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Les leçons tactiques de Barça-Liverpool

Par Maxime Brigand
Les leçons tactiques de Barça-Liverpool

Il y a des fois comme ça où le résultat dépasse le contenu : mercredi soir, celui-ci est venu tout écraser sur son passage, le Barça ayant avant tout réussi à faire la différence grâce à un payador génial et à sa nouvelle gestion des cols. Mais cela ne doit pas faire oublier les idées et les intentions presque parfaites d'un Klopp qui se retrouve face à un drôle de problème : au fond, pouvait-il faire mieux que ça ?

Les arguments avaient été préparés durant quatorze jours et quatorze nuits. Pour les appuyer, les entraîneurs étaient arrivés autour de la table, placée sous les yeux d’une assistance ébahie par une conversation délicieuse à la hauteur de l’enjeu, en brandissant des croquis, des dessins, des schémas. La bataille tactique était belle, nourrie, engagée. Puis, sur les coups de 22h30, alors que cette demi-finale aller entre le Barça et Liverpool tenait sur un fil, un payador a fait claquer les portes du salon et est apparu, faisant naître dans son sillage une question essentielle : est-il possible d’analyser un match de foot en fermant complètement les yeux sur son résultat ? C’est le charme de ce sport, situé loin devant les autres dans sa capacité à faire exploser les grilles d’analyse et à séparer ainsi la relation entre contenu et résultat. Entre un 1-0 et un 3-0, il y a un gouffre numérique et il faut savoir observer le revers de la médaille. Parce qu’à la 75e minute, mercredi soir, Liverpool n’était mené que d’un but, tenait encore son destin entre les doigts et avait regardé le Barça avec courage. Mieux : sur certaines séquences, ce Barça était passé tout près de glisser.

« Nous nous sommes laissés entraîner par leur rythme, leur football très intense, très physique… Nous n’y sommes pas habitués, on a l’habitude d’avoir le ballon et de faire courir l’adversaire. C’était un peu compliqué, nous étions un peu asphyxiés, mais il fallait faire avec, quel que soit le scénario du match » , a résumé Lionel Messi après la fête. Jürgen Klopp a aussi livré sa vision des choses : « On a réussi à contrôler le jeu, à passer dans les espaces, on leur a posé beaucoup de problèmes, mais on n’a pas marqué. Désormais, 3-0, ça semble insurmontable, mais ça a été un magnifique match de football, vraiment. J’ai adoré ce match, notre performance a été bonne. Ce n’est pas comme si on avait mal joué et qu’on avait perdu 3-0. Le problème, c’est que l’on n’a rien obtenu, c’est la dure réalité. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive… » Alors, Klopp a souri, par fatalisme, lorsque Messi a décidé d’attraper la 82e minute pour transformer le 600e but de sa carrière en club, un joyau, inscrit quatorze ans pile poil après son premier but chez les pros marqué contre Albacete. Ce qu’il en a dit : « C’est vrai que le ballon est entré magnifiquement. J’ai cherché la lucarne et j’ai eu la chance que le ballon s’y loge. » Et comment il s’en est servi : « On l’a dit en début de saison, on va décrocher cette C1 ensemble. Il nous reste trois finales pour aller chercher le triplé et nous allons y parvenir. »

La cuisson à petit feu

Retour au « scénario » et à la « souffrance » évoquée par Messi. Mercredi soir, le Barça a mis une vingtaine de minutes pour s’adapter à un Liverpool qui a commencé la soirée sans Firmino, mais avec un 4-4-2 en losange tenu à la base inférieur par Fabinho et animé sur sa pointe supérieure par Georginio Wijnaldum, qui devait être une source de mouvement pour ses potes et de frustration pour le 4-3-3 de Valverde. Pour défendre son système, Klopp était venu parler avant la rencontre de son besoin de « créativité » et cela a accouché d’une situation claire : les Reds ont dû gérer la possession de balle (52% sur les vingt premières minutes) au Camp Nou et ont d’abord étouffé le Barça grâce à un marquage individualisé similaire à celui qu’avait construit le Betis en novembre dernier. Une stratégie ambitieuse dont l’objectif était multiple : imposer un pressing agressif pour empêcher la première relance barcelonaise, ce qui passait par isoler Sergio Busquets et contenir les rampes de lancement catalanes (Piqué et Lenglet), puis densifier la zone de Messi pour couper à la racine les offensives du Barça. Ce dernier point demandait aussi de détruire la connexion Messi-Alba, ce qui a été le rôle de Milner là où Robertson canalisait dans son coin les montées de Sergi Roberto. En face, Valverde, gêné par l’obsession de Klopp de « fermer » les zones intérieures, a poussé vers les ailes, confirmant une chose : ce Barça n’étouffe plus ses adversaires, il les fait cuire à petit feu.

