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Opa Sangante : « Là, ce ne sera pas le supporter du PSG, mais le capitaine de Dunkerque »
Taulier de l’USL Dunkerque, héros en quarts de finale à Brest, Opa Sangante s’attaque à l’Everest PSG pour tenter de décrocher l’exploit ultime et de voir la finale de la Coupe de France. Scénario qui serait complètement fou pour celui qui vient de si loin, et qui a grandi avec Paris dans le cœur.

Opa, vous allez jouer une demi-finale de Coupe de France face au PSG. Rien qu’en entendant cette phrase, comment réagissez-vous ?
Si on me l’avait dit il y a quelque temps, je ne l’aurais pas cru. C’est le travail qui fait qu’on arrive à avoir ce genre de moments. On a montré tout au long du parcours qu’on n’allait jamais rien lâcher, qu’on était solidaires et qu’on pouvait aussi pratiquer un beau football. On l’a joué à fond du début jusqu’à maintenant, avec le sérieux et la rigueur nécessaires pour passer. On a été récompensés, en ayant joué tous nos matchs à l’extérieur ! (Béthune, Aubervilliers, Auxerre, Haguenau, Lille et Brest au tableau de chasse, NDLR.) C’est l’abnégation de cette équipe et la force du collectif qui ont fait la différence. Là, on arrive en demi-finales contre le Paris Saint-Germain. On aurait préféré les affronter en finale. Mais c’est déjà quelque chose d’exceptionnel. On va profiter au maximum, et rentrer sur le terrain pour gagner.
Quand on se plonge dans votre parcours personnel, arriver à ce Dunkerque-PSG à 34 ans, c’est fou, non ?
Par rapport à mon histoire personnelle, c’est incroyable. Je viens du monde amateur, je viens de très loin. J’ai toujours cru en moi. Je me souviens arriver à Beauvais. (En 2011, il a alors 20 ans.) J’évolue encore avec la N3 et je leur dis : « Mon objectif, au minimum, c’est de jouer en Ligue 2. » Il y en a qui me rient au nez et me disent : « Tu ne joues même pas avec l’équipe première et tu nous parles de Ligue 2 ! » En janvier, il y a un changement de coach, quelque chose qui m’a beaucoup marqué. Car c’est aussi grâce à lui que j’en suis arrivé là : le coach Albert Falette. Je le considère comme un papa. Il a beaucoup compté pour moi, il m’a toujours soutenu, il m’a donné la chance. Et, cette demi-finale, c’est aussi un moment magique parce que je supporte le PSG. Je vais profiter de ces moments-là, qui sont rares dans une carrière. On va tout donner pour essayer de rendre la famille et le public dunkerquois fiers.
Parfois, ce n’est pas que le hasard. Des fois, j’ai l’impression que c’est écrit.
À quand remonte l’attachement pour le PSG ?
Ça fait un moment ! Je suis un jeune qui a grandi en région parisienne, à Saint-Denis dans le 93. Je les ai toujours suivis. Mais, là, le supporter va être mis de côté. Là, ce sera le capitaine de Dunkerque contre le PSG.
Que vous disent vos amis d’enfance, supporters du PSG également ?
Avant le tirage au sort, ils me disaient : « On te souhaite le PSG. » Là, ils disent : « Bon, vous allez prendre une valise contre Paris, mais au moins tu pourras dire que tu as fait une demi-finale de Coupe de France. » Je leur réponds qu’on verra bien. Je ne me prononce jamais avant les matchs. Mais je suis très terre à terre : je ne m’imagine pas en finale, j’aime vivre match par match. Je les gère mieux comme ça.
Avez-vous un souvenir de jeunesse au Parc des Princes ?
Pour dire la vérité, je ne suis jamais allé au Parc. Seulement en jeunes, avec la fondation du PSG et les tournois inter-quartiers.
Ce stade, il vous faisait rêver ?
