’Azincourt pour en arriver au match du jour… Et vous, il est comment le vôtre ?

Paganelli, le festival d’Avignon

Par Arnaud Clement

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