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Babacar N'Diaye, l'homme qui donne des ailes au RB Leipzig

Par Andrea Chazy
Baba N'Diaye, l'homme qui donne des ailes à Leipzig

Il est celui qui, depuis 2017, a participé dans l’ombre à l’intégration puis l’éclosion d’Ibrahima Konaté, de Dayot Upamecano, de Christopher Nkunku et de tant d’autres au RB Leipzig. Lui, c’est Babacar N’Diaye, le team manager des Roten Bullen qui retrouvent Manchester City, ce mercredi (21h), en huitièmes de finale aller de la Ligue des champions.

Rares sont ceux qui, dans le milieu du foot, voient s’abattre une pluie d’éloges sur eux quand on prononce leur nom. Babacar N’Diaye fait partie de ceux-là. L’actuel team manager du RB Leipzig, qui fêtera son demi-siècle cette année, est un pion aussi discret qu’essentiel au bon fonctionnement de l’écurie allemande qui enchaîne, année après année, les parcours européens de premier plan. « Je préfère travailler dans l’ombre habituellement, mais on pourrait écrire un livre sur ma vie », rigole au bout du fil le dirigeant sénégalais. Très bien, alors prenons la plume.

(Team) Manager of the year

La scène se passe au Pentahotel de Leipzig, un soir de juin 2017. Sikou Konaté n’en a pas perdu une miette. Son petit frère, qui n’est autre que l’international français et vice-champion du monde Ibrahima Konaté, vient tout juste de souffler ses 18 bougies. Il a paraphé son premier contrat à l’étranger depuis quelques jours, mais sa maman est un peu inquiète. Il faut dire que cette fois, son ado ne part pas à Sochaux, facilement accessible en cas de souci majeur, mais à quasiment 1000 kilomètres de Paris et du 11e arrondissement de la capitale où la famille Konaté réside alors. « Là, tu pars, tu n’as pas d’encadrement, tu dois te débrouiller, rejoue Sikou qui a vécu en Allemagne avec son frère. Le fait qu’elle ait vu « Baba », ça l’a vraiment soulagé. Il lui a dit qu’il était entre de bonnes mains et que s’il avait des problèmes, il serait là. Baba, c’est une épaule pour chaque joueur ici. » « Baba », c’est le surnom qui suit Babacar N’Diaye depuis toujours. S’il a rejoint le RB Leipzig en 2017, c’était officiellement en tant que traducteur pour l’équipe première. Mais quand Ralf Rangnick, penseur du gegenpressing et actuel sélectionneur autrichien, décroche son téléphone pour convaincre quelqu’un de le rejoindre, c’est que la mission dépasse l’intitulé du poste : « Cela faisait bien quinze ans qu’on ne s’était pas parlé avec Ralf, détaille l’ancien joueur de Rangnick à Hanovre au début des années 2000. Il m’avait dit qu’ils avaient l’ambition de jouer la Ligue des champions rapidement, qu’il voulait ramener des jeunes français. Vu que je connaissais l’Allemagne depuis plus de vingt ans, que j’avais joué ici et que je parlais les deux langues, il souhaitait ma venue. J’ai accepté. » Quatre ans plus tard, Babacar N’Diaye récupère le poste de team manager et sa liste interminable de missions à effectuer : chercher les appartements et les maisons des nouveaux joueurs, s’occuper de leurs papiers « car il y a douze nationalités différentes au RB Leipzig », partir en amont vérifier les hôtels pour les rencontres européennes, donner la liste des joueurs qui vont démarrer la rencontre aux officiels, gérer et communiquer les groupes d’entraînement ou encore traduire les consignes du coach aux francophones. « Je vis seul ici, ma femme et mes deux enfants habitent à 270 kilomètres d’ici, pose Baba. Parfois, je travaille jusqu’à 23h donc je dors à l’académie. C’est beaucoup, mais j’aime ça. »

