Mihajlovic, d’un Lazio/Milan à un autre

Comme à son habitude, Siniša Mihajlović pose le ballon religieusement au sol. L’angle est difficile, mais pas pour lui. Un regard vers le gardien. Une frappe du gauche exceptionnelle. Une lucarne. Un stadio Olimpico qui explose. On joue la 29e minute de ce huitième de finale de Coupe d’Italie entre la Lazio et le Milan AC, et Mihajlović, arrivé à Rome pendant l’été, vient d’inscrire là son premier coup franc devant ses nouveaux supporters. En six ans, il en marquera 16 autres, dont certains restés ancrés dans la mémoire de tous les tifosi laziali : le triplé sur coup franc face à la Sampdoria, la bombe face à la Fiorentina, le premier but de l’histoire de la Lazio en C1 face à Leverkusen, ou encore cette perle décisive sur la pelouse de Chelsea. Mais ce 29 octobre 1998, c’est Sebastiano Rossi et le Milan AC qui doivent s’incliner. Or, cette saison-là, il s’agira de la seule joie du défenseur serbe face aux Rossoneri.

Bombardements et remontées

Un mois plus tard, les deux équipes se retrouvent en Serie A, à San Siro. 0-0 jusqu’à la 92e minute de jeu, lorsque Mihajlović oublie Leonardo au point de penalty, et que l’ex-Parisien fusille Marchegiani pour le seul but du match. Un but qui vaudra son pesant d’or à la fin de la saison. Car après cette défaite face aux Milanais, la Lazio ne perd plus. Elle enchaîne les victoires, Mihajlović les coups francs, et les Biancocelesti se retrouvent rapidement en tête du classement. Quand les deux équipes se retrouvent au match retour, le 3 avril 1999, au stadio Olimpico, la Lazio est leader avec 7 points d’avance sur le Milan AC, deuxième. Et vu la dynamique des joueurs d’Eriksson, invaincus depuis le match aller (16 matchs, donc), on pense qu’ils ne vont faire qu’une bouchée de joueurs milanais venus à Rome en victimes.

Mais pour un joueur, le contexte de ce match est particulier. Siniša Mihajlović. En effet, quelques jours plus tôt, des bombardements de l’OTAN ont eu lieu à Belgrade, dans le cadre de la guerre au Kosovo. Ces événements touchent particulièrement le joueur, qui a même été reçu quelques jours plus tôt par le gouvernement italien. Il ne l’admettra que plus tard, mais à ce moment-là, Mihajlović n’a pas la tête ni le cœur au football, et aurait même préféré ne pas jouer. Mais par devoir professionnel, il a honoré ce rendez-vous face au Milan AC, qui, en cas de victoire, aurait pratiquement offert un demi-Scudetto à la Lazio. Coïncidence ou non, ce 3 avril 1999, la Lazio n’y arrive pas. Milan est venu chercher le 0-0, et Zaccheroni réussit son coup, malgré le but valable annulé à Vieri à la 1re minute de jeu, qui aurait forcément changé la suite des événements. Milan repart de Rome avec un point. Un mois et demi plus tard, les Rossoneri sont sacrés champions d’Italie, au terme de l’une des remontées les plus folles de l’histoire de la Serie A.

Histoire de bêtes noires

Mihajlović recroisera le Milan AC à de nombreuses reprises avec le maillot laziale. La saison suivante, les deux équipes offrent l’un des matchs de la décennie, avec un 4-4 pyrotechnique à l’Olimpico, suivi d’une victoire 2-1 des Milanais au match retour, ce qui, ce coup-ci, n’empêchera pas les Romains de remporter le Scudetto au mois de mai. Mais pour Sinisa, le Milan va alors devenir une bête noire. Jusqu’à son départ de la Lazio à l’été 2004, il ne les battra plus jamais : 4 nuls et 4 défaites en Serie A, et plus le moindre but face à eux. Le dernier Lazio/Milan de Mihajlović dans l’absolu remonte au 29 février 2004. Un match que la Lazio entraînée par Roberto Mancini va dominer, mais que le Milan d’Ancelotti va remporter à un quart d’heure de la fin sur sa seule occasion du match : un coup de casque d’Ambrosini. Un match que le bon Sinisa définira comme « l’un des plus frustrants de sa carrière » à la fin de la rencontre, aux micros de Mediaset.

Ce dimanche soir, Mihajlović va donc retrouver sa Lazio, sur le banc du Milan AC. Son premier Lazio/Milan en tant que coach, lui qui, depuis le début de sa carrière de coach, ne s’est encore jamais assis sur le banc laziale. D’ailleurs, son ancienne équipe ne lui a jamais fait de cadeaux. En tant qu’entraîneur, Mihajlović a affronté neuf fois le club romain. Son bilan ? Une victoire (en 2010 avec Catane), un nul et sept défaites. L’an passé, sa Sampdoria s’était inclinée deux fois, dont un sec 3-0 à l’Olimpico. À croire que Sinisa est un sentimental : il n’a pas envie de briser le cœur de son ancienne dulcinée.