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Loïc Puyo : « Je n’ai pas mis un pantalon depuis mon arrivée en Australie »

Par Loïc Puyo, avec Jérémie Baron
Loïc Puyo : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je n’ai pas mis un pantalon depuis mon arrivée en Australie<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Passé par la Ligue 1, la Ligue 2 et le National, désormais installé au Macarthur FC en Australie, le milieu de terrain Loïc Puyo (32 ans) a décidé de prendre la plume pour So Foot afin de raconter son quotidien de joueur. Après avoir narré le grand saut qu'il a réalisé cet été vers l'autre bout du globe, il nous livre la suite de cette aventure, une fois le pied posé dans ce nouveau pays.

Sur mon vol, où nous n’étions que 42 passagers, j’ai eu la chance de me retrouver en compagnie d’une joueuse internationale australienne nommée Emma Checker. Elle évolue en France, dans le club de Fleury, en première division. On a eu l’occasion de discuter (malgré mon anglais plutôt approximatif) lors de notre escale à Dubaï. Le hasard fait bien les choses, car c’était pour moi une première approche du football australien, surtout qu’on a découvert que son ancien sélectionneur n’était autre que mon nouveau coach (Ante Milićic, N.D.L.R.). Une fois arrivé dans ma chambre d’hôtel, quarantaine oblige, j’étais parti pour quatorze jours sans respirer l’air extérieur : j’étais tombé sur un établissement dont les fenêtres ne s’ouvraient pas. M’était seulement autorisé d’ouvrir la porte de ma chambre pour ramasser mes plateaux repas posés au sol trois fois par jour, et pour les trois tests COVID subis durant le séjour. Dans mon malheur, j’avais une vue superbe et imprenable sur les buildings de la ville. Ces quatorze jours ont été plutôt longs, les moments les plus difficiles étant ceux où les gens en France dormaient. Mes seules occupations à ce moment-là étaient d’utiliser le vélo d’appartement que m’avait fait livrer le club pour m’entretenir, ou de partager des cours de cardio et Pilates avec ma nouvelle amie Emma.

Parmi les différences dans l’approche et le fonctionnement, ce qui m’a le plus impressionné est la manière qu’a le staff de vouloir tout contrôler.

Accent coriace, mais accueil chaleureux

Heureusement qu’elle était là pour m’apporter son soutien et son aide à la compréhension du fonctionnement sur place. Je savais qu’au bout m’attendait une grande respiration, une vie sans masque « en liberté » : ici, la pandémie a été traitée de manière très stricte, et aujourd’hui, le nombre de cas est famélique et la vie est quasiment normale, ce qui est vraiment un privilège. Une fois sorti de mon hôtel, Ivan Franjić, un international australien, avait gentiment proposé de m’accueillir chez lui en attendant de trouver mon propre logement. Manque de chance, je suis peut-être tombé sur la personne avec le plus gros accent du pays : les premiers jours, la communication a été approximative. Mais il m’a beaucoup aidé, lui qui connaît parfaitement le championnat avec trois titres à son palmarès. Il est très ami avec Éric Bauthéac et Fahid Ben Khalfallah, j’ai pu échanger avec eux sur la vie et le foot dans le pays, avec leur regard français. J’étais ainsi blindé d’infos pour attaquer les entraînements. Malgré ses mises en garde, le choc culturel a été assez violent. Parmi les différences dans l’approche et le fonctionnement, ce qui m’a le plus impressionné est la manière qu’a le staff de vouloir tout contrôler : pesée avant et après l’entraînement tous les matins, montages vidéo avant chaque séance, contrôle de l’hydratation par l’urine deux fois par semaine, avec amendes à la clé en cas de manquement à ces différentes obligations. La rigueur est vraiment supérieure à celle de la France.

Concernant le niveau de jeu, j’ai été agréablement surpris. On m’avait décrit un football décousu, axé sur le physique, voire bourrin. C’est effectivement vraiment physique, mais la qualité technique est très présente et la culture tactique plutôt élaborée. Le coach a des idées très précises, il privilégie la possession de balle et le jeu court. Son combat est de dégoûter l’équipe adverse en l’obligeant à courir après le ballon. On finit alors par la punir en l’ayant usée mentalement et physiquement. Ma rencontre avec le groupe s’est faite tout simplement. Tous les joueurs m’ont parlé, posé des questions pour savoir comment s’était passée la quarantaine etc. Je me suis toujours demandé quel comportement j’avais eu avec les joueurs étrangers lorsque j’étais en France, et avec ce que je vis ici, j’ai bien peur de ne pas être exempt de tout reproche. Je prends la mesure de la difficulté de se retrouver dans un pays dont la langue vous est inconnue. Le fait de voir mes coéquipiers m’aider ou juste me parler, ça fait chaud au cœur. Même si j’avoue que parfois je me mets « en mode avion » quand je n’arrive pas à comprendre leurs discussions. Je me retrouve à entendre un bruit de fond, sans comprendre de quoi on parle et c’est même parfois drôle de se sentir là, mais complètement… étranger !

