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Qui es-tu Bruce Grobbelaar ?

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Qui es-tu Bruce Grobbelaar ?

Gardien légendaire des Reds de Liverpool avec lesquels il disputa plus de 600 matchs entre 1980 et 1994, Bruce Grobbelaar fut l'une des figures emblématiques du football britannique des années 80. C'était une autre époque, bien avant que les oligarques russes, magnats du pétrole, tycoons américains et autres mafieux de tous bords ne se mettent à blanchir leurs milliards dans la Premier League.

Une époque bénie, basée sur le kick & rush, où des futs de bière à la moustache en bataille, tel Tony Adams, étaient considérés comme la fine fleur des défenseurs centraux. Une époque sublime durant laquelle Paul Gascoigne, véritable bouteille de scotch humaine, passait aux yeux de ses compatriotes pour la réincarnation de Maradona.

Bruce Grobbelaar, portier flamboyant, constitue peut-être la synthèse ultime de ce que furent les eighties : la pire décennie qu’ait connue le football anglais. Performances épiques, trophées en pagaille, accusations de corruption et fracassantes déclarations racistes, rien ne manque au palmarès incomparable de celui qui reste une idole dans les travées du kop d’Anfield.

Tout avait pourtant si bien commencé pour Brucie. Joueur de cricket émérite dans son pays d’origine, le Zimbabwe, Grobbelaar refuse une bourse universitaire pour jouer au baseball aux États-Unis afin de se consacrer à sa passion n°1 : faire le pitre dans une cage de football. Il faut dire que le bougre a un talent indispensable à la fonction, un caractère hors norme forgé lors de ses deux années de service militaire passées à faire la guerre en Rodhésie, ancien nom de la patrie dirigée aujourd’hui par le très démocrate Robert Mugabe.

Cette expérience laissera des traces ; il lance ainsi un jour à l’entrainement à l’un de ses coéquipiers de couleur Howard Gayle : « Si tu étais dans la jungle, à ta vraie place, je te tuerais. J’avais l’habitude de tirer sur les gens comme toi » . Grobbelaar fera par la suite amende honorable en admettant que Gayle n’était pas un si mauvais bougre et qu’il le considérait même comme un « nègre blanc » .

Mais revenons un instant sur la trajectoire fulgurante de cet homme qui a contribué à forger la légende des Reds. Après avoir quitté son premier club, les Higlanders FC, sous prétexte qu’il y était victime de racisme, la majorité de l’effectif étant composé de joueurs noirs ce qui est tout de même un comble pour un club zimbabwéen, Bruce Grobbelaar s’embarque pour le Canada et Vancouver pour voir si la neige y est plus banche que sur sa terre d’origine.

Ses performances attirent rapidement les convoitises d’équipes anglaises et après un prêt à Crewe, une énigmatique équipe du Cheshire, Brucie est repéré par le mythique Liverpool FC qui décide d’en faire son gardien n°1 lors de la saison 1981-82. Après des premiers matchs catastrophiques lors desquels il multiplie les bourdes, Grobbelaar se reprend et du haut de ses 24 printemps mène les Reds au titre de champions d’Angleterre. Il forme alors, en compagnie du jeune Ian Rush, le plus formidable duo de moustachus du foot anglais. Dans sa jeunesse, on confondra d’ailleurs souvent Grobbelaar avec Freddie Mercury ce qui avait, parait-il, le don de particulièrement l’irriter.

Porté par une génération exceptionnellement douée pour les standards anglais de l’époque, Liverpool gagne la Premiership trois années d’affilée et s’adjuge même la Coupe d’Europe des clubs champions face à la Roma en 1984.

C’est le point culminant de la carrière de Bruce Grobbelaar, qui réalise plusieurs arrêts déterminants durant la finale. Le match se conclut sur le score de 1-1 après prolongations et l’Europe découvre alors médusée devant son petit écran, ce dont on est capable quand on a participé à une « putain de guerre » .

Lors de la séance des tirs au but, le portier de Liverpool fait semblant de manger ses filets devant les photographes comme s’il s’agissait de spaghettis alors que Bruno Conti, le 3e tireur de la Roma, s’avance. Grobbelaar fait tellement l’abruti que Conti envoie son tir au-dessus de la barre transversale.

