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Mais qui a tué Albert Ebossé ?

Par Michaël Forest
Mais qui a tué Albert Ebossé ?

Le doute n'est désormais plus permis : Albert Ebossé a été violemment assassiné en août dernier, dans le chemin qui mène du terrain aux vestiaires. Pourquoi ? Par qui ? Ici demeurent les zones d'ombre d'un drame qui n'a pas fini de faire parler de lui.

Ils ont tout dit, sauf la vérité. Alors que le regretté Albert Ebossé venait de trouver la mort en ce 23 août dernier, les questions sur sa disparition n’ont pas tardé à affluer. Devant les caméras, Mohand Cherif Hannafi, le président de la JS Kabylie, a d’abord marmonné que le Camerounais aurait « glissé sur une flaque d’eau » , avant de décéder suite à la rupture d’un « nerf » de la nuque. Face aux interrogations, il a ensuite privilégié la thèse d’une crise cardiaque, corroborée dans la foulée par le médecin du club : « Pendant le match, Albert a fourni beaucoup d’efforts. Au moment où il allait quitter le terrain, il a eu un malaise. » En sanglots, son coéquipier Kamel Yesli a lui raconté à France Info que son ami aurait reçu « deux projectiles » , le premier au poignet et le second à la tête, « qu’il n’a pas pu esquiver » . Après quelques semaines ombrageuses où se sont succédé les versions dissociées, c’est finalement Mohamed Tahmi, le ministre des Sports algérien, qui a livré le rapport officiel de l’enquête en septembre dernier : le Camerounais serait bien mort à cause d’un projectile lancé depuis les tribunes du stade de Tizi Ouzou, où la JSK venait de s’incliner contre l’USM Alger (1-2). « L’objet litigieux est identique aux objets retrouvés sur les chantiers hors du stade du 1er novembre 1954. Il s’agit d’une ardoise tranchante » avait expliqué le ministre, avant d’infliger une lourde sanction au club kabyle, dont les matchs cette saison se jouent à huis clos. Punition exemplaire. Affaire classée.

« Il a dû se débattre et a reçu un coup sur le crâne »

Sous le coup de l’émotion, beaucoup ont alors fustigé la violence jamais démentie des stades algériens, où les agressions à l’arme blanche et jets de pierres sur les joueurs sont légion. Si le problème reste entier, il semblerait néanmoins que, pour une fois, les supporters ne soient pas à blâmer. Il aura finalement fallu attendre presque cinq mois et la publication de la contre-expertise de l’hôpital militaire de Douala, où le corps de l’attaquant a été rapatrié, pour que les voiles et les dissimulations s’évanouissent. Menée par les docteurs André Mouné et Fabien Fouda à la demande de la famille du défunt, la seconde autopsie de l’attaquant camerounais, pratiquée le 11 septembre dernier, a révélé l’existence de multiples fractures à différents endroits du corps : « Nous avons constaté une série de cinq lésions assez patentes qui ne corroborent pas la thèse avancée dans un premier temps par les autorités algériennes, qui laissaient croire que le joueur aurait été tué par un projectile lancé depuis les gradins » , a affirmé le médecin anatomo-pathologiste André Mouné, photos choquantes à l’appui (âmes sensibles, vraiment s’abstenir), avant d’ajouter : « Le scénario vraisemblable est qu’il est rentré vivant dans les vestiaires. Il a été immobilisé, on lui a pris le bras gauche vers l’arrière et, en se débattant, son épaule s’est déboîtée. Il a dû se débattre et a reçu un coup sur le crâne, sur la calotte crânienne. Cela a fait vaciller les os de la base du crâne, d’où la présence de liquide céphalo-rachidien. »

