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Lucien Favre : « Laurent Blanc peut utiliser quelques astuces»

Propos recueillis par Arnaud Clement
10 minutes
Lucien Favre : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Laurent Blanc peut utiliser quelques astuces»

Témoin assidu de ce début d'Euro, Lucien Favre revient sur le premier tour qui s'est achevé dans la douleur pour les Bleus. Pour le coach suisse du Borussia Mönchengladbach, méfiant à propos des défenses espagnole et allemande, le millésime 2012 n'est pas celui de la révolution.

L’Euro 2000 avait été très spectaculaire et chargé en buts, ceux de 2004 ou 2008 beaucoup moins. Comment qualifier celui-ci après les 24 premiers matches ?C’est un bon Euro, on voit des buts et très peu de 0-0, mais ce n’est pas non plus une révolution. On voit toujours les mêmes en haut de l’affiche. L’Allemagne et l’Espagne sont là depuis quelques années. Il n’y a pas de révolution non plus au niveau de la façon de jouer, du style, de la philosophie. Rien de spécial.

Y a-t-il un joueur, un but ou une action qui vous a impressionné, alors ?Oui, il y a des joueurs extraordinaires. Pour la France, on voit Benzema ou Ribéry, Ronaldo évidemment avec le Portugal, il y a beaucoup de bons joueurs en Espagne, le but d’Ibrahimović pour la Suède est fantastique… Mais, au niveau du collectif, il n’y a pas d’innovation comme celle qu’avaient produite les Pays-Bas en 1974. Par contre, il y a une ou deux équipes d’une faiblesse incroyable, comme l’Irlande. La Grèce est aussi une vraie surprise.

Il y a très peu de surprises. Sauf une de marque que vous aviez pressentie, les Pays-Bas…Je vous l’avais dit (rires). Ça tient quand même à peu de choses. Ils perdent le premier match bêtement, alors qu’ils ont la possibilité de gagner. Donc tu es sous pression pour les deux suivants. Et tu tombes direct sur l’Allemagne. Tu perds 2-1 et derrière c’est quasiment fini. La défense était tout de même trop faible, elle laisse trop d’opportunités à l’adversaire. Et devant, la formule n’a pas fonctionné. On a vu que Sneijder ne pouvait pas jouer excentré, Van Persie non plus.

Tactiquement, on avait l’impression que l’équipe de Van Marwijk jouait vraiment coupée en deux…Tout à fait. Ils attaquaient à quatre et défendaient à six. C’est très difficile et pour que ça marche, il faut avoir de super joueurs. Et comme collectivement, ça n’a pas marché… La défense était trop souvent livrée à elle-même. Quant à l’attaque, ça manquait de mouvement et de surprise.

La Russie a déçu et s’est délitée, après avoir superbement débuté. Lorsqu’on les voit gâcher leurs occasions contre la Pologne, peut-on parler d’une forme de suffisance ?On l’a dit avant la compétition, la Russie part toujours bien et baisse de régime par la suite. C’est une confirmation qu’il y a bien un problème tactique et psychologique dans cette équipe. C’est un échec qu’un pays comme la Russie ne soit pas capable de sortir d’un groupe largement prenable. Il y a de la qualité, mais encore une fois, le collectif n’a pas fonctionné.

La République tchèque a réussi à faire le chemin inverse, en se relevant après une entame catastrophique. Se resserrer dans l’adversité, c’est donc possible ?Après le premier match, tout le monde a encensé la Russie. Tout le monde avait relevé la faiblesse de la défense tchèque et de sa charnière centrale (Ndlr : Hubník-Sivok). L’entraîneur n’a pas attendu pour la changer dès le second match (Ndlr : Kadlec-Sivok). Ce changement de joueur a beaucoup compté. Et puis, c’est une équipe qui court beaucoup, à l’image de Jiráček qui joue à Wolfsburg. Ce n’est pas exceptionnel, mais c’est bon et valeureux. Et surtout, ils jouent en équipe.

Dans le groupe B, la grande équipe, c’est l’Allemagne, qui possède dans ses rangs un grand bonhomme, Mario Gómez. C’est quelqu’un qui vous impressionne ?Il a mis beaucoup de buts en championnat ou en Ligue des champions. Mais il n’y a pas que Gómez. Le potentiel est impressionnant devant. Il y a Podolski, les autres jouent presque tous au Real ou au Bayern, donc ça situe un peu le niveau. Et derrière, il y a encore Götze, Reus, Schürrle, donc il y a un monde pas possible. Et on oublie souvent que les défenseurs sont aussi très bons techniquement. C’est pied gauche-pied droit sans problème. Pour autant, les adversaires se créent beaucoup d’occasions, je trouve.