Bien sûr ! J’aurais aimé y jouer. Je n’ai pas eu cette chance. Là, on va jouer dans un grand stade, celui de Lille, à Pierre-Mauroy. Et pour vous dire : l’année dernière, je suis allé voir la finale de la Coupe de France à Lille, pour regarder un très bon ami, que je considère comme un frère : Mama Baldé (pour la finale PSG-Lyon, délocalisée en raison des travaux au Stade de France, NDLR). Je suis avec ma femme. Elle me dit : « Imagine, tu joues ici une finale de Coupe de France. » Je lui réponds que c’est impossible, car ça se joue au Stade de France normalement. Elle me redit juste : « Imagine. » J’y suis allé une seconde fois à Pierre-Mauroy, pour aller voir Lille-Brest, invité par Mama Baldé (désormais au SB29). Là encore, elle me redit : « On revient ici, ce n’est pas un hasard. Je sens que tu vas jouer dans ce stade. » Et bim : on tire le LOSC (huitième de finale, qualification aux tirs au but), ensuite on joue Brest (quarts de finale, 2-3) que j’avais été voir, et là, le PSG encore à Pierre-Mauroy. Parfois, ce n’est pas que le hasard. Des fois, j’ai l’impression que c’est écrit.
Vous arrivez en France à 6 ans, vous êtes né au Sénégal. Avec déjà le foot en tête ?
Oui ! Le Sénégal est une terre de football. Il y a ça et la lutte. J’ai fait un tout petit peu de lutte, mais je préférais le foot. Je jouais déjà avec mes cousins et mes amis. À ce moment, on regardait les grands joueurs sénégalais comme El-Hadji Diouf, Ferdinand Coly…
Vous êtes international avec la Guinée-Bissau, mais j’imagine que le Sénégal compte toujours autant…
Oui, ça compte beaucoup. D’ailleurs, en sélection, je les taquine un peu, en leur disant que je suis plus sénégalais que bissau-guinéen. Lors de ma première sélection, c’était face au Sénégal. Quand j’ai entendu l’hymne, j’ai failli le chanter, mais je me suis rappelé que je n’avais pas le maillot du Sénégal. J’ai toujours cette culture, ma maman y vit encore…
En France, vous grandissez du côté de Franconville. Quels sont les rêves du jeune Opa de l’époque ? Au début, c’est mon oncle qui m’emmenait au foot. J’avais ce petit côté gagneur. Quand je perdais, je rentrais à la maison, je pleurais, et mon oncle se moquait de moi. Il est décédé il y a quelques années. J’étais tout le temps avec lui. C’était un grand fan de foot. Sa mentalité de toujours vouloir plus, de vouloir gagner, de vouloir être le meilleur… Ça a fait l’homme que je suis aujourd’hui. Je voulais devenir pro et jouer dans les grands stades comme celui de la demi-finale. Être acclamé par une foule. Je rêvais d’être attaquant et de marquer des buts. J’ai des souvenirs de jouer au foot jusqu’à très tard. Mon père venait me chercher et, derrière, ce n’était pas pour être très gentil… Car j’étais censé rentrer plus tôt. Je me faisais un petit peu gronder. Par exemple, il me disait de rester à la maison pour un rendez-vous avec l’électricien ou le plombier, et moi je sortais pour jouer, et on ratait le rendez-vous. Le soir, je me faisais engueuler. Mais j’aimais trop le foot. Je me revois au collège : des amis, dont je suis encore proche, me disaient : « Mais le foot, il faut aussi l’école, etc. » Je leur répondais : « Oui, c’est vrai, mais, moi, je sais que je vais jouer pro, c’est sûr. Je ne sais pas comment, quel chemin je vais prendre, mais je vais être pro. » J’avais cette flamme en moi. J’en étais convaincu. Finalement, j’ai réussi. C’est une fierté.
Vous ne partez à Beauvais qu’à 20 ans. Avant, avez-vous connu des petits boulots en dehors du foot ?
J’ai aidé mon grand frère, qui travaille dans le bâtiment, dans les échafaudages. J’ai un beau-frère qui est dans la pâtisserie. Je faisais le pain, pas les gâteaux, je n’étais pas doué pour ça ! J’ai touché à plein de petits trucs pour me faire un peu d’argent. C’était à mes 17-18 ans. Avant que je ne parte à Beauvais. J’ai une anecdote : je me souviens aider mon frère. On est en déplacement à Poitiers, on est censés rentrer le jeudi. J’ai entraînement le vendredi. Je joue à Franconville, en R2. Le coach me dit de faire cet entraînement pour pouvoir jouer le week-end. Le chantier se finit un peu plus tard, le vendredi. C’est compliqué de pouvoir être présent à l’entraînement, donc je me prends un peu la tête avec mon frère. Il veut faire une pause le vendredi midi, je lui dis : « Non ! On finit et on peut rentrer pour l’entraînement. » Je lui demande de me déposer sur la route et, ensuite, je prends le train pour arriver à la séance. J’ai mes affaires sur moi. J’arrive un peu en retard à l’entraînement. Je joue le match. Mais après ça, j’ai dit à mon frère : « J’arrête. Moi, je veux jouer au foot. Je veux bien t’aider. Mais si toi, tu ne veux pas m’aider, on ne peut pas. »
Quand on goûte à la Ligue 2, on veut toujours plus. Malheureusement, je n’ai pas encore atteint la Ligue 1, mais j’y crois toujours.
