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  • Il faut que cela cesse
  • Épisode 4

Les gardiens qui font le tour du but avant de tirer un six-mètres

Par Antoine Arriagada et Maxime Brigand
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Les gardiens qui font le tour du but avant de tirer un six-mètres

Ce sont des gestes ou des attitudes qui énervent. Qui sont insupportables. Qui rendent dingue tout supporter au stade ou devant sa télé. Et franchement, comme dirait Édouard Balladur : « Je vous demande de vous arrêter. » Quatrième épisode, les gardiens qui font le tour du but avant de tirer un six-mètres.

D’où cela vient ?

Du favoritisme éternel filé aux hommes à bicyclette, forcément. Hop, direction les années 1880 et l’Angleterre. Une époque où le foot commence à se structurer en Grande-Bretagne et où les différents clubs commencent à s’installer dans leur stade. Les premières enceintes ne sont que trop rarement à l’anglaise et une piste ceinture le plus souvent le terrain pour permettre les courses de lévriers, de cyclisme et de Speedway. Le bordel vient de là et de l’espace XXL entre les tribunes et la pelouse. De quoi laisser les gardiens gagner du temps en allant chercher le ballon le plus loin possible. Comme tout bon gardien de DH qui se respecte. Merci les stades à l’anglaise qui ont arrêté tout ça. Vraiment ? Bien sûr que non ! L’espace est réduit, mais chaque joueur ganté peut toujours faire le guignol. D’autant que le développement du foot a apporté les ramasseurs de balles, des petits bonshommes fluo qui ne font que jouer avec le temps, surtout pour l’équipe qui perd lorsqu’on approche des dernières minutes. Parfait pour les gardiens qui aiment tourner autour de leur but pour gratter des secondes.


Pourquoi c’est insupportable

Parce que voir notre équipe menée et se faire enfiler dans les dernières minutes par des mecs malins qui gagnent du temps, ça agace toujours. On a tous quelque chose en nous de Guy Roux, mais aussi un peu de Sir Alex, évidemment. On se rappelle tous de la fois où notre équipe a été menée au score d’un but et qu’il restait une minute à jouer dans le temps additionnel. Le moment choisi par ce foutu gardien pour diviser le temps restant par deux. Tout ça pour un dégagement qui finira dans 90% des cas dans le dos d’un stadier ou un ballon qui sera ensuite coincé contre le poteau de corner. Cette idée peut venir à l’esprit de n’importe quel gardien. Même Guillaume Warmuz. Sauf que la loi 16 du foot ne prévoit pas d’entracte à chaque ballon sorti en six mètres. Alors stop, même si sans ça, on n’aurait peut-être jamais vu Júlio César devenir un héros au Camp Nou.


Qui l’incarne le mieux ?

Damien Grégorini, Stéphane Trévisan, Patrick Regnault, Nicolas Penneteau. La D1 qu’on aime, quoi. Enfin, celle qui joue le maintien. Cette saison, les rois de la temporisation s’appellent Jean-Louis Leca, Sergey Chernik ou encore Thomas Didillon. Lutter pour ne pas crever invite souvent à la ruse. Tout le monde connaît ces rencontres qui se finissent à neuf contre dix, où il y a 4-3, qu’il reste trois minutes de combat et où le gardien ne sait pas vraiment comment son équipe s’est retrouvée devant à la table de marque. Le voilà donc tenté d’aller se balader. Bon, les grands de ce monde peuvent aussi se laisser tenter. Sacré Neuer.


Comment faire pour que ça s’arrête ?

La situation de facilité serait de caler du barbelé derrière les cages. Ou un mur comme dans nos bons vieux gymnases. Et s’il fallait simplement y poser des videurs bulgares, amateurs de tatanes bien placées ? Bon, allez, un changement de règlement serait plus simple, évidemment. Aujourd’hui, un gardien qui prend trop de temps à dégager est souvent sanctionné d’un jaune. Mais s’il recommence, l’arbitre n’osera jamais dégainer son rouge. Alors, quoi faire ? Demander aux policiers du jeu de couiner encore plus fort ? Peut-être demander l’aide des supporters. Dans ce cas, un portier faisant le tour de son but pour gagner du temps pourrait être arrosé d’un pétard ou mieux, être obligé de relancer avec son mauvais pied. Pour certains, ça ne change rien. Tu nous manques, Apoula.