Le Zimbabwéen n’en reste pas là, il réserve son meilleur tour à Francesco Graziani, le 4e tireur romain. Alors que celui-ci s’élance, Grobbelaar adopte la technique de “l’homme saoul” et se met à trembler comme une feuille devant son adversaire en adoptant les mimiques d’un ivrogne. Graziani, complètement déconcentré, tire à côté et Liverpool s’impose 4-2 grâce aux pitreries de son gardien qui devient au passage le premier joueur africain à gagner une C1. Ce soir-là, Bruce Grobbelaar est au top et il se met sans doute une cuite mémorable, de celles dont-il avait le secret, pour fêter ça.

Comme souvent la suite de l’histoire est un peu moins drôle. En 1985, Brucie-Bruce prend part à la tristement célèbre finale du Heysel, sans nul doute un des matchs les plus meurtriers de l’histoire du football (39 morts – 600 blessés). Suite à ce tragique évènement, les clubs anglais seront bannis des coupes d’Europe pendant six ans, le facétieux mais néanmoins raciste gardien de Liverpool devra donc se contenter des compétitions nationales anglaises.

Il passera le temps en alimentant la chronique des faits divers et en chambrant ses partenaires, abusant quelque peu de sa blague favorite lors des entrainements. A chaque départ de sprint, il avait la vilaine manie de lancer à ses coéquipiers noirs un sonore : « A vos marques, prêts, ramassez vos lèvres, partez » qui lui a valu quelques inimitiés dans le milieu. Malgré cela, Grobbelaar fait la joie de trois entraineurs successifs et parvient sans encombres à garder sa place de titulaire jusqu’en 1994, glanant au passage quelques titres de champion et autres FA Cup ou Charity Shileds.

C’est un jeune premier, lui aussi fort en gueule et qui deviendra quelques années plus tard la risée de tous les stades du vieux continent, qui vient lui piquer sa place. Il a pour nom David James et n’est pas encore connu à l’époque sous le sobriquet de Calamity James.

La suite est glauque, voire carrément sordide. Brucie est transféré à Southampton. Il n’y trouve rien de mieux à faire que de se retrouver en une du Sun accusé principal dans une affaire de corruption. Les preuves sont accablantes puisque Grobbelaar est filmé en train d’accepter de l’argent pour truquer le résultat d’un match. Pourtant, il plaide non-coupable et sera mystérieusement blanchi en novembre 1997 après deux procès, se voyant attribuer 85 000£ de dommages et intérêts. Le fantasque gardien de but décide alors de poursuivre le Sun pour diffamation devant la chambre des Lords, la plus haute institution judiciaire britannique.

Autant le dire tout de suite ce ne fut pas sa meilleure idée. Les Lords, sans doute rebutés par la nauséabonde réputation du personnage, réduisent les dommages et intérêts obtenus à 1£ et obligent Grobbelaar à payer les 500 000£ de frais judiciaires engagés par le Sun dans cette affaire.

Brucie, qui fête alors ses 40 ans, ne s’en remettra jamais. Ruiné malgré les sommes rondelettes amassées durant sa carrière, celui qui fut longtemps surnommé “le prince des clowns” ne fait plus rire personne et termine sa carrière dans l’anonymat des divisions inférieures britanniques. Ce grand humaniste trouvera finalement refuge en Afrique du Sud, sans doute pour profiter des derniers relents de l’Apartheid. Sa réputation l’y a précédé et le pays l’accueille à bras ouverts. Il y exercera quelque temps le métier d’entraineur.

Aujourd’hui, même si la prolongation de contrat de Rafael Benitez traine un peu en longueur, l’homme qui a déclaré « Je reviendrai un jour à Liverpool en tant que manager » a peu de chances de retourner à Anfield autrement qu’en tant que simple spectateur. Mais pendant que Paul “Gazza” Gascoigne multiplie les tentatives de suicide et nous apprend qu’il est possible de faire des overdoses de Red Bull, on peut finalement se dire que Bruce Grobbelaar ne s’en tire pas si mal.

Ainsi va le destin des stars des années 80, une décennie dont on aura décidément bien du mal à dresser le bilan.

Pierre Costar

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