Les Diables au Paradis

Les finales, c’est toujours touchant. On y voit toujours des gros mastodontes bourrés de testostérone et d’oseille pleurer comme des gamins après la Gambardella. À ce petit jeu, on ne sait pas qui était le plus poignant aux alentours de 23h40 sur la pelouse du stade Loujniki. John Terry, gros dur de l’East End inconsolable après son tir au but manqué qui aurait pu – dû – donner le titre suprême aux siens, ou Cristiano Ronaldo, frimeur patenté terrassé par l’émotion après avoir failli trahir sa paroisse ? Bon, on n’est pas cons non plus. Une fois passées les quelques minutes d’émotion juvénile, tout ce petit monde a vite replongé dans son univers. Pour les vainqueurs : alcool et putes. Pour les vaincus : alcool et putes. Les finales, c’est toujours touchant.

Ronaldo est grand

Mais revenons au match. Manchester United a remporté le bazar pour la troisième fois de son histoire et a bien choisi son année. Quarante ans après son premier succès dans la compétition, cinquante ans après la tragédie de Munich. C’est fou comme on peut parfois être très proche de son plus grand ennemi. Car comme Liverpool, MU cultive son passé jusque dans les tragédies. Le club avait ainsi invité les survivants de la catastrophe pour assister à la grande finale de Moscou après une saison passée à rappeler aux joueurs du club l’impact et la place de ce drame dans l’histoire du club.

De son côté, Cristiano Ronaldo a lui aussi bien choisi son moment pour être sacré. Au terme d’une saison superlative en termes d’efficacité, le Portugais, avec ce triomphe final, a quasiment clos le débat sur le nom du prochain Ballon d’Or avant même le début de l’Euro, pourtant compétition phare de l’année. Car le numéro 7 de Manchester a eu le très bon goût de marquer cette finale, au score comme dans le jeu.

C’est d’ailleurs peut-être l’un des enseignements majeurs de ce MU-Chelsea : Ronaldo lit sofoot.com, c’est une quasi-certitude. On a assez glosé ici même sur l’absence du meilleur buteur de Premier League dans les grands rendez-vous pour ne pas s’incliner devant sa mise au point éclatante. Oui, éclatante car on ne s’était pas gêné non plus pour souligner l’écart (réel) entre ses stats ahurissantes et ses productions bien plus fades dans le jeu. Là encore, Ronaldo a fait taire les derniers sceptiques.

Le double meilleur joueur outre-Manche a éclairé cette finale de tout son talent, surtout en première période. Très vite, dès les premières prises de balle, on l’a senti chaud. Au quart d’heure, son passement de jambes express laissait Essien sur place. Peut-être le Ghanéen, probablement lecteur assidu du site, avait lui aussi oublié que l’attaquant mancunien pouvait encore éliminer un adversaire. Devant le spectacle, même l’improbable Wes Brown se sentait pousser des ailes avec une combinaison genre une-deux clinique avec Scholes (si, si on vous jure) pour distiller un centre aux petits oignons – du gauche s’il vous plaît – pour le coup de tronche létal de Ronaldo (1-0, 26e).

Drogba trahit les siens

Trop relax, Rio Ferdinand frisait ensuite le csc dans une 33e minute de folie. Sur le renvoi, Rooney récupérait comme un latéral droit avant d’adresser une ouverture de 60 mètres en oblique pour Ronaldo dont le centre était repris par Tevez pour une parade énorme de Cech, encore impérial sur la reprise de Carrick dans la foulée. Et Drogba dans l’histoire ? Parce que c’est pas le tout de se repentir pour toutes les saloperies balancées sur Ronaldo. Car, dans le scénario, c’était lui, Drogba, qui était préposé au money time. D’ailleurs, dans les premières minutes, l’Ivoirien avait bien débuté son travail de sape habituel, comme une promesse.

Mais sentant venir la mauvaise soirée, Ferdinand et Vidic passèrent ensuite en mode viril pour faire comprendre la vie à l’ancien Marseillais, un peu comme on le fait en taule avec celui dont on voudrait faire sa “copine”. Pauvre Drogba, malmené comme rarement : ici une langue ensanglantée, là un dos martyrisé, le tout saupoudré d’un tirage de maillot à l’avenant. Heureusement, juste avant la pause, Lampard transformait une frappe contrée d’Essien, qui avait couché toute la défense de MU (1-1, 45e). Malgré 60% de possession de balle et plusieurs occases nettes, tout était à refaire pour les Red Devils.

La seconde période allait pourtant être celle des regrets pour les Blues. Car, dans la foulée de sa contribution sur le but de Lampard, Essien réussit enfin à éteindre Ronaldo pour pointer sa fraise plus régulièrement en attaque face à un Manchester désormais sur la jante. Mais c’est la filière de l’En-Avant Guingamp qui allait symboliser la poisse bleue du jour. D’abord sur une percussion de Malouda, déséquilibré dans la surface, sans que M. Lubos Michel ne bronche (77e). Puis sur une frappe brossée pétaradante de Drogba, sans élan, droit sur le poteau de van der Sar, aux fraises complet sur le coup. En prolongation, Lampard s’y mettait à son tour : petite pichenette sur la barre (94e). Le tout avant que Drogba n’achève son calvaire en se faisant (sévèrement) expulser pour une vague poussette sur Vidic en pleine altercation. L’heure des pénos. L’heure d’une dernière jubilation ( « Ah, je l’avais bien dit que c’était une tanche ce Ronaldo ! » ) aussi vite éteinte par la balle de match de Terry sur le poteau (what else ?), avant un dernier couac signé Anelka. Poor Anelka. We love You !

Manchester United est champion d’Europe. Tout simplement…

Par Dave Appadoo