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Quand Jean-Yves Lafesse nous racontait son amour du foot

Propos recueillis par Jacques Besnard
Quand Jean-Yves Lafesse nous racontait son amour du foot

L'immense Jean-Yves Lafesse s'est éteint à l'âge de 64 ans. En 2016, il nous avait accordé un entretien 100% foot. Dans lequel on apprenait, entre autres, que le choix de son nom de scène était intimement lié au football.

Mes fils, il y en a un qui veut être le futur Neuer du Bayern et l’autre le futur Griezmann.

Salut Jean-Yves. Bon, d’abord, il paraît que vous êtes un vrai fan de foot.En Bretagne, on naît sur un vélo et un ballon au pied. Je suis un fana de foot depuis que je suis tout petit, évidemment. Je mate cinq ou six matchs par semaine quand même. Les matchs du dimanche soir, les matchs de l’Atlético, les Clásicos, le Bayern avec mes fils. Il y en a un qui veut d’ailleurs être le futur Neuer du Bayern et l’autre le futur Griezmann. Ils ont huit et dix ans et ils jouent déjà au foot à Paris. (Il se tourne vers ses gosses, NDLR.) Tu veux toujours être goal du Bayern, toi ? À huit ans, il veut jouer soit au Bayern ou à Rennes. Celui de dix ans, c’est soit attaquant à l’Atlético soit à la Juve, soit à Rennes…

Pourquoi Rennes, du coup ? Vous les avez emmenés au stade ?Non, mais ils aiment Gourcuff. Je les ai nourris en regardant les matchs où Yoann jouait. Sans déconner, quand tu le voyais en forme, que ce soit à Bordeaux, à Lyon au début, en équipe de France, c’était un joueur qui avait de la classe. Et puis, il avait dédicacé son maillot à mon fils après le match contre le Dinamo Zagreb quand ils avaient gagné 7-1. On voit vite que c’est un mec timide, introverti, mais il a l’œil qui brille, il aime bien se marrer, il a une double casquette.


Vous étiez quel genre de joueur ?J’ai joué au Stade pontivyen jusqu’à seize ans, puis j’ai arrêté quand je suis parti en Afrique. J’étais arrière droit. À l’époque, on nous déconseillait de monter. Il n’y avait pas la conception du latéral qui était si offensif. On devait être prêts à aller à l’impact pour bloquer l’ailier gauche, cantonné à défendre. C’était très primaire.

C’est vrai que votre pseudo vient du fait que vous aviez marqué le seul but de votre carrière de la fesse ?Oui, Lafesse, ça vient d’un but que j’avais marqué. Sur un corner, je suis monté et j’ai marqué le but de la victoire (1-0) contre Plouay ou Plouray, je ne sais plus… Je me troue sur la reprise de volée, complètement. Geste magnifique, le grand écart en extension et tout. Mais le ballon touche ma fesse gauche. Et but…

Le matin en hiver, à part les cris des parents, on n’entend que le bruit du ballon. J’ai retrouvé ce bruit une seule fois, je crois que c’était durant un Matra Racing-PSG avec Francescoli. Dès qu’il posait le pied sur le ballon, il y avait ce silence incroyable dans le stade.

C’étaient des beaux moments, ces années à taper le ballon dans les stades morbihannais ?Ce que j’adorais, c’étaient les déplacements. Partir en car avec toute l’équipe avec nos sacs Adidas, nos chaussures à trois bandes avec du cuir épais. On ne sentait pas quand on nous marchait dessus. J’adorais jouer dans le froid. Quand on est défenseur droit, ce qui est drôle, c’est qu’on voit le milieu, les attaquants et l’équipe d’en face avec cette vapeur, cette fumée qui sort de nos naseaux. Et puis le matin en hiver, à part les cris des parents, on n’entend que le bruit du ballon. J’ai retrouvé ce bruit une seule fois, je crois que c’était durant un Matra Racing-PSG avec Francescoli. Dès qu’il posait le pied sur le ballon, il y avait ce silence incroyable dans le stade. On attendait ce qu’il allait faire et on entendait le bruit du cuir. Francescoli balle au pied, c’était magique, on attendait l’aigle. Ce même son, on l’avait en hiver le matin. C’était ça que j’aimais dans le foot, et puis le collectif aussi.

