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Pourquoi y a-t-il aussi peu d’anciens gardiens devenus entraîneurs principaux ?

Par Tom Binet
Pourquoi y a-t-il aussi peu d’anciens gardiens devenus entraîneurs principaux ?

Cela fait plus de deux ans et le départ d'Alain Casanova de Toulouse qu'aucun ancien gardien de but ne s'est assis sur un banc de Ligue 1. Conditionnés par un rôle des plus particuliers dans leur vie de joueurs, les ex-derniers remparts se font bien rares dans la confrérie des entraîneurs principaux. Et pourtant, leur vécu dans les cages peut aussi leur donner certains avantages au moment de prendre les rênes d'une équipe de haut niveau.

Le 1er novembre dernier, Tottenham se séparait de Nuno Espirito Santo après moins de trois mois passés sur le banc des Spurs. Triste nouvelle pour l’ancien gardien de but de Porto ou du Dynamo Moscou, passé par le banc de Wolverhampton et qui ne laisse donc que deux confrères en poste parmi les cinq grands championnats européens : Julen Lopetegui à Séville et Florian Kohfeldt à Wolfsburg, en attendant que Philippe Montanier retrouve la Ligue 1 avec Toulouse. Le constat est bien là : les anciens gardiens de but devenus entraîneurs principaux ne sont pas légion, y compris si l’on remonte dans le passé. Dino Zoff, Peter Shilton ou encore Raymond Goethals font partie des grands noms qui viennent à l’esprit, et ils pourraient bien avoir du mal à trouver leurs successeurs parmi les portiers du XXIe siècle. « Pour l’instant, être toute la journée à l’entraînement, ça ne me fait pas rêver », confiait même récemment Gigi Buffon dans un entretien à beIN Sports. Poste spécifique et trop peu reconnu ? Manque de légitimité ? Rôle trop exigeant mentalement ? Les raisons invoquées pour expliquer cette pénurie sont nombreuses.

Souvent, le gardien est prêt à tout psychologiquement, il encaisse beaucoup au niveau émotionnel. Et quand vous êtes entraîneur c’est pareil, donc peut-être que les mecs n’ont pas envie d’encaisser toute leur vie.

Espèce menacée

« Déjà, il y en a beaucoup qui deviennent entraîneur des gardiens, explique Mathieu Chabert, débarqué sur le banc de Châteauroux en octobre. L’orientation des gardiens est toute faite déjà, il y a une voie toute tracée. Disons que dans l’inconscient collectif, un gardien doit être entraîneur des gardiens. » Un poste à part dans le staff qui comblerait de nombreux candidats à un parcours de coach, selon celui qui a joué gardien à Béziers et Rouen notamment, avant d’arrêter en raison d’une tumeur à la moelle épinière. Une situation qui tient aussi à la volonté des principaux intéressés eux-mêmes, à en croire Élie Baup, dont le parcours de gardien s’est arrêté net après un accident de voiture alors qu’il n’avait que 24 ans. « Le poste de gardien est très dur émotionnellement et dans l’acceptation de la responsabilité en tant que dernier rempart. Souvent, le gardien est prêt à tout psychologiquement, il encaisse beaucoup au niveau émotionnel. Et quand vous êtes entraîneur c’est pareil, donc peut-être que les mecs n’ont pas envie d’encaisser toute leur vie », avance celui qui a notamment dirigé l’OM, Saint-Étienne, Bordeaux ou encore le TFC.

Malgré tout, l’hypothèse d’un délit de sale gueule semble écartée. « Je ne pense pas qu’il y ait de méfiance. Un ancien gardien qui devient entraîneur, s’il a des résultats, ça ne le bloquera pas pour évoluer », assure Mathieu Chabert, vite suivi par Alain Casanova, qui préfère souligner le faible ratio de gardiens dans un effectif professionnel : « Il y a pas mal d’années, je trouvais qu’il y avait une forme de dénigrement, on avait l’impression que les anciens gardiens de but ne pouvaient pas devenir de bons entraîneurs. Maintenant, je pense qu’il y a beaucoup de contre-exemples. » Autant d’heureux élus qui, bien que peu nombreux, tracent désormais leur route dans les zones techniques d’Europe. En essayant d’apporter leur propre vision du football.