Je me suis toujours demandé quel comportement j’avais eu avec les joueurs étrangers lorsque j’étais en France, et avec ce que je vis ici, j’ai bien peur de ne pas être exempt de tout reproche.

Le football, à l’image de ce pays, est multiculturel. On trouve dans notre effectif : un capitaine, Mark Milligan, qui a joué quatre coupes du monde ; un gardien australien, Adam Federici, qui a passé plus de quinze ans en Angleterre, des joueurs australiens d’origine européenne qui ont bourlingué en Asie et parfois en Europe ; un attaquant anglais, Matthew Derbyshire, arrivé juste avant moi, qui a connu une belle carrière en Premier League et à l’Olympiakos ; ainsi que deux Espagnols, Beñat et Markel Susaeta, comptant plus de 500 matchs à eux deux avec l’Athletic Club Bilbao. Il y a aussi beaucoup de jeunes joueurs du cru, promis à une belle carrière dans leur pays, mais dont le seul rêve est d’aller jouer en Europe. C’est amusant de voir que c’est le graal à leurs yeux, alors que je suis à même de relativiser la valeur du football français. Enfin, il y a Denis Genreau, un Franco-Australien qui travaille avec mon agent et m’aide beaucoup depuis que je suis arrivé. Ses traductions me rassurent quand je ne comprends pas une consigne. Nos échanges m’apportent aussi une petite bouffée de langue de Molière. Sportivement parlant, mes débuts sont plutôt mitigés. Physiquement, je suis bien sûr à la rue, car mon dernier entraînement date de mars 2020, donc mon corps me rappelle assez souvent ce manque de condition. J’ai beau avoir fait le malin sur les réseaux sociaux avec mes exercices cardio pendant le confinement, rien ne remplace un vrai entraînement de foot.

Prune et carte postale

Je morfle à cause de la chaleur : s’entraîner sous 40 degrés ne m’est pas souvent arrivé à Amiens ou à Nancy. Mentalement, c’est compliqué aussi. J’ai l’envie de bien faire et de montrer de suite ce dont je suis capable, mais une autonomie très faible m’en empêche. Ma frustration est aussi de ne pas pouvoir exprimer tout ce que je pense par la parole. Les différentes choses à mettre en place dans ma vie de tous les jours ont également été stressantes, comme chercher un logement dans une ville que je n’avais pas visitée, obtenir une voiture, finaliser la paperasse ou s’occuper du visa de ma femme. Je suis très frustré par mes prestations sur le terrain. Mais le staff me rassure tous les jours et me dit de prendre mon temps : il connaît ma situation, et la seule préoccupation est d’éviter la blessure. Pour le reste, tout reviendra naturellement. Sentir ce soutien est très important pour moi. J’ai tout de même réussi l’exploit d’arriver en retard au rendez-vous de mon premier match amical, trois semaines après mon arrivée, ce qui m’a privé de ma première titularisation. Cela m’a valu une belle amende de 90€, chose qui ne m’était jamais arrivée. Mais je sens que je monte en puissance. Depuis que je suis là, j’ai tout de même réussi à l’entraînement de beaux gestes techniques et quelques jolis coups de pied arrêtés. Encore quelques réglages, et je devrais, avec ce point fort, ouvrir mon compteur but.

Je commence à m’éloigner de la mollesse d’un koala pour me rapprocher de la vivacité d’un kangourou.

Depuis le début de mon propos, je ne parle que de foot, mais je suis aussi venu ici pour découvrir un nouveau pays et une autre vie. J’ai déjà eu le temps d’aller surfer deux fois, sur des plages immenses et dépeuplées, j’ai fait une première partie de golf sous un grand soleil, je n’ai pas mis un pantalon depuis mon arrivée. J’ai aussi découvert les joies de la ville. J’ai pu faire un tour en bateau dans toute la baie de Sydney où j’ai pu découvrir le Harbour bridge, l’Opéra et tous les paysages magnifiques qui font le renom de cette ville. Je ne bosse pas pour l’office du tourisme, mais cette carte postale idyllique participe à ma nouvelle vie et correspond à ce que le coach m’avait indiqué : il faut que je trouve un équilibre entre le football et ma vie en dehors des terrains. La seule consigne est de ne plus aller surfer deux jours avant les matchs ! Au moment où j’écris ces lignes, je viens de faire ma première passe décisive, mais aussi de concéder mon premier penalty (face à Adelaide United en amical, victoire 3-1). Je commence à m’éloigner de la mollesse d’un koala pour me rapprocher de la vivacité d’un kangourou. Tout est en train de se mettre en place. J’ai pris l’habitude de conduire à gauche, et je suis enfin dans mon appartement à Bondi Beach, à 300 mètres de la plage. Je vais pouvoir enfin me concentrer sur mon métier et ne plus être parasité par des questions de logistique. D’autant plus que le visa de ma compagne a été accepté. Elle est actuellement en quarantaine, mais sera avec moi pour les premiers jours de janvier. Tout peut désormais commencer.

Dans cet article :
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Par Loïc Puyo, avec Jérémie Baron

Photos : Macarthur FC

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