Reste que si vous aviez dit à Babacar N’Diaye, au début des années 1990, qu’il prendrait des photos avec Pep Guardiola après un match de Ligue des champions plus de 30 ans plus tard, il aurait eu du mal à y croire. C’est à Thiès, sa ville natale située à 70 kilomètres à l’est de Dakar, que Baba a passé sa jeunesse à d’abord jouer… au basket. « J’étais international de basketball en moins de 16 ans et 17 ans, je jouais également en première division dans l’équipe de basket de l’Union sportive du Rail de Thiès, explique-t-il. Mais dès que j’avais du temps libre, je participais aux navétanes. » Ce sont ces matchs de foot interquartiers, extrêmement populaires au Sénégal, qui vont révéler les talents d’attaquant de Babacar. En 1991, le championnat sénégalais de basket est en grève, et pour garder la forme, Babacar N’Diaye intègre la réserve de l’équipe de foot du club de l’US Rail. Il ne faudra pas longtemps pour que ses nouveaux dirigeants sucrent leur nouvelle pépite à leurs homologues du ballon orange, pas vraiment heureux de le voir changer de discipline. Derrière, tout s’enchaîne vite : Babacar N’Diaye connaît la D1 sénégalaise, quelques sélections dans l’équipe U20 des Lions de la Téranga avec Tony Silva et un premier tournoi de jeunes en Allemagne organisé par l’Amicale des Allemands de Thiès. Une route éclair vers le succès ? C’est bien ce que croit l’intéressé au moment de faire ses bagages pour rallier le pays roi de l’exportation en Europe. « La veille de mon départ, quand j’ai dit à mes amis que j’allais partir en Allemagne, personne ne m’a cru, rejoue l’heureux élu. J’avais arrêté les études tôt, je n’avais jamais vraiment travaillé et ils me disaient : “Chaque jour tu es là, tu ne fais rien, et tu nous dis que tu pars demain ? En réponse, j’expliquais que dans quelques mois, ils allaient me voir à la télé, car au Sénégal, le dimanche, on voyait des résumés du championnat allemand de 30 minutes. Je jouais en D1 au Sénégal, j’étais international junior, donc c’était naturel de penser que j’allais débarquer en Allemagne pour évoluer en Bundesliga. C’est en arrivant sur place que j’ai pris conscience que j’allais jouer en quatrième division. »

Hanovre, Rangnick et Bundesliga

C’est par l’intermédiaire d’un certain Otmar Schick, « un deuxième père » pour Babacar qui fut notamment citoyen d’honneur de la ville de Thiès, que l’attaquant sénégalais pose ses valises en Europe, à l’Union Solingen qui végète donc dans les entrailles du quatrième échelon du foot allemand. Tout change radicalement pour lui : Baba se retrouve seul, dans un pays à mille lieues de son Sénégal natal tant géographiquement que culturellement. « Au Sénégal, on fait tout ensemble. Ici, ça a été dur au début. Au niveau de la langue, de la nourriture aussi, car au Sénégal, on cuisinait bien ! » Pour s’en sortir, Baba s’achète des dictionnaires franco-allemands et se familiarise avec le football européen. « Devant ta télé, tu critiques tout, mais en arrivant en Allemagne, j’ai vu le monde d’écart qui me séparait de la Bundesliga, confie-t-il. Au Sénégal, s’il pleuvait, personne ne sortait et on ne jouait pas. En Allemagne, il y a des vrais gazons, pas un mix entre herbe, sable et poussière. J’avais des difficultés aussi à contrôler le ballon, alors qu’ici, après une touche, tu vas immédiatement vers l’avant chercher des solutions. » Après Solingen, N’Diaye monte en grade jusqu’au climax de sa carrière et un transfert à Hanovre en janvier 1998. Avec Die Roten (Les Rouges, NDLR), tout n’est pas toujours rose pour Baba. Mais au bout du compte, c’est là qu’il se fait un nom en troisième puis deuxième division allemande, là qu’il rencontre Ralf Rangnick avec qui il gardera de bons rapports, là qu’il évolue aux côtés de Marco Rose, l’actuel coach du RB Leipzig, là aussi qu’il finira par découvrir la Bundesliga, où il marquera même un but. Lors de la saison 2002-2003, à Nuremberg, lors d’une défaite (3-1). « C’est une fierté, forcément, d’avoir marqué au moins un but dans les cinq premières divisions allemandes, se vante l’ex-bomber. Mais la Bundesliga, c’était trop costaud pour moi. Je n’ai pas marqué les occasions que je devais mettre au fond, l’entraîneur ne pouvait pas me laisser le temps, et moi, je ne voulais pas rester sur le banc. Donc je suis parti en 2.Bundesliga à Sankt-Pauli. »