« Le gardien est pratiquement le deuxième entraîneur sur le terrain »

Le vécu d’un gardien pourrait même constituer un « avantage » en vue d’une future carrière d’entraîneur, « en particulier dans la vision tactique », affirme même Mathieu Chabert. « Toutes les analyses que je fais proviennent d’une caméra derrière le but, expliquait cet été Nuno Espirito Santo en conférence de presse après son arrivée à la tête de Tottenham. Ce n’est peut-être pas mieux, mais c’est mon point de vue. Je connais les espaces, les distances, et je peux mieux juger la prise de décision des joueurs. » Une étude du jeu qui ne ressemble pas à celle des joueurs de champ, développée au fil de longues minutes à observer ses coéquipiers évoluer depuis sa surface de réparation. « Le gardien a une vision spéciale du jeu, appuie Mathieu Chabert. Ça permet d’avoir une visibilité et une culture tactique. »

Une fois, contre Nice, j’ai un face-à-face avec Saint-Maximin. Je la sors, mais avec de la chance. À la mi-temps, le coach me dit : « Mamad, t’es sur le cul un peu, reste debout ! » Un autre entraîneur ne l’aurait peut-être pas vu.

Un rôle à part sur le terrain qui préparerait indirectement à diriger une équipe depuis la touche. Élie Baup : « Dans le jeu, le gardien doit souvent placer des partenaires, y compris sur les coups de pied arrêtés. Il doit souvent prendre position tactiquement par rapport au jeu, ce qu’on retrouve ensuite chez l’entraîneur. » « Le poste de gardien demande beaucoup de réflexion. Très souvent, on n’est pas dans l’action et on a une vision globale du jeu et du terrain. On est amenés à réfléchir, anticiper les situations et à penser tactique. C’est pratiquement le deuxième entraîneur sur le terrain », abonde Alain Casanova, du haut de ses 242 matchs entre les perches du HAC.

Sous les ordres de Jean-Louis Garcia – lui aussi ancien gardien – pendant deux saison à Troyes, Mamadou Samassa a senti une différence. « Il avait un œil à part. Il essayait de nous corriger sur des situations, que ce soit en match ou à l’entraînement. Il était pointu sur des détails, c’est un véritable plus pour les gardiens. » Une vision acérée des faits et gestes de son dernier rempart qui peut s’avérer bien utile. « Une fois, contre Nice, j’ai un face-à-face avec Saint-Maximin, se remémore celui qui évolue désormais à Levadiakos, en Grèce. Je la sors, mais avec de la chance parce que je subis un peu l’action. Et à la mi-temps, le coach me dit : « Mamad, t’es sur le cul un peu, reste debout ! » Un autre entraîneur ne l’aurait peut-être pas vu, ou à la vidéo après coup. »

Les gardiens ont plus de prérogatives à devenir entraîneur principal que n’importe quel autre joueur.

Rôle à part, management et perception

Étiqueté comme le joueur à part au sein d’un effectif, le gardien peut-il être sereinement préparé à se retrouver à la tête d’un groupe ? « Un gardien n’est pas du tout solitaire. Il fait partie des leaders de facto d’une équipe, de sa colonne vertébrale. Il est très tôt investi dans ce qui se rapproche du rôle de l’entraîneur, assure Mathieu Chabert. Dans le management ça commence très tôt, il doit diriger son équipe. Je pense que les gardiens ont plus de prérogatives à devenir entraîneur principal que n’importe quel autre joueur. » Quoi qu’il en soit, il serait plus à même de tisser un lien de confiance avec son propre portier, une fois sur le banc. « Il sent plus son gardien, notamment sur la forme du moment ou l’aspect psychologique. Jean-Louis Garcia me comprenait vraiment », complète Samassa.

« Gardien, on a l’habitude de subir beaucoup de retenue de la part de l’environnement quand vous faites une erreur, on vous attribue peu de récompenses dans les résultats et beaucoup dans les défaites. C’est une psychologie à avoir de savoir qu’on est là pour le collectif », assure encore Élie Baup. Avant d’affirmer n’avoir jamais ressenti de doutes de la part de ses joueurs concernant son ancien poste. « Non, j’ai surtout eu l’inverse, des gardiens qui sentent qu’ils vont enfin être compris. Il va y avoir un meilleur échange. Les joueurs regardent votre carrière d’entraîneur, ce que vous avez fait, quelles idées vous avancez, ils ne regardent pas si vous avez été gardien, milieu ou autre pour juger votre travail. » Et pour cause : cette fonction leur va comme un gant.

Par Tom Binet

Tous propos recueillis par TB sauf mention.

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