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Des révélations qui ont provoqué un tollé général en Algérie, même si, depuis quelques mois, certaines voix s’étaient déjà levées pour s’étonner des circonstances floues qui entouraient le décès de l’attaquant de 24 ans. Le premier à le faire a été Joseph-Antoine Bell, l’ancien gardien international camerounais. Interrogé par des journalistes en Allemagne le 31 août dernier, soit une semaine à peine après le drame, il avait déjà laissé entrevoir de fortes suspicions : « J’ai reçu des informations qui disent qu’Ebossé n’est pas mort sur un terrain de football. Il est rentré dans les vestiaires et a été agressé par un des loubards du président du club, Mohand Cherif Hannachi. (…) Dans ces conditions, cela devient véritablement un assassinat. » Faute de preuves, ces accusations étaient demeurées lettre morte, dans un climat incertain fait de silence et de mensonges. Cela n’a pas empêché l’ancien portier de l’OM et des Lions indomptables de les rééditer, plus récemment, au moment des conclusions officielles de l’enquête : « J’ai des raisons de croire qu’il n’a pas été victime d’un accident. On est loin de la vérité. Est-ce qu’une ardoise marche ? Elle l’a tué où ? Quand ? Et qui la tenait ? Une ardoise toute seule ne tue personne. J’attends les preuves du contraire de mes déclarations. Qu’on nous montre les images d’Ebossé mort sur le terrain, la gorge tranchée. »

« On nous cache quelque chose »

Saisi par la famille de la victime, l’avocat Jean-Jacques Bertrand conteste lui aussi la version du club, après avoir pris connaissance du rapport indépendant commandé par les proches d’Albert Ebossé : « On nous cache quelque chose ! La famille a vu les images de la télévision algérienne, où on voit Albert Ebossé rentrer aux vestiaires. Et ensuite, quand le drame se joue, il n’y a plus rien. Le rapport dit que le joueur aurait été frappé par au moins deux personnes. Et qu’il a tenté de se débattre, de se défendre. La thèse de la tuile lancée de loin ne tient pas. » Cette incohérence n’est que la première d’une longue liste, comme le conseil l’explique ensuite à Jeune Afrique : « Autre élément troublant, quand le corps du défunt a été rapatrié à Douala, le médecin légiste, qui parle d’agression brutale et de poly-traumatisme crânien, s’est plaint qu’il manquait une partie du corps au niveau du sternum. Cela peut signifier qu’un coup a été porté, par un couteau ou tout autre objet tranchant. » De quoi appeler à la réouverture de l’enquête, même si les autorités algériennes ne semblent pas disposées à la transparence dans ce dossier. « Il y a d’abord un fait : depuis ce drame, nous ne savons pas où en sont l’instruction et l’enquête menées en Algérie. J’ai, à deux reprises, par mails, par fax et lettres recommandées, demandé au procureur de Tizi Ouzou où en était son enquête, je n’ai eu aucune réponse. Même chose de la part de son club. C’est un dossier qui n’avance pas en Algérie. Nous avons le sentiment que les autorités en Algérie veulent minimiser ce drame. Nous souhaitons réveiller les esprits et les consciences. La justice algérienne ne dit rien. »

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En Algérie, effectivement, l’omerta est plus que jamais de rigueur. Contactés par nos soins, beaucoup d’observateurs ou de témoins potentiels ne veulent pas aborder ce sujet délicat par peur de représailles. Et quand ils le font, c’est seulement pour conforter la version officielle, à l’image du journaliste sportif Mohamed Haouchine, qui était présent au stade ce jour-là : « Comment pouvez-vous appeler ça des révélations ? C’est juste un tissu de mensonges et conneries. Quand on tombe à ce niveau, c’est du n’importe quoi, tout ça est ridicule. J’en ai marre de raconter la même histoire à chaque fois ! J’étais présent au stade, j’ai vu le gars s’affaler sur le terrain, il n’a même pas eu le temps d’aller dans le vestiaire. Son corps inerte a été transporté d’urgence à l’hôpital qui se trouve à 200 mètres du stade, sous la garde du médecin du club. Quand j’entends qu’il aurait été assassiné dans le vestiaire, je suis indigné, cela souille la mémoire de ce charmant garçon. » Et le correspondant de la chaîne 3 d’expliquer, très remonté, à propos du silence pesant qui règne autour du club : « La JSK ne parle pas, car ils veulent simplement se référer à la justice ! Ils ont déjà beaucoup trop parlé autour de ce drame, maintenant ils ont autre chose à faire que de répondre à des accusations folles et sans fondements. » Sous couvert d’anonymat, un des dirigeants a confirmé jeudi dernier la ligne de défense du club : « Nous maintenons notre version : Ebossé est tombé sur le terrain, avant même d’atteindre le tunnel menant aux vestiaires. »

