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Luis Enrique, en coulisses comme à la scène
Dans un documentaire d’une rare proximité diffusé sur Movistar+, le coach du PSG se livre comme jamais et se montre sous un jour aussi affectueux qu’exigeant. Alors que faut-il voir derrière ces images de façade ?
Diffusée sur Movistar+ depuis le début du mois d’octobre et construite en trois épisodes, la mini-série intitulée No tenéis ni **** idea (« Vous n’avez pas la moindre putain d’idée » en français) permet aux spectateurs de marquer Luis Enrique à la culotte. Et ce, dès ses premiers pas à Paris. Une arrivée inattendue au moment du lancement de cette série, comme en témoigne Duncan McMath, producteur du doc : « Nous voulions une immersion au plus proche de Luis Enrique et nous avons vu qu’il nous donnait beaucoup accès à sa vie quotidienne. On a commencé à parler avec lui après le Mondial 2022. On lui a dit que ça nous intéressait de faire un truc avec lui, alors qu’il n’avait pas d’équipe à ce moment-là. Quand est-ce qu’on a vu un truc sur un entraîneur sans boulot ? Ça lui a plu. » Et à McMath de poursuivre : « Tout ce qui n’est pas normal, il adore. »
Luis Enrique, la pile électrique
Grand adepte de cappuccino depuis son expérience romaine (2011-2012), Luis Enrique est un homme monté sur batterie. Luis Campos lui-même ne pensait pas « qu’il pouvait y avoir un être humain avec autant d’énergie ». En perpétuel mouvement, il est prêt à interrompre une réunion de travail avec son staff avant un match couperet de Ligue des champions simplement pour bouger, garder la forme. Chose à laquelle il s’astreint toutes les 30 minutes.
Malgré un désamour certain pour les journalistes, que l’on a pu constater dernièrement au micro de Canal+ et qu’il rappelle dans le doc, Luis Enrique a laissé cette fois carte blanche à l’équipe de tournage. Peut-être justement parce qu’il ne s’agit pas de journalistes, d’ailleurs. « La communication s’est faite avec lui, quand on allait filmer, on parlait avec lui, explique Duncan McMath encore sous le charme. À un moment, on lui a dit de nous laisser parler avec le club, le responsable presse ou quelqu’un. Il a dit que non, qu’il aimait bien parler avec nous. » Un accueil chaleureux qui n’a pas non plus changé l’entraîneur. « Comme tout le monde, c’est une personne qui peut perdre patience, qui crie, qui s’énerve. Mais on le savait depuis le premier jour, se souvient McMath. Il ne s’est jamais énervé contre nous, il ne nous a jamais envoyés chier ou quoi. »
Protecteur auprès des siens, rappelant à plusieurs reprises dans la série pouvoir entendre toutes les critiques tant que son entourage ou ses joueurs sont épargnés, l’Asturien s’est montré très ouvert. « Il ne voulait rien toucher à notre travail. Les seules fois où il nous a dit de bouger des choses, c’est quand il y avait des moments où ça pouvait affecter l’image de son staff ou de sa famille. On a tout vu ensemble, et ils n’ont demandé aucun changement, rien. »
’’¿Yo me puedo considerar afortunado o desgraciado? Yo me considero afortunado, muy afortunado. Mi hija Xana vino a vivir con nosotros 9 años maravillosos’’. #LuisEnrique pic.twitter.com/rlb6pXCXnU
— Fútbol en Movistar Plus+ (@MovistarFutbol) October 14, 2024
Luis Enrique laisse ainsi l’image d’un homme au sourire contagieux et permanent, même à l’évocation du drame qui a touché sa famille, le décès de sa fille Xana en 2019, à l’âge de 9 ans : « Ma fille a vécu neuf années merveilleuses avec nous, on a plein de vidéos, de souvenirs, de moments en tête avec elle. Quand on pense à elle, on rigole, on se souvient. » Pour elle, la famille a monté une fondation qui lutte contre le type de maladie qu’elle a subi, un ostéosarcome, soit un cancer des os. La série se termine d’ailleurs à Barcelone, lors du premier repas de charité organisé par la fondation. Un moment important du tournage pour le producteur, qui considère cette scène comme l’une des plus importantes de sa carrière, pour ce qu’elle représente pour Enrique : « Il n’a pas pris un euro pour la série. Il m’a dit : “Ce qui me revient, je veux que ça aille à la fondation.” »
Mbappé, coup de gueule et envie de jouer
Tout aussi souriant et attentionné qu’il soit, le coach parisien – en passe de prolonger son séjour français de deux saisons supplémentaires – reste un professionnel très exigeant. Alors quand son groupe ne joue pas selon son envie, il le fait savoir. On peut ainsi voir à plusieurs reprises Enrique passer un savon à ses joueurs. Pressing trop mou, manque de rigueur tactique, attentisme, tout y passe, avec un mantra : « Continuez à jouer et à croire dans le système. » S’il y avait une idée à retenir chez Enrique, ce serait que perdre n’est pas une fin en soi, tant que l’on a cherché à continuer à jouer au football. Mais s’il y a bien un joueur que Luis Enrique aime prendre en exemple lors de ces causeries animées, c’est Kylian Mbappé.