Credits : RB Leipzig/motivio
Credits : RB Leipzig/motivio

Le début d’un véritable road trip du foot allemand pour Baba, qui écumera près de treize formations outre-Rhin. Non sans être discriminé par moments : « Moi, le racisme ne me touche pas. J’ai joué dans un club à Berlin en quatrième division (le Sv Babelsberg 03, NDLR) et j’avais des problèmes avec quelques supporters à ce niveau-là, pareil à Sankt-Pauli. Mais sur 100 personnes, si tu en as 5 qui font ça et que les 95 autres sont normaux, tant pis. Tu ne peux pas changer les gens, celui qui ne peut pas apprendre ou ne veut pas, il ne va jamais avancer dans sa vie. Je me suis concentré sur moi, je ne voulais pas perdre mon énergie et mon temps. » C’est au SC Preussen Münster, un club basé dans la ville du même nom au nord de Dortmund, que Babacar N’Diaye met un terme à sa carrière de joueur en 2013. Il y passe ses diplômes d’entraîneur, y devient adjoint avant d’aller faire une pige d’un an dans le même rôle au SC Teutonia. Poste qu’il occupera donc jusqu’au fameux appel de Rangnick, à qui il n’a jamais tenu rigueur de son faible temps de jeu : « Ralf ne me faisait pas toujours jouer à Hanovre, mais ce n’est pas pour autant que je lui en voulais, resitue N’Diaye. Je n’ai pas besoin que ma copine, mes amis me disent que je suis un bon joueur, que je ne mérite pas ce traitement. La question que je me posais était la suivante : qu’est-ce qu’il faut faire pour que je joue ? Je dois travailler deux fois plus. C’est ce que j’essaye d’inculquer aux jeunes qui arrivent ici. » 

La sagesse du « Grand Baobab »

Ces jeunes français ou francophones, « ses chouchous » comme Baba les appelle, comprennent rapidement que « ce grand frère » ou même « ce papa » ne leur veut que du bien. Depuis six ans, il faut dire que les pépites qui parlent la langue de Molière ont défilé à Leipzig avant de s’envoler pour de grands clubs européens. Pêle-mêle : Naby Keïta et Ibrahima Konaté ont filé à Liverpool, Dayot Upamecano au Bayern, Nordi Mukiele a rallié le PSG cet été, tandis que d’autres pourraient les imiter dans un futur proche, à l’image Christopher Nkunku ou de Mohamed Simakan. Pourtant, Baba – qui est affectueusement surnommé « Le grand Baobab » par certains d’entre eux – le jure : tous ou presque ont galéré lors de leurs premiers jours à Leipzig. « Ce sont tous des jeunes extras, mais je me dois en permanence de leur dire la vérité, confie le baobab d’1,89m. Un jour, l’un d’eux ne comprenait pas pourquoi il ne commençait pas tous les matchs et s’était fâché. Il m’avait dit : “Baba, je ne suis pas venu ici pour jouer sur le banc, il faut parler avec l’entraîneur. Je lui ai dit tout de suite : “Non mon gars, je ne vais pas parler avec l’entraîneur. Si tu veux jouer, fais en sorte qu’on ne puisse plus te mettre sur le banc. Amadou Haïdara dit souvent : “Si le Grand Baobab dit quelque chose, je ne discute pas, je fais.” Ils savent que c’est pour eux que je dis ça. »

Quand il regarde dans le rétro, Babacar N’Diaye a des raisons d’être fier. Mais cela ne l’empêche pas de continuer à avancer. Il a récemment obtenu une licence en management « que seulement onze personnes dans le monde ont », en plus de la licence UEFA A qu’il a en sa possession. « Pendant neuf mois, j’ai suivi le cursus en Allemagne. Comme ça, les gens seront convaincus que je sais de quoi je parle, explique-t-il. J’ai tout fait en allemand. Je suis venu dans un pays, je n’avais rien. Aujourd’hui, j’y vis depuis plus de 20 ans et j’ai des diplômes. » La réception de Manchester City, ce mercredi en 8es de finale aller de la Ligue des champions, ne lui fait pas peur : « On a joué deux fois contre City il y a deux ans, on les avait notamment battus au retour. Avant de venir chez nous, le Real Madrid n’avait pas perdu de la saison (15 matchs sans défaite, NDLR) et on les a défaits ici. Ça va être un gros duel, mais c’est avant tout un plaisir de jouer ce genre de matchs. » Les Citizens sont prévenus : si eux ont un cyborg dans leurs rangs, Leipzig a de son côté un homme qui ne lâchera jamais rien. Et surtout pas ses chouchous.

 

Dans cet article :
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Par Andrea Chazy

Tous propos recueillis par AC.

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