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Libres et égos

Par Alexandre Doskov, à Istra
Libres et égos

Au sein de son effectif, Didier Deschamps ne souffre aucune contestation. Chacun de ses choix est respecté, et les joueurs revendiquent fièrement le fait de mettre leur ego de côté pour servir le collectif. Comme si l'idée du « moi » avait été bannie.

Que peut-on conclure des trois matchs de poule disputés par l’équipe de France ? Si on décrypte un peu le message livré par Didier Deschamps après le dégoûtant 0-0 face au Danemark, la réponse est toute simple : sept points, une première place du groupe, et une qualification en huitièmes de finale. Les tricolores ont un sélectionneur qui laisse peu de place à l’émotion, alors il préfère sortir les bouliers que les violons. Puis laisser à d’autres le soin de discutailler encore et encore de ses choix, du style de jeu de son équipe, ou de l’état de forme de tel ou tel joueur. Et au milieu du flot de commentaires, quelques fils rouges : la plèbe reconnaît aux Bleus une vraie capacité à tenir le score, à ne pas prendre de buts, et à assumer à 1000% le fait de ne proposer aucun fun sur le terrain tant que les résultats sont au rendez-vous. La recette nécessite des ingrédients bien précis. Des joueurs capables de mettre leur ego de côté, par exemple, et de se fondre intégralement dans le moule sculpté par Deschamps. Un constat d’autant plus valable pour les remplaçants, surtout ceux qui n’avaient pas prévu de l’être et qui se sont retrouvés scotchés sur le banc sans avoir rien vu venir. Et malgré les frustrations et les rêves abîmés, depuis le début du Mondial, aucun mot plus haut que l’autre n’est sorti de la bouche des joueurs de l’équipe de France, qui suivent tous ce code de conduite aussi simple que militaire : se taire et respecter les choix du coach. Au point de faire dire à Paul Pogba : « Il n’y a pas d’ego dans cette équipe. Et c’est ça qui fait que c’est une grande équipe. »

Les autres sélectionneurs demandent, Deschamps obtient

Quand on s’appelle Olivier Giroud ou Blaise Matuidi, qu’on a joué quasiment tous les matchs comme titulaire depuis l’Euro (et même avant), et qu’on voit un petit gars plus jeune, plus spectaculaire et plus populaire récupérer le job lors du premier match de la Coupe du monde, ça fait tout drôle. Sacrifié parce que Deschamps pensait que la triplette Griezmann/Mbappé/Dembélé pouvait devenir le tube de l’été, Giroud est devenu le dindon de la farce en deux coups de cuiller à pot, et à sa place, d’autres joueurs auraient poussé une bonne gueulante. Même réalité pour Matuidi, à qui on a demandé de regarder Tolisso jouer contre l’Australie. Mais au moment de s’exprimer publiquement, aucun des joueurs lésés n’a transformé la salle de presse en bureau des plaintes.

« C’est dur pour le coach de faire des choix entre 23 joueurs » , a même reconnu Matuidi, avant de raconter comment il avait vécu son écartement du onze de départ : « Moi, je l’ai accepté. Je ne vais pas vous dire que je suis content, bien sûr que je suis déçu. Qui va vous dire qu’il est content de ne pas démarrer un match ? Celui qui vous dit ça, ce n’est pas un compétiteur. » L’ancien Parisien avait conclu sa tirade en applaudissant Giroud, entré en cours de jeu sans râler : « Giroud a eu le comportement qu’on doit avoir tous. C’est un exemple pour nous, c’est le groupe qui l’emporte, le collectif prime sur tout. » Oublier les certitudes, les statuts des uns et des autres, et se faire tout petit. Voilà en substance ce que demande Deschamps à ses joueurs. Comme tous les sélectionneurs, en fait. Sauf que lui arrive à l’obtenir.

Fourmis dans les jambes

Même s’ils sont des hommes matures et de nature sage, des cadres comme Giroud et Matuidi n’accepteraient pas le deal s’ils n’avaient pas confiance en leur sélectionneur. Même les plus jeunes se prêtent au jeu et restent dans le rang. Être condamné à se faire traiter de coiffeur pendant un mois ? « Ça ne me pose pas de problème, évacue Thauvin. Ce serait un peu plus facile à vivre si j’étais sur le terrain, mais je n’oublie pas la chance que j’ai d’être dans les 23. » Un pas en avant, un pas en arrière. Oui, j’ai des fourmis dans les jambes. Mais non, je ne gênerai pas l’équipe avec ma petite personne. Et quand Djibril Sidibé passe derrière le micro, c’est pour offrir le même discours : « J’ai joué tous les matchs avant le Mondial. Être dans cette situation, c’est une petite frustration, mais beaucoup de joueurs aimeraient être à ma place. Dans ces circonstances, les états d’âme, on les met de côté. »

Deschamps obtient cette abnégation de joueurs d’âges, de caractères et de rangs différents. Aucune critique de ses choix, rien qui dépasse. Une réelle performance. Et même quand les joueurs sont longuement questionnés sur le style très ennuyeux de l’équipe de France, aucun d’entre eux n’ose sous-entendre que le sélectionneur y est pour quelque chose. Les mêmes coupables sont invariablement alignés contre le mur : les adversaires qui jouent bas, la difficulté de la compétition, l’importance du résultat final. Le coach protège ses joueurs, les joueurs protègent leur coach, et ce petit monde s’accorde pour rayer la première personne du singulier dans les Bescherelle. Tant que ça permet à l’équipe de passer les tours, l’Éducation nationale sera probablement d’accord pour fermer les yeux.

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Par Alexandre Doskov, à Istra

Propos recueillis par AD

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