Tout au long de la série, il exhorte son joueur à devenir leader et à entraîner les autres derrière lui, notamment au pressing, n’hésitant jamais à le confronter. Après un triplé à Reims, il lui rappelle devant tout le vestiaire que s’il ne défend pas, le bilan n’est pas bon. Avant le retour contre la Real Sociedad, alors que le départ à venir de Mbappé est sorti dans la presse, il lui demande de prouver son implication jusqu’à la fin de saison devant tout le monde. Après l’aller contre le Barça, il lui passe une soufflante mémorable en privé et en remet une couche devant le groupe le lendemain.
Des séquences qui ont fait débat en Espagne, et qui doivent beaucoup au technicien du PSG. « Ce n’est pas nous qui les avons filmées, annonce Duncan McMath. C’est enregistré par quelqu’un de son staff pour qu’il puisse travailler son langage corporel, le choix des mots et qu’il débriefe avec son psy pour s’améliorer. Quand on a commencé à filmer, je ne savais pas ça. C’est lui un jour qui est venu me demander si je pensais que ça pourrait être intéressant. » Mais pour McMath, le plus important dans le fait que ces vidéos ne proviennent pas de lui, c’est qu’Enrique « ne surjoue jamais, il ne force pas les choses ».
L’ego bien placé
Là où l’Espagnol ne semble pas surjouer non plus, c’est dans son optimisme permanent. « C’est la personne la plus positive et optimiste », se souvient McMath. Un aspect de la personnalité du coach parisien qui s’explique peut-être par une immense confiance en ses joueurs et dans son projet, et par une volonté permanente de contrôler les émotions. Un élément dont le club avait grandement besoin, lui qui était plutôt habitué à claquer des genoux à l’arrivée des grosses échéances printanières.
Droit dans ses bottes au moment de dire qu’il représente plus l’ADN Barça que Xavi, sûr de lui lorsqu’il annonce que le PSG va remonter son but et sa défaite de retard contre ces mêmes Catalans, sans l’ombre d’un doute avant d’affronter la Real Sociedad, Luis Enrique est sûr de lui, quitte à parfois déstabiliser. Vous vous souvenez sûrement du positionnement axial et en numéro 10 d’Ousmane Dembélé au retour contre les Basques. Eh bien sachez que les joueurs ne l’ont pas appris bien longtemps avant vous, seulement lors de la causerie d’avant-match à l’hôtel.
Tout chez lui transpire la confiance, et ses anticipations ne sont pas de nature à dégonfler ce capital. Les errements balle au pied de Ronald Araujo ? Le besoin de Mbappé de redescendre sur les corners ? La défense trop laxiste du Barça sur les frappeurs extérieurs ? Toutes des situations identifiées en amont et qui se sont transformées en buts à Montjuic. À grands coups de « si on fait ce qu’on sait faire, on est meilleur », l’Asturien rassure en permanence un groupe qui ne demande que ça. En plein générique de fin, Enrique prévient d’ailleurs tous les suiveurs du club parisien : « Avec un joueur qui bouge de façon aléatoire, ça voulait dire que je ne maîtrisais pas toutes les situations. L’année prochaine, je vais tout contrôler, toutes les situations, sans exception ! » Si tous ces ingrédients permettent de faire une bonne série, il reste à voir si ça permettra au Paris Saint-Germain de faire une bonne saison. Et pour ça, pas besoin de se rendre sur Movistar+.
Par Julien Faure
Propos de Duncan McMath recueillis par JF.