Vous êtes supporter de quelle(s) équipe(s) ?Moi, j’aime les cinq équipes bretonnes et le PSG, mais honnêtement, j’aime tous les joueurs. J’aime le jeu. J’ai d’ailleurs adoré les grands moments du PSG quand ça jouait très collectif. Dès qu’une équipe joue collectif, de toute façon, ça gagne. On l’avait vu avec Montpellier en 2011 quand ils ont été champions. C’est pas compliqué.

En parlant de collectif, on va parler de Lorient, vu que vous avez grandi à une cinquantaine de bornes de là. Pendant longtemps, c’était quand même sympa à voir jouer. Qu’est-ce qui a fait que Lorient a su tenir entre la septième et la dixième place pendant plusieurs années (entre 2008 et 2014, Lorient termine une fois 7e, deux fois 8es et une fois 10e, NDLR) ? Ce ne sont pas les moyens, pas les joueurs, même si on a eu des bons éléments comme Gameiro, Lemina, Amalfitano, c’était le fait qu’on avait un putain de collectif, une philosophie de jeu qui était scrupuleusement appliquée. Ça jouait, les schémas de jeu changeaient pendant le match, et c’est ça qui a fait que Lorient a pu tenir la dragée haute aux cadors de la Ligue 1.

J’ai eu la chance quand même de fumer une clope à côté de Johan Cruyff au Stade de France et de me faire dédicacer L’Équipe.

Vous connaissez personnellement Christian Gourcuff, qui était le gourou de cette équipe lorientaise.Je l’ai rencontré quatre ou cinq fois. On a dîné ensemble une fois. À chaque fois, je lui ai dit que j’adorais sa philosophie de jeu. Le Lorient de l’époque me plaisait énormément. Je ne suis pas entré dans les détails au niveau du foot, car j’ai tout de suite senti que ça allait le gaver. Il donne tellement au foot qu’il attend autre chose, je pense, des gens qu’il croise. Ce qu’il aimait, c’était que je lui raconte des conneries.

Vous avez rencontré beaucoup de footeux ?Non, mais j’ai eu la chance quand même de fumer une clope à côté de Johan Cruyff au Stade de France et de me faire dédicacer L’Équipe. Je crois que c’était la finale de Ligue des champions entre le Real Madrid et Valence. Je lui ai demandé du feu, et il m’en a donné, j’ai eu à peine le temps de lui dire « You are my god », puis il a tiré une taffe, il a souri, il s’est retourné et il m’a tourné le dos. Tout le monde lui dit ça, t’imagines…

Vous êtes souvent allé dans les stades mater des matchs ?Je suis allé plusieurs fois au Moustoir et beaucoup au Parc. J’étais là quand ils ont gagné ce fameux match contre le Real avec la tête de Kombouaré. On parle toujours des publics de Nantes, de Lens, de Saint-Étienne, mais attention, le public parisien à l’époque, c’était quelque chose. En Coupe d’Europe, c’était costaud. Énorme. Quand les tribunes se soulevaient tellement parce que ça jouait, c’est ça qui était beau.

On vous sent un peu nostalgique du foot d’antan…J’ai eu la chance de voir des matchs en direct à la télé comme Angleterre-Allemagne en 1966, à treize ans le boulet de canon de Carlos Alberto sur la passe de Pelé contre l’Italie. On a quand même vu des superbes équipes, la Hollande, l’Ajax, Saint-Étienne… Mon plus grand traumatisme, c’est Schumacher. J’ai fait deux mètres de recul, je suis sorti de la pièce pour ne pas voir l’état de Battiston et je suis rentré sur la pointe des pieds pour voir s’il s’en était sorti. On a tous cru qu’il était mort. Quelle horreur, ça m’a bouleversé, putain. J’aime vraiment les joueurs de foot. Je sais que c’est très très difficile comme métier. On les fait passer pour des buses, des surpayés, c’est insupportable. Quand on sait les sacrifices qu’il faut faire pour y arriver, on n’a pas le droit de se foutre de leur gueule, c’est trop facile et c’est dégueulasse. Je ne peux pas m’empêcher, quand je vois des gens casser des footballeurs, de citer Camus qui avait dit : « Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois. »

Entretien réalisé en novembre 2016. La rédaction de sofoot.com adresse ses sincères condoléances à la famille et aux proches de Jean-Yves Lambert.

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Propos recueillis par Jacques Besnard

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