MU : les nouveaux impitoyables
Après un début de championnat poussif, les Red Devils ont retrouvé leur trône. Sans briller. En ne marquant presque pas. Manchester United, cette grande machine à jouer, serait-elle devenue une impitoyable machine à gagner ?
Des statistiques qui parlent d’elles-mêmes pour commencer. Sur les dix derniers matchs, les Red Devils n’ont encaissé aucun but. Plus significatif encore, ils n’en ont marqué que 14. Dont trois face à Chelsea. Et cinq face à Stoke City, premier match de leur série d’invincibilité. La soustraction est simple : sur les huit autres rencontres, Manchester a fait trembler les filets six misérables fois. Bien maigre mais aussi suffisant pour revenir sur Liverpool et Chelsea, et même s’installer sur le trône.
Le symbole de ce Manchester économe : Nemanja Vidic. Alex Ferguson en a tout simplement fait son candidat pour le titre de joueur de l’année. L’équipe au plus grand potentiel créatif du royaume, avec Ronaldo, Giggs, Tevez, Berbatov, Rooney, Scholes, voire même Anderson (blessé trois semaines), aurait donc comme premier all-star un impitoyable défenseur à la relance pas vraiment élégante ? Dur de contredire Sir Alex quand on se penche sur les stats défensives de Manchester et que l’on considère que Vidic est chargé de chaperonner depuis un mois le jeune Johnny Evans (tout juste 21 ans), en l’absence de Rio Ferdinand, son binôme traditionnel.
L’an passé, avec son insolente réussite, Cri-cri Ronaldo avait peut-être caché une réalité qui affleurait néanmoins en Ligue des Champions. Pour boucler sa campagne européenne, des huitièmes de finale au sacre de Moscou, sept buts en neuf matchs avaient suffi à MU. La double-confrontation face au Barça (0-0, 1-0), attendue comme une orgie de jeu comparable au Manchester-Real de 2003, l’avait particulièrement mis en évidence : Manchester savait désormais gagner petit. Et y prenait plaisir.
Tevez pas rancunier
Généreux, parfois trop, les Red Devils, killers en chef de la Premier League depuis 15 ans, n’ont jamais réellement fait figure d’épouvantail sur la scène européenne. Sauf depuis l’an dernier. Et la question se pose désormais : Manchester peut-il bisser en Ligue des Champions ? Les Red Devils qui figuraient avant une version anglaise du Barça, avec ce même credo séduisant mais un peu présomptueux – marquer un but de plus que l’adversaire plutôt que de se contenter du minimum vital – se concentrent désormais sur l’essentiel : gagner, quelque soit la manière.
A l’inverse du Barça, à la marge de sécurité double-molletonnée, Manchester a éprouvé ses nerfs dans des confrontations indécises et tendues. Une ressource utile quand il s’agit de ferrailler dans des aller-retour sous haute tension. L’ennemi Red de la Mersey ne dira pas le contraire. Encore, le week-end dernier, Manchester a patienté 90 minutes avant d’en planter un aux Vagabonds de Bolton : un débordement de Tevez pour la tête de Berbatov.
Depuis plusieurs semaines, le remuant Argentin se plaignait de faire banquette. Pas rancunier, il a servi celui qui lui a piqué sa place. Sans rechigner. La force de Manchester réside aussi ici : dans la gestion et même dans la mise au pas des ego.
Samedi (18h15) en Cup, face à un Tottenham bis focalisé dans sa lutte pour le maintien, Ferguson aura tout loisir de faire tourner son effectif et de faire s’ébrouer ses jeunes poulains impatients : Nani ou Welbeck, au hasard. Puis, mardi, retour aux affaires sérieuses, un déplacement à West Bromwich Albion, la lanterne rouge. Une victoire 1-0 comblerait les Red Devils et désespérerait ses poursuivants. Sur un but de Vidic ?
Par Thomas Goubin
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