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Mais qui es-tu, le Swift Hesperange, dernier club européen invaincu ?

Par Simon Butel, au Luxembourg
Mais qui es-tu, le Swift Hesperange, dernier club européen invaincu ?

Au 1er janvier, ils n'étaient plus que deux. Le soir même, Paris chutait à Lens, et l'Europe du football (re)découvrait le Swift Hesperange : déjà dans la lumière à l'automne grâce aux exploits de son attaquant français Rayan Philippe, l'équipe luxembourgeoise, promue il y a seulement trois ans, est la seule du continent à n'avoir pas encore perdu cette saison. Une perf' qui tient, entre autres, aux stats de son buteur maison et à une stabilité sportive enfin trouvée, et surtout aux investissements de son richissime mécène Flavio Becca, revenu dans sa ville d'enfance pour en hisser le club au niveau - voire au-dessus - de son ancien joujou, le F91 Dudelange.

Le Luxembourg n’est pas spécialement réputé fantaisiste, et aucune étude récente n’a ambitionné d’évaluer le degré d’imagination des gamins du Grand-Duché. Mais si on demandait à un échantillon d’enfants luxembourgeois de dessiner, au hasard, un château-fort, il se pourrait bien que les plus mordus de foot du panel couchent sur leur feuille blanche le stade Alphonse-Theis. Tout sauf une lubie : conséquence du récent revers du Paris Saint-Germain à Lens, le 1er janvier, son pensionnaire, le Swift Hesperange, est tout bonnement le dernier club européen évoluant en première division européenne à ne pas s’être encore incliné en championnat cette saison.

Rayan Philippe en acteur principal

Bien que plantée sur les hauteurs de la commune, sur le site du hall omnisports Holleschbierg où cohabitent basket-ball, tennis de table et escalade, l’enceinte n’a pourtant, à première vue, pas grand-chose d’une forteresse imprenable, avec ses deux tribunes latérales qui se font face, l’une à ciel ouvert dominée par le club-house, l’autre – côté vestiaires – couverte, mais séparée de la main courante par un trottoir large de quelques mètres. Mais elle possède en guise de cour ce qui est sans doute, avec celle de Wiltz, également promu sur tapis vert dans l’élite en 2020, la plus belle aire de jeu du pays.

Une galette telle qu’Alphonse-Theis était, avec Wiltz justement, l’un des deux stades retenus par l’UEFA et la Fédé luxembourgeoise pour accueillir, en mars dernier, les rencontres du Tour Elite de l’Euro U17 opposant la France, le Luxembourg (tous deux qualifiés pour la phase finale, remportée par les Bleuets en juin en Israël) et l’Angleterre. Titulaires face au Luxembourg le 23 mars 2022 en ouverture de ce mini-tournoi, les Parisiens El Chadaille Bitshiabu et Warren Zaïre-Emery l’ignoraient alors, mais ils foulaient en fait le terrain d’un club qui serait propulsé neuf mois plus tard dans la lumière et les livres d’histoire de cette saison 2022-2023 à leurs dépens.

Mais le Swift n’a, à vrai dire, pas attendu le 1er janvier 2023 pour placer Hesperange, ville de 15 000 âmes voisine de Luxembourg-Ville et son drôle de blase, probablement tiré de l’anglais swift signifiant « rapide » , sur la carte du foot européen : début novembre, déjà, il fleurissait de toutes parts dans les canards français chantant les exploits de son buteur maison. En l’occurrence l’ancien dijonnais et nancéien Rayan Philippe (22 ans), soudain proclamé « joueur le plus décisif d’Europe » , du haut de ses 13 pions et 12 passes dé en 10 journées de BGL Ligue. Mieux, alors, que le cyborg Haaland ou « Kyks » Mbappé, pour ne citer qu’eux.

Becca et le projet du cœur

Deux mois plus tard, le gaucher né à Nice culmine à 17 buts et 16 assists, ce qui lui vaut des intérêts venus des Pays-Bas, de Belgique, de France ou de Turquie, entre autres, et le Swift facture à la trêve un bilan de 13 succès, 2 nuls, 51 buts pour et 14 contre (meilleure attaque et meilleure défense)… insuffisant pour devancer à l’issue de la phase aller le F91 Dudelange (14 victoires, une défaite), rossé chez lui en novembre (0-4, 11e journée), mais sacré champion d’automne, sept mois après avoir remporté le seizième de ses titres nationaux, tous conquis au XXIe siècle.

