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Leo Messi, éloge de la solitude

Par Éric Maggiori
Leo Messi, éloge de la solitude

Face à la Croatie, Leo Messi a été invisible. Même ses coéquipiers ne l'ont pas servi. Comme s'il était désormais une statue vivante sur le terrain.

L’horloge affiche la 90e minute. Rakitić reçoit le ballon dans le rond central. À ses côtés, deux coéquipiers. Devant lui, le seul Javier Mascherano. Dans un ultime effort, porté par ce qui lui reste alors d’orgueil et de fierté, Leo Messi tape un sprint pour tenter de poursuivre son coéquipier barcelonais. Mais quand ce dernier déclenche une frappe à l’entrée de la surface, Leo s’arrête. Il se fige. Comme le temps. Sans esquisser un geste, comme paralysé, il assiste alors tel un spectateur à la mise à mort de son Argentine. Kovačić récupère le ballon et sert Rakitić qui conclut dans le but vide. Il s’est écoulé très précisément six secondes entre la frappe initiale du Croate et le moment où le ballon franchit la ligne. Six secondes au cours desquelles Messi est resté pétrifié, entre résignation et incrédulité. Avant de repartir en marchant, tête basse, vers le rond central.

La peur de décevoir

Cette scène raconte beaucoup de choses sur le moment que traverse le quintuple Ballon d’or. Celui que l’on continue de comparer, après chaque match raté avec l’Argentine, à Diego Maradona. Or, depuis le début de ce Mondial, Leo est absent. Invisible. Il semble seul au monde. Face à la Croatie, une statistique résume à elle seule cette solitude : à la fin de la première période, aucun de ses coéquipiers ne lui avait fait plus de deux passes. C’est, paradoxalement, ce qui avait pu faire sa force, lors des dernières années, au Barça : marcher pendant plusieurs minutes, disparaître, réussir à se faire oublier, puis resurgir et piquer l’adversaire. Problème : lors de ce Mondial, et trop souvent sous le maillot argentin quand l’enjeu compte, Leo s’arrête à la phase où il se fait oublier. Jusqu’à s’oublier lui-même.

Il faudrait de nombreuses séances de thérapie pour comprendre ce qui le bloque véritablement. Ce n’est guère une nouveauté : il y a le Messi de Barcelone, et le Messi de l’Argentine. À Barcelone, il a toujours pu être lui-même, entouré par des coéquipiers talentueux qui le mettent dans les meilleures dispositions. Avec l’Argentine, il n’a jamais pu être lui-même parce que les Argentins ont toujours voulu qu’il soit Maradona. Si Diego était parvenu à faire gagner le Mondial 1986 à l’Albiceleste, alors Leo devait être capable d’en faire au moins autant. Il n’y est jamais parvenu. Parce qu’il a toujours eu peur de décevoir, de ne pas être en mesure de répondre aux attentes, et de ne pas supporter la trop grosse pression quand celle-ci pèse sur ses épaules. Et c’est d’ailleurs, fondamentalement, ce qui différencie Cristiano Ronaldo et Lionel Messi lors de ce Mondial 2018 : Cristiano meurt d’envie de le gagner quand Leo a trop peur de le perdre.

Fin de carrière internationale ?

Certes, tout n’est pas encore perdu pour l’Argentine. Une victoire face au Nigeria dans quelques jours, couplée à un succès croate contre l’Islande, enverrait a priori les hommes de Sampaoli en huitièmes. Ironie du sort, c’est justement face au Nigeria, en phase de poules du Mondial 2014, que Leo avait réalisé son match le plus abouti en Coupe du monde. Un doublé pour une victoire 3-2. Et la vox populi de lui rappeler que Maradona a inscrit, lui, deux doublés consécutifs non pas en poules, mais en quarts de finale (contre l’Angleterre) puis en demi-finales (face à la Belgique).

Si, en revanche, l’Argentine venait à être éliminée mardi prochain, il y a fort à parier que Leo Messi tirerait – cette fois-ci définitivement – un trait sur sa carrière internationale, après 127 sélections, quatre finales perdues (2007, 2014, 2015, 2016) et aucun trophée gagné. Comme un aveu d’échec, douloureux, mais honnête. Comme l’épilogue d’un capitaine abandonné qui, figé, contemple son navire avant qu’il ne coule. Avant de repartir en marchant, tête basse, vers son cocon de Barcelone.

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Par Éric Maggiori

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