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Lui, c’est Jadon Sancho

Par Maxime Brigand
Lui, c’est Jadon Sancho

Meilleur passeur des cinq grands championnats européens aux côtés de Suso, Jadon Sancho a été convoqué pour la première fois, à dix-huit ans, par Gareth Southgate pour les déplacements en Croatie et en Espagne. Tout sauf une surprise et la nouvelle étape d'un joueur qui a accepté de se tirer du Royaume pour trouver un terrain d'expression.

Ce jour-là, Lucien Favre a, une nouvelle fois, tout ramené aux émotions. Difficile de faire autrement lorsqu’on est un homme qui décrit le foot comme « un aimant » et qui rêve ce sport comme un spectacle permanent. Le 29 septembre dernier, le Borussia Dortmund est à Leverkusen, à la poursuite d’une sixième rencontre consécutive sans défaite en Bundesliga. Problème, en quarante minutes, la défense du BvB a plié deux fois, et Favre se retrouve, à l’heure de jeu, en tête à tête avec son arsenal offensif. Que faire pour ne pas foutre en l’air un début de saison quasi parfait ? Peut-être revenir à ses promesses des premiers jours : lors de sa présentation officielle à Dortmund, le Suisse a affirmé qu’une équipe « incapable de contrer » n’est pas une bonne équipe. Une question de style, notion difficilement définissable, et d’approche, ce que Marcelo Gallardo dépliait ainsi il y a quelques années : « Le style, c’est ce que les yeux voient. Ce qui compte, c’est que les joueurs pratiquent un football tel que le pense et le sent leur entraîneur. »

Ainsi, il y a quelques semaines, sur le bord de la touche de la BayArena, Lucien Favre décide d’abord de faire entrer Paco Alcácer à la place de Maximilian Philipp : deux minutes plus tard, Dortmund réduit le score. Dans la foulée, l’ancien technicien de l’OGC Nice enchaîne et lance sur la table Jadon Sancho, dix-huit ans. La suite ? Moins d’une minute après l’entrée en jeu de l’ailier anglais, le voilà passeur décisif pour Marco Reus. Vingt minutes plus tard, le Borussia Dortmund a réussi à retourner la table : 4-2. Brutal.

L’exilé et le rusé

Questionné dans les couloirs de la BayArena, Sancho a la banane et un message à faire passer : « Le but de l’égalisation ? Ça a été assez facile, car c’est le genre de choses qui arrivent lorsque vous travaillez dur à l’entraînement. Je sais que je peux faire la différence en entrant en jeu, mais honnêtement, je ne veux pas être remplaçant. Peut-être que bientôt, en travaillant, je pourrai être titulaire. » Cette saison, cela n’est arrivé qu’une seule fois en Bundesliga, lors de l’épisode délirant du week-end dernier face à Augsbourg (4-3), jour où le gamin a une nouvelle fois activé la machine à statistiques en délivrant une énième passe décisive pour Paco Alcácer malgré une copie moins complète. Face au boulier, on touche au délire : cette saison, Jadon Sancho tourne à une passe décisive toutes les 45 minutes (neuf délivrées toutes compétitions confondues en 407 minutes, N.D.L.R.). Mais quel est cet œuf qui vient d’éclore ? Une coquille contenant un joueur « à l’accélération brutale » comme le décrit Maximilian Philipp, et qui peut « faire énormément de dégâts à n’importe quelle défense avec ses nombreux changements de direction. Peut-être qu’il est encore un peu trop espiègle. Il a encore beaucoup à apprendre, mais pour un joueur de dix-huit ans, c’est déjà énorme. » Au point de s’attaquer désormais aux livres d’histoire.

Jeudi dernier, Sancho, qui vient de prolonger son contrat en Allemagne jusqu’en 2022, est à l’entraînement au moment où Gareth Southgate s’installe à St George’s Park pour livrer sa liste de convoqués pour un déplacement en Croatie et un autre en Espagne, trois jours plus tard. Bingo : pour la première fois de l’histoire du foot anglais, le sélectionneur des Three Lions décide d’appeler un joueur né au XXIe siècle chez les A. Pas une grande surprise pour les suiveurs, une vraie pour Jadon Sancho dont l’intégration dans le 3-5-2 déplié récemment par Southgate sera l’un des enjeux du rassemblement. Mardi, cela a donné des instants lunaires lors de l’arrivée du joueur face à une presse qui lui a humblement demandé de se présenter. « Euh… Je suis un joueur rusé, qui croit en lui, notamment lors des situations de un-contre-un, a répondu l’ado. J’ai grandi en regardant Ronaldinho sur YouTube et je m’en suis inspiré dans sa manière de tenter des choses que les autres n’osent pas tenter. » Rien de surprenant là-dedans : l’Angleterre du foot n’a quasiment jamais vu cavaler le bonhomme sur ses pelouses, lui qui a décidé de se barrer à l’étranger lors de l’été 2017 juste après avoir refusé de signer un contrat proposé par Manchester City, son second club formateur, et ce, malgré le fait qu’on parlait à l’époque du contrat le plus juteux jamais proposé à un jeune de l’académie. Et alors ?

Le joueur de trompette

C’est bien la question : en convoquant Sancho, un mec trop fort pour rester à l’académie de City, mais pas assez pour faire sauter le verrou de l’équipe première, Southgate ouvre une nouvelle porte dans sa gestion et prouve de nouveau que l’âge n’a aucun sens à ses yeux, ce qu’il a également démontré en convoquant Mason Mount (19 ans, Derby County) et James Maddison (21 ans, Leicester). Jadon Sancho, c’est aussi le foot anglais qui s’exporte et qui n’hésite plus à aller voir à l’étranger pour grandir. Ademola Lookman l’a fait l’an passé en prêt à Leipzig, l’international espoir Sheyi Ojo est cette saison à Reims : après un an d’adaptation au BvB (12 apparitions en Bundesliga, un but, quatre passes décisives), le voilà présenté en « poignard » par Marco Reus. L’Allemand n’a pas tort, et le début de saison de son jeune coéquipier ne pose plus de questions, lui qui a également inscrit un but lors de la démolition de Nuremberg (7-0) fin septembre.

La sélection devait venir naturellement, et Southgate, qui a axé sa politique sur la jeunesse et qui a travaillé au début des années 2010 sur le développement de l’ADN de la formation maison, sait à qui il s’adresse : le meilleur joueur de l’Euro U17 2017, où l’Angleterre avait été battue, en Croatie, au bout d’une finale jouée sur une séance de tirs au but face à l’Espagne et la révélation, aux côtés de Phil Foden, du Mondial de la catégorie disputé quelques mois plus tard en Inde. Une compétition virage pour Sancho, buteur à trois reprises lors de la phase de poules, et qui avait été rappelé en plein tournoi par le Borussia Dortmund, alors que ses potes filaient vers un titre mondial. Le voilà à dix-huit piges balancé dans une nouvelle catégorie et prêt à s’assumer dans un monde où il a déjà pris la trompette, grâce à un instinct de joueur de rue, au milieu d’un BvB devenu sous Favre une troupe de jazz où l’improvisation et l’expression individuelle sont louées tout en respectant un cadre joueur. Parfait, c’est aussi ce que cherche Southgate. L’histoire peut donc commencer.

Par Maxime Brigand

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