En 2011, vous décidez donc de partir pour Beauvais. Avec une nécessité de s’éloigner de la région parisienne.
Oui. Dans la région parisienne, j’ai la famille, j’ai les amis et j’ai tendance peut-être à être moins sérieux, à moins récupérer. Je travaille par exemple avec des petits boulots, donc je ne suis pas forcément frais à me lever à 6 heures du matin pour travailler, puis d’enchaîner l’entraînement pour rentrer à 23h30 – minuit chez moi. Avant de signer à Beauvais, je parle avec l’entraîneur de Villemomble (93), qui est en National. Et je choisis Beauvais, pour pouvoir quitter la région et être plus focus sur le football, dans un nouvel environnement. D’ailleurs, avant, quand je fais mon essai là-bas, je ne suis pas prévu. Je suis avec un ami qui, lui, doit faire l’essai. Je demande à le faire aussi. On me dit qu’il y a assez de joueurs. Je me change quand même. On me dit de me mettre sur le banc, on ne sait jamais, s’il manque quelqu’un. Le coach finit par faire un changement. J’entre. Il y avait deux ou trois tours d’essais à effectuer derrière. Mais directement, on me dit : « C’est bon, on te signe, tu n’as pas besoin de faire plus. »
Beauvais, Chambly, puis le premier contrat pro à Châteauroux, où vous restez six ans. Pour signer à Dunkerque à l’été 2023. Vous diriez que ce chemin a été long avant d’arriver à jouer la montée en Ligue 1 et à disputer une demi-finale de Coupe de France ?
Oui, c’est un peu long. Mais quand on goûte à la Ligue 2, on veut toujours plus. Malheureusement, je n’ai pas encore atteint la Ligue 1, mais j’y crois toujours. C’est ce qui me permet de me lever le matin et d’avoir cette motivation supplémentaire. Ça a été long, mais je me dis que chaque chose arrive en son temps. Si ce n’est pas arrivé avant, c’est que ça ne m’était pas destiné.
En un an et demi dans le Nord, vous êtes devenu un taulier. En quoi cela a aussi bien matché pour en devenir le capitaine, voire le symbole ?
Peut-être est-ce ma personnalité et mon leadership ? Ça a tout de suite matché parce que le premier qui m’a ramené, c’est Mathieu Chabbert, que j’ai connu à Châteauroux. Un coach que j’apprécie. Puis un nouveau coach est arrivé (Luis Castro) et m’a nommé capitaine après quelques matchs. Je pense qu’il se reconnaît dans mes valeurs, et je me reconnais dans les siennes. Ça nous a permis d’avoir une belle entente. Je suis très reconnaissant envers lui. Malgré mon âge (34 ans), il me fait toujours progresser. C’est un coach très méticuleux, qui cherche toujours le meilleur de chaque joueur. Pour lui, tout le monde peut progresser. Et ça, c’est vraiment fort parce que je connais des coachs qui, à partir d’un certain âge, pensent qu’on ne peut plus progresser. Lui, c’est tout l’inverse. Un jeune ou un ancien, c’est pareil. Chaque joueur est jugé par rapport à la performance. Et il y a aussi la direction, avec Demba Ba, comme un grand frère pour nous, les joueurs, qui est aussi d’origine sénégalaise. Les méthodes de travail fonctionnent bien. Avec le président également. C’est tout cet ensemble qui fait que je me sens bien à Dunkerque et qu’on peut me voir comme un symbole.
On vous appelle encore Thuram ou pas ? (Il a été le double buteur héroïque en quarts de finale à Brest, NDLR.)
Non, ça y est, c’est passé. On attend le prochain coup !
Ok, le PSG est l’archi favori de cette demi-finale. Mais imaginez une seule seconde Opa Sangante qui dispute une finale au Stade de France, quasiment chez lui, à Saint-Denis…
J’essaie de ne pas trop l’imaginer maintenant. Je n’ose imaginer l’émotion et l’engouement que ça pourrait créer. J’évite d’y penser, car ça peut vite me monter à la tête et ce ne serait pas bon pour le match.
En direct : Dunkerque-PSG (0-0)Propos recueillis par Timothé Crépin