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Président Tokyo

Par Alexandre Doskov
Président Tokyo

Inconnu aux bataillons et possédant un nom que l'on imagine ailleurs qu'à la tête d'une maison sérieuse, le Sud-Africain Tokyo Sexwale pourrait être la surprise de l'élection à la présidence de la FIFA. Et après quelques décennies à s'être soucié de libérer son pays, d'en visiter les cellules et d'assurer sa prospérité sur plusieurs générations, le voilà en route vers Zürich, déterminé comme jamais.

Être président de la FIFA, c’est bien. Un titre un peu rutilant, pas mal de pouvoirs, une belle exposition médiatique à la tête de l’une des institutions sportives les plus puissantes de la planète. Mais tout cela n’est qu’un lot de consolation pour Tokyo Sexwale, qui a très longtemps eu pour ambition de s’offrir un autre costume présidentiel, celui de l’Afrique du Sud. Dans les années 90, Tokyo Sexwale était lancé pleine balle vers le pouvoir suprême, où il s’imaginait bien succéder à celui qui avait été son compagnon de cellule pendant 12 ans, un certain Nelson Mandela, élu en 1994. Problème, il n’est pas le seul dans les starting-blocks. Une bonne partie de membres de l’ANC est devenue la nouvelle classe politique depuis la fin de l’apartheid, et les bureaux présidentiels de l’Union Building à Pretoria font saliver pas mal de monde. Peu importe pour Tokyo Sexwale, qui est de ces hommes qui ne doutent jamais de rien, et surtout pas d’eux-mêmes.

Un CV parfait, un échec politique

Élu dès 1994 gouverneur de la province du Gauteng, où l’on trouve entre autres Johannsburg et Pretoria, le jeune quadragénaire fait figure de comète et semble télécommandé vers la magistrature suprême. Marié à Judy, une des juristes blanches qui s’occupait de lui quand il était en prison, son couple est l’un de ces contes de fée dont raffole à l’époque une Afrique du Sud avide de symboles de réconciliation nationale. En somme, le CV est parfait : la lutte armée, l’exil, la prison, l’onction de Mandela, l’ambition dévorante, les planètes semblent alignées pour voir Sexwale accéder au niveau supérieur.

Mais comme tant d’autres trajectoires présidentielles avant lui, celle de Sexwale viendra s’exploser contre ces fameux récifs que sont les manœuvres de partis et les magouilles de congrès. Opposé à Cyril Ramaphosa, président de l’Assemblée constituante, et surtout à Thabo Mbeki, vice-président de Nelson Mandela, Sexwale tente à l’approche de la présidentielle de 1999 de mettre la main sur le parti, l’ANC, machine de guerre électorale qu’il vaut mieux contrôler pour mener une campagne. Et à la manière d’un Rocard, torpillé comme un bleu par la mitterrandie au congrès de Metz en 1979 et qui s’était fait chiper le chemin de l’Élysée pour les quinze années à venir, Sexwale voit l’appareil lui passer sous le nez, Thabo Mbeki emporter successivement la présidence de l’ANC, puis celle de la République, et doit arrêter la politique pour se lancer dans les affaires.

Plus Jacob Zuma que Kurt Zouma

Toujours aussi ambitieux et culotté, il ne tarde pas à empiler des millions, puis des milliards. La politique ? On ne l’y reprendra plus. « Je n’aime pas la politique » , répète-t-il à qui veut l’entendre. Et pourtant, une décennie après son échec présidentiel de 1999, le voilà qui reprend du service dans le gouvernement du nouveau président élu, Jacob Zuma. Comme ministre du Logement, après avoir été annoncé à l’Intérieur ou aux Affaires étrangères, et encore une fois, il ne pourra s’empêcher de viser l’échelon du dessus. Il tente le putsch au bout de trois ans, en 2012, en posant sa candidature pour devenir vice-président et récupérer l’ANC au passage. Avec une nouvelle défaite à la clé, face à son adversaire de longue date Cyril Ramaphosa, et un renvoi du gouvernement l’année d’après. Bye bye, l’élection de 2014.

Obsédé par la fonction présidentielle, Tokyo Sexwale a l’air de s’être résigné à accepter celle de la FIFA. Pour l’instant. Car à 62 ans, le bonhomme paraît toujours en forme, comme le montre son amourette avec une mannequin d’à peine 25 ans depuis son divorce ultra-médiatisé en 2013. La gloire ne se donne qu’à ceux qui l’ont rêvée, avait dit le général de Gaulle. À force de courir après dans tous les sens, l’ami Sexwale finira sans doute par en obtenir quelques miettes à un moment ou à un autre.


Son programme

Sans expérience ou presque dans le monde du football, Tokyo Sexwale fait tout pour obtenir ce précieux sésame qu’est l’étiquette : candidat du changement. Homme d’affaires dans l’âme, il n’a pas hésité à secouer le cocotier en balançant des idées comme l’introduction de publicité sur les maillots des sélections nationales. Un moyen pour les pays en développement d’augmenter leurs moyens, avance-t-il. Montrer que ses succès comme businessman l’aideront à être un bon dirigeant, est-ce une stratégie viable ? Ça fonctionne pour Trump aux USA, en tout cas.

Ce qu’il pourrait aimer à Zürich : le Shukokai Seikenkan Karate Do Zürich

Si le nom de Tokyo Sexwale est si drôle, c’est d’abord parce que ce n’est pas son vrai nom. Il est en effet né Mosima Gabriel Sexwale, mais a rapidement hérité du nom de Tokyo en raison de son amour pour le karaté. Une activité qu’il pourra pratiquer à Zürich, dans cette académie réputée située en plein centre-ville, à deux pas de la gare Wipkingen. Il pourra aussi, entre deux cassages de bouches, faire un concours de blases amusants contre l’entraîneur en chef du dojo, qui répond au doux nom de Salvatore Coco.

Ses chances de réussir

100% meilleur nom de l’histoire des candidats – 60% pour ne pas s’être beaucoup occupé de football dans sa vie + 12% comme autant d’années de prison – les 10 millions d’euros que demandait sa femme au moment du divorce + les 25 ans bien tapés de son canon de nouvelle copine que la FIFA mériterait comme first lady. Le tout divisé par 10, nombre dans la ceinture noire de karaté, puis multiplié par le nombre de fédérations africaines qui ont déjà apporté leur soutien à Tokyo Sexwale. Avant de multiplier à nouveau par 2,5 – soit la taille moyenne, en mètres, du sexe d’une baleine – = 25% de chances de l’emporter pour Sexwale.

La chanson

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