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L'envol contrarié des Super Falcons

Par Matteo Amghar

Colosse du continent africain, le Nigeria, qui affronte ce jeudi l'Australie dans un match crucial, tarde à mettre en pratique un objectif défini à la fin des années 1980 : remporter la Coupe du monde.

L'envol contrarié des Super Falcons

Pour son entrée en lice en Australie, c’est peu dire que le Nigeria a montré un visage conquérant. Courageuses, les Super Falcons ont accroché des Canadiennes pourtant ultra-favorites (0-0). Si on peut qualifier d’exploit cette prestation, il faudra cependant confirmer face aux hôtes australiennes ce jeudi à Brisbane. Un match couperet, car une qualification se joue alors pour les joueuses de Randy Waldrum. La tâche s’annonce donc ardue, ce qui est paradoxal lorsque l’on est aussi un mastodonte continental, multiple vainqueur de la CAN, bien que dépossédé cette année par le Maroc. Le Nigeria réussit en effet mieux que ses voisins africains en matière de football féminin, et Pepsie Adiukwu, journaliste locale et observatrice avertie, en explique la raison : « Au Nigeria, il y a un nombre plus conséquent de filles qui jouent au foot par rapport au reste de l’Afrique. On a de ce fait les plus talentueuses. » Avec un tel vivier, il est normal de voir grand et de se mettre à rêver d’aller au-delà des quarts de finale, meilleure performance réalisée en 1999. Seulement, ce développement tarde encore à se concrétiser. Alors qu’est-ce qui cloche ?

Il faut encore se structurer d’un point de vue administratif, avant de vouloir conquérir le monde.

Pepsie Adiukwu

En tant que première nation africaine au classement FIFA (40e), vainqueur de onze CAN en quatorze éditions et qualifié à chaque Coupe du Monde, le Nigeria a conquis l’Afrique depuis longtemps. « Mais désormais, il faut aller plus loin. Il faut encore se structurer d’un point de vue administratif, avant de vouloir conquérir le monde », martèle Pepsie. Ce travail de longue haleine, le Nigeria le mène depuis près de 35 ans. Le football féminin y existe depuis 1987 d’après Iain Nelson, à la tête de ce projet de développement et accessoirement directeur marketing de la multinationale Pepsi implantée au Nigeria. Tout est alors à bâtir et de nombreux acteurs vont s’associer et chercher à rendre possible un objectif un peu fou : avoir le niveau pour gagner une Coupe du monde d’ici 2010. « Quand je regarde les dix années qui viennent de s’écouler, j’essaie de me rappeler combien de filles j’ai vu taper dans un ballon. Peut-être une sur deux, c’est exceptionnel ! Plus personne ne s’interroge sur le rôle du football féminin », s’enflammait Iain Nelson à l’orée des années 2000. Sur ce point-là, c’est un beau combat de gagné, mais le problème se situe ailleurs. À l’heure actuelle, le Nigeria est extrêmement en retard sur les prévisions et difficile d’imaginer la tendance changer.

Vu à la télé

Leurs homologues masculins ont longtemps, à l’image des sélections africaines, joué un rôle secondaire dans les grandes compétitions internationales. Néanmoins, depuis plusieurs décennies, elles sont capables de se hisser en quarts de finale, voire en demi-finales, à l’instar du Maroc au Qatar. Un plafond de verre auquel se heurtent pourtant encore les Super Falcons. Quoi qu’il advienne, il n’est pas erroné de dire qu’au Nigeria, le football féminin est lié au football masculin. Les prestations d’Okocha et sa troupe dans les années 1990 inspirent tout un pays. Les nouveaux héros suscitent un tel engouement que le foot féminin s’en est toujours sorti boosté. « Immédiatement, toutes les joueuses rêvaient de porter le maillot des Falcons », constate Iain Nelson. C’est lors de compétitions réussies que l’on peut en tirer profit, et en 1998 – année où les Super Eagles cèdent en huitièmes de finale contre le Danemark -, toujours dans son rôle d’architecte, Nelson va permettre au foot féminin de passer un cap en accordant à Pepsie Adiukwu la possibilité de lancer une émission hebdomadaire traitant du football féminin nigérian : Female Soccer With Pepsie.

Le Nigeria à la Coupe du monde 2007, en Chine, avant d’affronter les USA.
Le Nigeria à la Coupe du monde 2007, en Chine, avant d’affronter les USA.

Le programme suit son cours trois ans durant. La présentatrice déclare fièrement que « peu à peu les gens qui suivaient l’émission reconnaissaient les joueuses et s’y identifiaient ». La sauce prend progressivement : « Elles avaient une certaine célébrité, l’émission a suscité une prise de conscience et un intérêt accru pour le football féminin, et les gens se tenaient informés chaque semaine. » L’existence de cette émission est réellement le point d’orgue de dix ans de développement et une sorte de consécration pour le football féminin après des années de bataille pour bâtir quelque chose de concret.

Une histoire de Princess

En dépeignant les balbutiements du football féminin nigérian, impossible de ne pas évoquer la figure de Princess Bola Jegede. « Princess était certes là depuis le début et très importante, mais elle n’était pas toute seule et faisait partie d’un tout », dira Iain Nelson, peut-être un brin mauvais prince. Car Princess, passionnée au porte-monnaie garni, a grandement participé à l’essor du football local et fut l’unique sponsor des premières éditions du championnat local. Disparue il y a quelques années, elle est celle qui y a toujours cru. Propriétaire des Jegede Babes, un club de Lagos, « elle n’hésitait pas à mettre à disposition des installations médicales, des bus pour les déplacements, des nuits à l’hôtel les veilles de match », rappelle l’une de ses anciennes joueuses. Également investie dans le suivi éducatif puisque directrice du A-Z College, établissement prisé de Lagos accueillant des élèves du primaire au secondaire, elle contribuait à la scolarité de chacune de ses joueuses en délivrant éducation gratuite et bourses d’études.

Ma mère m’a botté les fesses quand elle a appris que je partais, mais Princess lui a promis qu’elle s’occuperait de moi et de mes études, que je recevrais une bonne éducation tout en jouant au football.

Maureen Madu

Sous les couleurs de son club sont passées de nombreuses Super Falcons telle que la gardienne Ann Chiejine, la buteuse Mercy Akide ou encore l’ex-recordwoman de capes en sélection, Maureen Madu. Cette dernière se remémore : « À 15 ans, j’ai été repérée par Princess en personne à un tournoi. J’habitais à Onitsha, à 6 heures de route de Lagos, j’ai dû déménager, mais tout a bien été géré. Ma mère m’a botté les fesses quand elle a appris que je partais, mais Princess lui a promis qu’elle s’occuperait de moi et de mes études, que je recevrais une bonne éducation tout en jouant au football. » Promesse tenue. Ann Chiejine ajoute : « Tout le monde l’aimait, elle a aidé tellement de joueuses. » Chacun y va de son compliment reconnaissant, et, ultime signe récompensant ces belles années d’investissement, désormais à Lagos une impasse porte son nom. En faisant un résultat face aux Matildas, les Super Falcons feraient un pas capital vers les huitièmes de finale et permettraient surtout que tous ces efforts portent leurs fruits. Avec un léger retard sur les prévisions initiales, certes, cela aurait rendu très fière Princess Bola Jegede.

Dans cet article :
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Par Matteo Amghar

Tous propos recueillis par MA.

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