« Une plainte pour crime va être déposée »

Les conclusions de l’autopsie ne laissent cependant guère de crédit à ces dénégations. « La JSK tente de minimiser sa responsabilité, par crainte d’être sanctionnée dans le cadre des compétitions nationales ou internationales. Et les autorités du football algérien ne veulent pas trop faire de publicité à ce drame » explique Jean-Jacques Bertrand, avec une pensée à peine voilée en toile de fond pour la candidature algérienne à la CAN 2017, qui vient justement de leur échapper. « Une plainte va être déposée en Algérie. Nous allons examiner sur quelle qualification, mais ce sera pour crime, avec ou sans préméditation » , a confirmé l’avocat, avant d’ajouter : « La famille d’Albert Ebossé veut connaître la vérité. » Celle-ci se situe quelque part dans le tunnel, à mi-chemin entre le terrain et le vestiaire, où l’agression semble s’être déroulée. Car contrairement à ce qu’affirme la famille du défunt, il semble peu probable qu’Albert soit arrivé dans le vestiaire, comme le prouve notamment une vidéo qui circule sur la toile. On y voit le joueur entrer dans le tunnel, sous la « protection » d’un cordon de sécurité. La suite semble le montrer en train de s’écrouler au milieu de la cohue, avant que certains coéquipiers ne s’étonnent de le voir allongé par terre à leur arrivée. Fait étonnant, voire inquiétant, les témoins sont nombreux. Aucun d’entre eux n’a pourtant dérogé à la version officielle. « Après le drame, il y avait des médecins, des policiers qui sont intervenus, qui ont vu des choses » confirme Jean-Jacques Bertrand, « ce silence ne peut qu’entretenir les soupçons » .

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Plus surprenant encore, la mort d’Albert Ebossé ne semble pour l’instant répondre à aucun mobile évident. Pourquoi ce très bon footballeur, unanimement apprécié, s’est-il fait tuer à la sortie du match, où il venait d’inscrire un penalty ? Nul ne le sait, sinon les principaux concernés. Son ancien entraîneur Azzedine Ait-Joudi rappelle qu’Albert était « quelqu’un d’aimable et de sociable, qui ne posait jamais de problèmes. Je ne lui connaissais aucune inimitié » . Avant de dévoiler légèrement le fond de sa pensée : « Je préfère attendre le bon moment pour parler, mais connaissant bien la région et les deux clubs, selon moi, ce n’est pas l’œuvre des supporters. Fort comme il était, il ne serait pas mort en recevant un simple projectile. Pour moi, on a affaire à un acte isolé. » Trois fois nommé meilleur entraîneur algérien, le coach du MC El Eulma admet néanmoins une légère interrogation quand aux circonstances nébuleuses qui entourent le drame. « Déjà, ce qu’il faudrait savoir selon moi, c’est pourquoi la tribune au-dessus du tunnel, qui était fermée depuis au moins 10 ans, a été réouverte le jour du match ? Cela me semble important à éclaircir. » Plus que jamais d’actualité, les questions se multiplient, en attendant les réponses qui viendront peut-être, à n’en pas douter. « Nous allons saisir la FIFA par rapport à la JSK, qui a manqué à son obligation de sécurité » , ajoute Me Bertrand. Dans ce cas, la transparence semble assurée…

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