Un point sépare aujourd’hui les deux équipes, mais les voir se bastonner pour le titre est aussi cocasse que révélateur de l’évolution sportive récente du Swift, une petite Coupe de Luxembourg (1990) au compteur en 106 ans d’existence et qui n’était, il y a quelques années encore, sur la fin de son ultime passage au purgatoire (2014-2020), que la réserve officieuse d’un F91 s’invitant lui en phase de poules de la Ligue Europa. Terre d’accueil privilégiée des Dudelangeois à relancer ou recaser, Hesperange devait ce statut à un homme incontournable au Grand-Duché, tant dans le milieu du business que du ballon rond, et aussi riche que sulfureux : Flavio Becca.

Un temps proprio, via sa société de boissons énergétiques Leopard, de la team cycliste Leopard-Trek, créée en 2011 par les frères Schleck, Andy (déclaré vainqueur du Tour de France 2010 après le déclassement d’Alberto Contador) et Fränk, puis fondateur en 2014 de l’écurie de Moto3 Leopard Racing, qui a notamment révélé l’Espagnol Joan Mir (sacré champion de Moto GP en 2020), ce fils d’immigrés italiens a surtout, durant plus de 20 ans, été le mécène d’un F91 (né en 1991 de la fusion de trois clubs dudelangeois) devenu avec lui en 2018 le premier club luxembourgeois à accéder à la phase de groupes d’une compétition européenne, la C3, matchs face à l’AC Milan, le Betis Séville et l’Olympiakos à la clé.

Également mécène de l’Excelsior Virton (D2 belge) et, un temps (2019-2020), de Kaiserslautern, l’homme d’affaires de 60 piges a progressivement déplacé – la faute officiellement à une municipalité dudelangeoise réticente à bâtir un stade conforme aux ambitions de son F91 – ses billes vers le Swift Hesperange, le club de la ville qui l’a vu grandir. Il y a également placé en 2018 le regretté Dan Theis (l’ancien international luxembourgeois est décédé fin décembre à l’âge de 55 ans), artisan de la remontée du club en BGL Ligue en 2020, au terme d’une saison tronquée par l’épidémie de Covid. Sans surprise, le promu n’y est pas revenu pour niaiser.

Montres de luxe et commissions occultes

Troisième en 2021, après avoir lutté jusqu’au bout avec le Fola et le F91, et 4e en 2022, au terme d’un exercice marqué par le limogeage express de Vincent Hognon (seulement 8 matchs dirigés), le Swift s’est aussi distingué à son retour dans l’élite par une boulimie de transferts (18 recrues en 2020-2021, 26 en 2021-2022) et caractéristique de son boss, dont le côté collectionneur a aussi sa face sombre. Reconnu coupable d’abus de biens sociaux dans un procès portant sur l’acquisition de 842 montres de luxe – pour une valeur globale de 18 millions d’euros – par le biais de ses entreprises, Becca a en effet été condamné en juillet dernier à 12 mois de prison avec sursis et une amende de 250 000 euros par la cour d’appel de Luxembourg.

Si le début de saison du Swift a également été agité en coulisses, avec la mise à l’écart mi-septembre par Flavio Becca de son directeur sportif – et ancien employé – Sofian Benzouien, suspecté d’après le Luxemburger Wort de « mouvements illicites sur des commissions », tout roule en revanche sur le terrain pour la bande de Pascal Carzaniga, rappelé en juin après un premier passage réussi sur le banc hesperangeois en 2020-2021. Privé d’Europe cet été, un poil moins actif sur le marché des transferts (13 arrivées en comptant le mercato hivernal), le « PSG du Grand-Duché » semble avoir trouvé une certaine stabilité : sur son onze type, huit joueurs étaient déjà au club l’an dernier. Ce qui se ressent au niveau comptable, mais aussi collectif.

Parmi eux, donc, Rayan Philippe, tête de gondole actuelle du projet après avoir été utilisé à mi-temps la saison dernière (7 pions et 3 passes dé en 15 apparitions), mais aussi quelques hommes ayant connu les poules de la Ligue Europa avec le F91 (Kevin Malget, Jerry Prempeh, Clément Couturier, Dominik Stolz) en 2018 et 2019. Et bien décidés à revivre une épopée européenne, ce qui passe idéalement par le titre (synonyme de 1er tour de la C1), sinon par un podium ou un succès en Coupe (qualificatifs pour les tours préliminaires de la C4). Une quête qui ne reprendra que le 12 février lors de la venue, sûrement plus médiatisée que prévu, d’un mal classé, Hostert (14e), premier challenger à défier le dernier invincible d’Europe.

Revivez France-États-Unis (3-0)

Par Simon Butel, au Luxembourg

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