Les joueurs libres et les diagonales

Cette rencontre a ainsi brillamment illustré le fossé existant entre la domination technique et la gestion du territoire. Preuve : à plusieurs reprises, Liverpool a réussi le plus difficile face au FC Barcelone, c’est-à-dire la création de joueurs libres entre les lignes et derrière chaque ligne de pressing. Problème, les Reds ont souvent mal géré ces situations d’avantage numérique vis-à-vis du 4-4-2 sans ballon catalan, et cela peut s’expliquer par les absences combinées de Firmino et d’Alexander-Arnold, qui a énormément manqué à Salah, souvent trouvé dans le dos d’Alba, mais aussi par le déchet technique. Cela s’est notamment vu lors de la première demi-heure où, à plusieurs reprises, alors qu’il avait des jambes de feu et que Clément Lenglet n’avait pas encore réussi à « s’adapter à la distance d’intervention » qu’il devait lui opposer, Mohamed Salah a fait la différence, sans trouver un dédoublage dans son dos, Gómez refusant de s’aventurer. Une donnée permet de valider les bonnes intentions de la bande de Klopp : à la mi-temps, plus de 38% des passes tentées par Liverpool l’ont été dans le dernier tiers adverse contre moins de 20% côté Barça. Résultat ? Les Anglais n’ont cadré aucune frappe et, entre-temps, Coutinho a grillé des cartouches et Suárez a merveilleusement ouvert le score au bout d’un appel modèle entre Matip et Van Dijk. Des occasions fabriquées sur « les détails » évoqués par Klopp après la rencontre, un coulissage raté sur Alba suffisant à déclencher une diagonale lancée par Piqué ou Busquets avant de trouver un relais (Coutinho, Suárez ou Messi) à l’intérieur. Ce qu’on a vu à la 32e minute de jeu, moment où un Messi sur un fauteuil a lâché un changement d’aile sucré pour Alba, découlant ensuite sur une grosse occasion pour Coutinho sauvée par Fabinho.

Le condor et la folie contenue

Jürgen Klopp n’a pas tort lorsqu’il dit que son Liverpool a eu des « moments exceptionnels » mercredi soir. Peut-être pensait-il à cette délicieuse ouverture d’Henderson croquée par Sadio Mané, peut-être pensait-il surtout au début de seconde période de ses joueurs lors duquel ces derniers sont montés à 61% de possession de balle et ont réussi à réduire momentanément l’influence de Busquets. Là, on a vu les Reds trouer le Barça entre les lignes et empiler un peu plus les regrets d’une soirée où l’entrée de Firmino est sans doute intervenue un peu trop tardivement. « Franchement, je ne sais pas si nous pouvons jouer beaucoup mieux » , a déclaré le technicien allemand au bout d’une seconde période où Liverpool n’avait pas forcément la fantaisie indispensable pour faire glisser ce Barça. En seconde période, les Anglais n’auront réussi qu’un dribble (10 sur l’ensemble de la rencontre contre 16 pour le Barça) et ont vu apparaître le néo-FC Barcelone : celui qui n’est pas le plus beau, mais qui possède une grande capacité à protéger sa surface – parfois avec huit joueurs comme en seconde période lorsque Semedo a remplacé Coutinho – et sait gérer les nombreux temps faibles, ce que l’Ajax a également su faire contre Tottenham la veille. Jusqu’à la 75e minute, l’espoir de revenir de Liverpool était présent, les attitudes offensives de Mané (79% de passes réussies) et Salah (71%) étaient visibles, le bloc anglais avait avancé. Mais, comme toujours, Messi s’est envolé.

En grand, comme un condor, l’Argentin étant à l’origine de toutes les occasions de son équipe, à la finition sur les deux derniers buts, omniprésent (71 ballons touchés, 9 dribbles réussis, 1 passe clé) dans le jeu, le tout aux côtés d’un Suárez qui a retrouvé ses déviations mortelles. Il paraît que la répétition banalise, mais il ne faut surtout pas arrêter de parler de ce que ce mec est capable de faire et de la façon dont il a une nouvelle fois marché au-dessus des étoiles. Grâce à ses exploits, à l’impuissance des Reds et au destin venu mettre Lenglet et un poteau sur une double occasion obtenue à la 84e minute, le Barça ira en pantoufles en Angleterre la semaine prochaine, même si Ousmane Dembélé ne sait toujours pas s’il est droitier ou gaucher et qu’il aurait pu filer un matelas encore plus confortable aux Catalans. Merci pour le retour. Ce soir, c’est aussi la victoire de Valverde, lui qui avait prévu que son équipe devrait « contenir les accès de folie de Liverpool » et être capable de « surmonter le pressing » des Reds dans cette double confrontation. Lui qui se contente aussi, pour le moment, de prévenir : « L’an passé, le Barça menait aussi de trois buts avant son retour contre la Roma… » Mais on se demande surtout si Klopp n’a pas raison : et si Liverpool ne pouvait simplement pas faire plus ?

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