- Serie B
- J28
- Novara-Pro Vercelli (1-1)
On était au derby du Riz

C'est le sobriquet plutôt singulier dont a été affublé le classique entre la Pro Vercelli et Novara, deux clubs rivaux qui évoluent en Serie B et dont les ultras ont même choisi de vivre cet antagonisme à travers le hockey sur patins.
On les appelait les « mondine » , elles venaient de l’Italie entière pour trimer dans les rizières qui tapissent cette partie de la plaine du Pô. Une récolte qui leur rapportait quelques lires, mais surtout du riz pour pouvoir nourrir toute la famille. Ces mêmes rizières furent inondées durant la première guerre d’indépendance en 1848 afin de stopper l’avancée de l’armée des Habsbourg. Évidemment, tout est aujourd’hui mécanisé dans ce grenier à riz de l’Europe. Néanmoins, cette culture reste le moteur économique de la région. Grâce à un Chinois débarqué de son pays avec ses graines, Vercelli a même donné naissance au « riso venere » , sa couleur ébène en fait l’or noir de la « pianura padana » . Verceil et Novare en français dans le texte, dont les frontières des provinces éponymes sont séparées par le Sesia, cette rivière qui descend du mont Rose pour se jeter dans le magistral Pô.
Un siècle d’histoire
L’eau n’est pas au menu des ultras de Novara venus se chauffer plusieurs heures avant le coup d’envoi, les chants s’enchaînent et le plus répétitif est sans surprise « Vercellese pezzo di merda » , « parce que de toute façon, même en jouant aux billes, on est rivaux » , plante Gino, boisson au houblon à la main. Pas la peine d’aller feuilleter les bouquins d’histoire, vous y trouverez tout juste quelques chamailleries au moment où Vercelli est devenue chef-lieu de son propre département après avoir été chapeauté par Novara pendant plus d’un demi-siècle. Une rivalité quasi exclusivement sportive, mais surtout séculaire. En effet, le premier affrontement entre les deux formations remonte à la saison 1912-13, victoires 6-0 et 4-0 pour la Pro qui remportait déjà son 5e Scudetto. Après le premier conflit mondial, ces deux clubs forment avec Casale et l’Alessandria le fameux quadrilatère piémontais, certificat d’excellence du Calcio. On parle de déplacements effectués à vélo, avec les locaux sur le pied de guerre et prêts à en découdre. Bref, une terre de foot et d’échauffourées. Une terre de traditions.
Des crampons aux patins
Malheureusement, ces formations sombrent vite dans les divisions inférieures, quittant parfois le professionnalisme. Jusqu’à 2012, le dernier affrontement en Serie B datait de 1946. Pendant des décennies, ces deux grands rivaux se sont croisés sporadiquement, un vide compensé de façon assez surprenante. Avec la Juve, l’équipe de hockey sur patins – ou rink hockey – de Novara a été pendant longtemps le seul club italien à avoir glané plus de dix titres nationaux, tous sports confondus. 33 « sul campo » et une hégémonie remise en cause par… l’équipe de Vercelli ! « Novara gisait au mieux en Serie C2, la Pro était descendue encore plus bas, durant ces années de vaches maigres, le hockey a permis d’entretenir la rivalité entre les deux villes. Les ultras des clubs de foot étaient également actifs dans cet autre sport qui était très suivi dans toute l’Italie à l’époque » , dixit Gino. Les gymnases sont remplis à ras bord et chauffés à blanc. Plusieurs finales de play-off se disputent entre les deux équipes ainsi que des rencontres européennes. Avant et après-match, les plus teigneux s’en donnent à cœur joie, avec probablement quelques coups de crosse dans le lot. En 1998, une rencontre est interrompue à cause d’intempérances dans les gradins, elle ne reprendra jamais. Le must reste un soir de février 1985 où les derbys ont lieu le même jour, que ce soit en hockey ou en foot, Novara s’impose 4-1. Jour de gloire.
Une légende pour dénominateur commun
Rivalité omnisports, et pourtant un élément unit ces deux ennemis, et pas des moindres : un certain Silvio Piola, meilleur attaquant de l’histoire du football italien, 274 buts en Serie A, 290 si on compte le premier championnat d’après-guerre. Natif de Robbio, près de Pavie, il a été formé à la Pro Vercelli où il fait ses débuts pros. 5 saisons avant un départ à la Lazio, la WWII, le Torino, la Juventus et 7 ans à Novara où il conclut sa carrière à 41 piges. Piola est tout simplement le meilleur buteur de ces deux clubs en Serie A, comme ça pas de jaloux. Idem pour les stades, celui de la Pro est érigé en 1932 et porte d’abord le nom de Leonida Robbiano, pionnier de l’aéronautique militaire italienne. Celui de Novara est inauguré en 1976 et est dédié à Luciano Marmo, entraîneur des Biancazzurri pendant plus de trois décennies. La lenteur de la bureaucratie italienne fait que les deux équipes ont dédié à une année d’écart leur enceinte à leur joueur symbole. Ceux qui fantasment sur une diatribe pour la paternité de cette légende seront déçus : « Piola a joué un peu partout, il rassemble plus qu’il ne divise » , élude Gino. Et ce n’est pas plus mal.
Bientôt le cap des 50
L’important service d’ordre déployé démontre que cette affiche n’est pas prise à la légère par les autorités. À l’aller, cela a fini en pugilat, au retour, et à cause de l’horaire bâtard (un vendredi à 19h), le Silvio Piola de Novara est loin de faire le plein, mais la Curva Nord et le parcage visiteur se font entendre dans un froid piémontais qui prend aux os. Le scénario du match les réchauffent. Ouverture du score de Scavone dès la 2e minute avec une minasse en lucarne. Corazza répond à la 5e d’une belle tête plongeante. En tribune présidentielle, le club du troisième âge se retourne d’un seul homme vers les journalistes vercellesi et leur adresse des doigts d’honneur. L’arbitre en prend pour son grade, en patois évidemment, et avec obligation de blasphémer. 1-1 sera finalement le score final. Novara lutte pour la montée, la Pro pour ne pas descendre. Les deux équipes risquent ainsi de ne pas se retrouver l’an prochain pour ce qui serait la 50e édition du derby Lustucru. Et cette fois, pas de hockey sur patins pour se défouler, puisque les clubs ont fait faillite. Un coup à monter des équipes de curling pour y remédier, Vercellesi et Novaresi en seraient capables, car ils ont beau se détester, ils ne peuvent surtout pas se passer les uns des autres.
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