Pourquoi ça peut précipiter la fin du monde

Parce que si le jeu du tour de la cage se généralisait, le monde marcherait au ralenti. Imaginez si l’on devait contourner chaque chose du quotidien. On verrait des personnes âgées faire le tour de l’arrêt de bus pour tuer le temps avant de monter dans la navette alors que vous êtes en retard au travail. Les personnes malhonnêtes, elles, commenceraient à faire le tour des contrôleurs pour repousser la prune de quelques secondes. Ceux qui aiment le catamaran devront faire le Vendée Globe plutôt que le tour de la Corse. Cahuzac ferait le tour du rond central avant de sortir à la 87e minute. N’Golo Kanté ferait le tour du soleil avant de faire une interception. Et le soleil, lui, commencerait à graviter autour de la Terre. Voilà, la Terre a brûlé. Merci Vincent Planté…


Faites entrer les accusés

Laurent Pionnier (Montpellier) « Évidemment que ça m’arrive de le faire. Des fois, l’équipe a besoin de souffler un peu, car elle a beaucoup subi et c’est l’occasion de prendre un peu de temps. On ne peut pas être énervé de quelque chose que l’on fait nous-mêmes. Cela fait partie du jeu, tout simplement. Grâce à ce mouvement, on peut gagner du temps, surtout en fin de match, mais c’est surtout l’occasion de respirer après des temps faibles. »

Guy Roland Ndy Assembe (Nancy) « Ça sert à faire perdre du temps, à ralentir le temps fort de l’équipe adverse et pour que les coéquipiers reprennent leur souffle. Et aussi prendre son temps pour ne pas foirer son dégagement, ce qui peut arriver quand on veut aller trop vite. Ça m’agace quand il reste peu de temps et qu’on doit revenir au score, mais tous les gardiens font la même chose. Mais bon, c’est sanctionné d’un carton jaune par l’arbitre lorsqu’il juge que le gardien abuse de cette pratique. »

Clément Maury (Gazélec Ajaccio) « Oui bien sûr que je le fais, mais je n’ai pas l’impression d’en abuser. Je dois culpabiliser trop rapidement. Cela sert en effet à casser le rythme. Soit pour gagner purement du temps en fin de première période ou de match, soit pour faire souffler son équipe qui prend des vagues et briser la bonne période des adversaires. Au haut niveau, avec les ballons constamment disponibles, ce serait facile de donner un temps maximum au gardien pour dégager, genre vingt secondes à partir du moment où le ballon est sorti, comme pour les six secondes quand il a le ballon dans les mains. La sanction pourrait être une inversion de possession, donc transformer une sortie de but en corner. Et un corner est une occasion dangereuse. Et oui, ça m’agace quand on le subit, forcément, mais au même titre qu’un joueur qui va gagner vingt mètres sur une touche ou un coup franc, ou un autre qui va faire entrer les soigneurs pour gagner du temps en fin de match. Récemment, Buffon l’a très bien fait de temps en temps contre Barcelone. »

Laurent Weber (entraîneur des gardiens de Dijon) « Tout dépend de si on le fait six ou dix fois et à quel moment on le fait. Aujourd’hui, il y a cette règle des six secondes même si les gardiens prennent souvent quinze secondes avant de relancer. C’est d’abord là-dessus qu’il faudrait peut-être siffler pour que ça aille un peu plus vite. Quand on prend un peu la foudre ou qu’on est à l’extérieur, que c’est un peu chaud, ça permet de faire passer l’orage. La tension redescend un peu comme ça. Il faut le voir comme un moyen de gagner du temps, mais aussi de faire récupérer son équipe. Pour un gardien, le gain de temps, c’est quelque chose qui se fait assez naturellement. Après, quand tu es sur le banc de touche, c’est vrai que c’est agaçant, mais c’est de bonne guerre. »

Grégory Malicki (entraîneur des gardiens au centre de formation de Niort) « Je me rappelle un match contre Marseille où ça n’avait pas servi à grand-chose. Pire, ça m’avait porté malheur et on s’était fait égaliser pendant les arrêts de jeu. C’est quelque chose qu’on fait quand il reste cinq ou six minutes de jeu dans un match important ou qu’on mène au score, c’est normal. Il n’y a pas d’obligation de tirer à gauche ou à droite donc tant qu’à faire, si on peut gagner un peu de temps… Même si c’est pas très fair-play, tout le monde le fait surtout qu’on sait très bien qu’en général, l’arbitre n’osera pas mettre le deuxième jaune pour en arriver au rouge. S’il y a un match de haut de tableau et qu’il y a un titre en jeu, je peux vous assurer que n’importe quel gardien essaiera de gagner du temps. »


Coefficient d’irritabilité

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Par Antoine Arriagada et Maxime Brigand

Tous propos recueillis par AA et MB

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