Avec Gómez en pointe, on sent tout de même moins de fluidité et de domination dans le jeu qu’en 2010 ou 2008. À cette époque, Klöse participait beaucoup plus au jeu…Je pense surtout que c’est le fruit d’une préparation perturbée. L’arrivée tardive des joueurs du Bayern avec deux semaines de retard, c’est énorme ! Mais c’est vrai que ça manque de percussion. Ça va beaucoup de gauche à droite, de droite à gauche, et il y a moins d’effet de surprise dans l’axe. C’est moins tranchant. Mais ils vont retrouver cette fluidité offensive.

C’était attendu : quand Ronaldo va, le Portugal va…Oui, parce que plus le niveau monte et plus on attendra que Ronaldo fasse la différence. C’est ce qui s’est produit lors du dernier match contre les Pays-Bas, mais contre un latéral droit relativement faible (Ndlr : Van der Wiel). La défense centrale n’était aussi pas à son aise. Je me pose la question de savoir s’il sera toujours aussi performant en quarts. Devant, ça manque de percussion avec Postiga. Et derrière, sous pression, ce n’est pas exceptionnel.

Tactiquement, Prandelli a changé son fusil d’épaule en repassant à une défense à quatre. La défense à trois de l’Italie, vous en avez pensé quoi ?Je pense que l’Italie va repasser à trois derrière contre l’Angleterre. Lors de son match contre l’Irlande, c’était très stéréotypé, le jeu avec quatre défenseurs. Ils n’ont pas les joueurs qui font la différence pour jouer en 4-4-2. Ils ont été meilleurs en 3-5-2, notamment contre l’Espagne où ils avaient plus d’angles de passe à la construction. Après, ce système a des avantages, mais aussi, et surtout, des inconvénients. Les Anglais peuvent les gêner avec leur 4-4-1-1. Ils jouent à un devant et c’est presque plus dur à trois contre un derrière. Au milieu, les Anglais peuvent trouver des ajustements. Roy Hodgson n’est pas bête. Tactiquement, il peut les gêner.

Vous aligneriez Balotelli ou Di Natale d’entrée de jeu en attaque ?Je pense surtout que l’Italie a des limites devant. Soit tu fais des appels, soit tu gardes le ballon, mais là, il n’y avait pas grand-chose. Cassano et Balotelli ne m’ont pas convaincu sur le premier match. Di Natale est un super joueur, met énormément de buts, mais il a 34 ans.

Tout le monde veut croire désormais que l’Espagne peut se faire bouger après la rencontre face à la Croatie.On voit que l’Espagne a eu du mal à remplacer ses deux grands absents. Bon, ils ont eu 67% de possession de balle contre la Croatie. Mais il leur manque toujours la percussion devant. Ça ne le fait pas avec Torres. Del Bosque a changé en essayant avec Navas et Fàbregas. Ça veut dire ce que ça veut dire : David Villa manque à cette équipe. Ses appels sont plus tranchants entre les défenseurs adverses. D’autant que la défense croate n’est pas la meilleure. Il leur manque quelqu’un qui prend la décision au bon moment. D’autant qu’en se rapprochant de la finale, les occasions se raréfient et il faudra les mettre. Ils sont rarement en danger parce qu’ils ont la possession. Mais si tu es patient et percutant devant, c’est eux qui vont se faire avoir. Si l’Espagne va au bout, ça démontrerait qu’il n’y a pas eu de progression en deux ou trois ans, puisqu’en gagnant avec deux joueurs majeurs en moins, c’est que la concurrence ne se serait pas améliorée.

Le fait que la Roja ait joué son premier match et quelques bouts des deux autres sans vrai numéro 9 a fait jaser. Qu’est-ce que ce dispositif vous évoque ?Moi, je ne suis pas fan d’un système avec un numéro 9 qui reste en pointe et ne bouge pas. Il faut du mouvement aujourd’hui. C’est toujours un peu la philosophie de l’Espagne que de jouer avec des attaquants qui permettent aux autres joueurs de plonger dans la profondeur. À Barcelone, quand Messi joue en 9, il décroche pour permettre aux autres de partir dans le dos. Mais là, il n’y a pas cet appel au bon moment. Ils ont trois numéros 9 avec Negredo, Torres ou Llorente. Donc c’est un choix de l’entraîneur. Il trouve probablement que ses milieux de terrain sont plus dangereux que ses attaquants, tout simplement. Torres n’a pas montré qu’il pouvait faire la différence. Il l’a faite, mais contre l’Irlande, donc c’est à relativiser.

