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«  Les joueurs du Dinamo sont comme des chiens »

Propos recueillis par Pierre Boisson et Stéphane Régy
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Le plus beau match de football à regarder en ce moment ne se passe pas au Brésil. À vrai dire, il s'est même déjà passé. Il y a 26 ans, à Bucarest. Un match de championnat disputé sous la neige entre le Dinamo et le Steaua Bucarest. Au sifflet, le père du cinéaste roumain Corneliu Porumboiu. Un quart de siècle plus tard, celui-ci a revu ce match avec son père, et en a fait un film, Match Retour, au dispositif simple : à l'image, le match tel qu'il avait été retransmis. Au son, la discussion entre lui et son père. Interview.

Pourquoi avoir choisi de faire ce film ?

On l’a tourné il y a un an, à Pâques. Mon père vit à Vaslui, moi à Bucarest, et là j’étais à Vaslui. J’étais retombé sur cinq minutes de ce match dans une émission TV roumaine, qui s’appelle Replay. Cela m’a rappelé la première fois que je l’avais vu, dans mon enfance. C’est un souvenir assez fort, car je n’avais rien compris au match à l’époque : il y avait de la neige, la télé était de mauvaise qualité, on ne voyait pas la balle. J’ai dit à mon père : « Je veux revoir ce match avec toi. » Mais je ne savais pas encore si j’allais en faire un film ou non.

Le film s’ouvre avec un carton qui parle de menaces de mort.

C’est moi qui ai décroché le téléphone ce jour-là. J’avais 7 ou 8 ans, quelqu’un au bout du fil m’a dit que je devais convaincre mon père de renoncer à l’arbitrage. Aujourd’hui encore, je me souviens de la voix de ce type. Ce n’était pas du tout un mec bourré ou quelque chose de ce genre : c’était quelqu’un de très sûr de lui.

Et qu’est-ce que vous avez fait ?

Je l’ai dit à mon père, mais ni à ma mère ni à mon frère. Je crois que mon père a porté plainte.

Le contexte politique était-il lourd à l’époque ? Vous commencez le match en parlant avec votre père des arrangements entre le Steaua, l’équipe de l’armée, et le Dinamo, l’équipe de la police…

Au début, je voulais faire un film sur la relation entre la politique et le foot. C’est pour ça que je commence à parler à mon père de ces choses, et qu’il m’explique que chacune de ces deux équipes avaient des « équipes satellites » contre lesquelles elles gagnaient toujours. Mais quand j’ai commencé à regarder le match, je suis tombé dedans. Au lieu de politique, on a commencé à parler de choses de football : pourquoi laisser l’avantage ici, et pas là… Ceci dit, je crois que dans le match, tu sens quand même que la politique est présente, ne serait-ce que dans la façon dont les deux équipes jouent. On sent que le Steaua a un jeu plus léché, alors que les joueurs du Dinamo sont comme des chiens. Et à la fin, ce sont deux armées, deux systèmes, qui s’affrontent.

En voyant le match aujourd’hui, on se rend compte qu’il n’y a jamais de gros plans sur les joueurs, contrairement à maintenant. Comment expliquez-vous cela ?

Par le fait que le film se déroule sous Ceaucescu. Dans ce monde communiste, il ne devait pas y avoir d’idoles, même footballeurs. De la même façon, quand il y a des échauffourées entre supporters, la caméra quitte le terrain pour montrer un plan des tribunes. Parce que la société communiste était une société qui était censée vivre en paix, donc tu ne devais pas montrer les conflits.

Est-ce que le stade pouvait être l’expression d’une contestation à l’époque ?

Le Rapid Bucarest avait des supporters qui engueulaient beaucoup Ceaucescu ! Quand il y avait une touche là-bas, les supporters crachaient sur l’arbitre. On les appelait les snipers. Parfois, tu sentais que le match, ils n’en avaient rien à foutre. Ils venaient juste pour gueuler.

Voyez-vous des analogies entre l’arbitre qu’était votre père et le cinéaste que vous êtes devenu ?

Oui. Les équipes et les joueurs sont dans une espèce de représentation, si on y réfléchit bien. Et c’est très lié au cinéma. À un moment, je dis à mon père : « Tu as disparu du match. » C’est ce qu’on dit en général d’un bon réalisateur, qu’il disparaît de son film. Un match, c’est comme un film : au début, lors des premières scènes, tu dois donner quelques précisions, montrer comment tu vas tourner, etc. Ça s’approche en tout cas de ma façon de faire du cinéma : j’attends toujours de me laisser conduire par les personnages, qu’ils m’emmènent quelque part. C’est aussi la vision de l’arbitrage de mon père : il parle toujours d’un match de foot comme de quelque chose qu’il faut laisser vivre.

Et vous, quel est votre rapport au foot ? Vous êtes plutôt du genre à regarder les matchs seul ou avec du monde ?

Seul. S’il y a du monde, on ne peut pas regarder. Et même quand je regarde un match avec des gens, je ne parle pas. Quelqu’un m’a dit une fois, dans un bar : « Je ne savais pas que tu étais si sérieux avec ça. » Quand je regarde un match à la TV en Roumanie, il m’arrive de dialoguer avec le commentateur. Il va dire « Untel joue mal » , et moi, devant la TV, je dis : « Mais non, il joue bien, et il va marquer, tu vas voir. »

Il a vu le film, votre père ?

Oui. Il a dit qu’il pensait que je serais plus rigolo, que je ferais plus de blagues.
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Propos recueillis par Pierre Boisson et Stéphane Régy

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