Le débat se pose aussi avec l’équipe de France, qui voit Benzema beaucoup décrocher. Ne serait-il pas plus judicieux de jouer à deux pointes avec Giroud dans un rôle de pivot ?C’est une question d’équilibre. Si vous jouez à deux attaquants et deux ailiers, les deux milieux de terrain axiaux vont souffrir défensivement. Et comme la défense a montré de grosses limites encore hier, peut-être que Laurent Blanc préfère cette option pour ne pas déséquilibrer son bloc. Ce n’est pas la qualité de Giroud qui est remise en cause, c’est surtout une question d’équilibre. Pour moi, ils ne peuvent pas jouer en 4-4-2 sur 90 minutes.

Les journaux en Angleterre estiment que Roy Hodgson a fait une équipe difficile à battre plus qu’une équipe parée pour gagner. La presse dit vrai ?La presse peut penser ce qu’elle veut. Mais elle ne doit pas oublier par où est passée l’Angleterre et voir ce qu’ils font aujourd’hui. C’est solide, bien organisé défensivement. Ils supportent la pression et devant, ils ont des bons joueurs. Ils adoptent un peu le même schéma que Chelsea défensivement, mais ils essayent de jouer. Parker, Gerrard, Ashley Cole. Je ne suis pas forcément d’accord avec ce que disent ces journaux. Prendre cette équipe-là où elle était et les amener en quarts, bravo.

Les quarts se profilent. La France recèle de bons joueurs, beaucoup moins de leaders naturels et de garçons ayant la culture de la gagne. Ça peut quand même le faire, contre l’Espagne ?Sur le papier, la France a l’avantage au niveau offensif avec Benzema et Ribéry. L’Espagne, au niveau des attaquants, ce n’est pas forcément ça. Maintenant, leurs quatre de derrière et ceux du milieu sont meilleurs. Ils encaissent très, très peu de buts et ont la meilleure défense. On croit qu’ils ne font que jouer, mais la possession de balle leur évite de concéder des occasions à la pelle.

Comment vous y prendriez-vous pour les battre ?Je ne pense pas que Laurent Blanc va changer beaucoup de choses. Il peut utiliser quelques astuces, par exemple en faisant jouer un élément plus haut à la vingtième minute, etc. Mais il va seulement faire quelques ajustements ou changer les hommes. De toute façon, tu sais que les Espagnols vont avoir plus la possession. Mais des types comme Ribéry, Benzema et Ménez peuvent faire de gros dégâts. L’Espagne va devoir faire le jeu et s’exposer un peu, ce qui va être dangereux avec la rapidité de ces joueurs, capables d’éliminer en un contre un. Avec certains risques, tu peux les battre, car les Espagnols ne sont pas si imperméables sous pression.

La Grèce va affronter l’Allemagne en quarts dans ce qui ressemble à l’affiche la plus déséquilibrée. Peuvent-ils nous refaire le coup de 2004 ?Les Grecs ont joué hyper solidaires. C’est déjà un miracle qu’ils soient là en quarts. Leur Euro est réussi. Ils vont défendre bec et ongles contre l’Allemagne et saisir la moindre demi-chance. Mais je vais m’avancer et prendre un petit risque : pour moi, c’est impossible qu’ils battent l’Allemagne, il y a trop d’écart. Ils jouent sans Karagounis en plus.

La République tchèque s’est fait bien bouger contre la Russie qui a produit beaucoup de jeu. N’y a-t-il pas un risque de les voir se faire tourner par le Portugal, qui a envoyé pas mal de jeu contre les Pays-Bas ?Les Portugais seront favoris. Ils ont des arguments, notamment offensivement. La République tchèque a corrigé le tir défensivement après son match d’ouverture, et l’a bien fait, mais j’ai peur que ça soit tout de même limite contre Ronaldo et Nani. Par contre, le danger, c’est que les Tchèques courent énormément. Ils sont capables de faire 13 km par match et travaillent beaucoup. Ce sont des joueurs qui peuvent être moyens et ne pas avoir la maîtrise du jeu, et hop, tout d’un coup, sur leur endurance, après 70 minutes de jeu, ils arrivent à se procurer des occasions. Ils ont un super gardien, Baroš peut se réveiller, Pilař peut être très dangereux.

Enfin, Italie-Angleterre, un classique à l’issue indécise. Vous penchez pour qui ?L’Italie peut être très dangereuse dans cette situation-là, notamment avec toutes les histoires qu’il y a eues avant le début de la compétition et, d’autre part, car personne n’attend quelque chose d’elle. Ils deviennent tout d’un coup très bons dans un tel contexte. Mais tout est possible pour ce match. Les Anglais vont jouer avec Rooney. Franchement, j’en sais rien quant à l’issue de ce match. Je retiens juste que l’Italie est très dangereuse quand elle est comme ça.

Propos recueillis par Arnaud Clement

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