Le TFC va-t-il tomber dans le CAC ?

Nous sommes au début de l’été 2009, malgré un premier titre de champion de France arraché au surprenant promu nantais, une frange des supporters téfécistes manifestent méchamment devant les bureaux de la direction de leur club. Johan Elmander, qui avait émis le souhait de vieillir sur les bords de la Garonne, vient d’être transféré malgré lui au Shakhtar Donetsk pour 15 millions d’Euros. Le même jour, Jean-Marc Sylvestre conclue son émission du début d’après-midi sur Inter, La bourse si j’y suis , en touchant un mot de l’affaire. « Je voudrais rendre hommage à ce jeune chef d’entreprise toulousain, qui malgré l’archaïsme d’une horde de cryptos supporters, a pris une décision courageuse en vendant son principal actif ; le Suédois Lerdamer pour une somme record aux Ukrainiens du Kachkar Donetsk. Le marché Alternext a salué cette initiative puisque l’action du TFC vient de grimper de 22%. Monsieur Sadran a lancé un signal fort à destination de ses principaux actionnaires, leur permettant ainsi de doubler leurs dividendes pour l’année. Merci de nous avoir suivi, tout de suite vous retrouvez {La clique à Tesson . Bonne journée sur France Inter} » .

Ok, on caricature. Mais dès qu’on entend le mot bourse, on a toujours un peu mal à notre football. Pourtant si on veut être cohérent, le ballon et la bourse ça se tient. Depuis quand ? Eh bien depuis que l’on parle d’un club comme d’une marque, depuis le jour où on a fait du père Jacquet un gourou pour managers, depuis que des cabinets financiers spécialisés dans le sport prospèrent. Bref, depuis un moment.

Alors parlons placement et retour sur investissements. Si dans le cas de l’Olympique Lyonnais, l’introduction a surtout permis de lever des fonds pour la construction du grand stade de Décines – à la différence de ses voisins étrangers où la plupart des clubs sont déjà propriétaires de leur enceinte avant de se lancer en bourse – à Toulouse, un tel le projet reste de l’ordre de l’hypothèse lointaine. Selon l’informateur de Boursier.com, « le TFC bénéficie d’une concession longue pour son stade et aurait des projets de développements autour du site qui possède un positionnement central au niveau de l’agglomération toulousaine sur l’île du Ramier » . Traduction : le Stadium municipal deviendrait le centre d’un véritable TFC Land, avec chaîne d’hôtels, multiplexe et centre commercial. Pour l’instant, les réactions des supporters restent timides. Sur le forum du club, ceux qui s’opposent à cette introduction le font plus pour des raisons pragmatiques (la bourse ça ne ramène pas plus d’oseille que ça, pensent-ils) qu’identitaires. Surtout, ils sont reconnaissants – et on ne peut pas leur donner tort – envers cet entrepreneur autodidacte qui a sauvé de sa poche un club de la faillite et du rachat par Alain Afflelou.

Comme son “model” déposé, Olivier Sadran (qui est le propriétaire de son club) croit au tropisme du marché, qui veut que pour se développer, un club français doit ouvrir son capital. A Lyon, l’expérience est encore trop récente pour infirmer la théorie servie par Jean-Michel Aulas. En tout cas, en ne posant plus le contrôle du stade comme condition préalable à une introduction boursière, le texte du 3 octobre 2006 voté à l’Assemblée a levé le dernier obstacle qui retenait les clubs français de fricoter avec les salles de marché. Pourtant l’exemple étranger a démontré les limites du miracle boursier. L’indice DJ Stoxx football, qui regroupe 27 des 37 clubs cotés, ne fait pas vraiment bander les traders avec ses performances. Pour rappel, le championnat danois est celui en proportion qui compte le plus de clubs boursicoteurs…On attend de voir l’effet en Ligue des Champions. Le monde des finances estime que les clubs présentent de faibles liquidités, manquent de diversité dans leurs activités et sont gérés dans une optique sportive (s’ils possèdent des preuves, on est preneurs). Et puis, il y a cette foutue incertitude du sport.

Petit tour des bourses pour se faire une idée des limites de la solution miracle. Depuis le lancement de l’indice Stoxx football en 2000, seuls trois clubs ont vu leur cours augmenter, il s’agit de Tottenham, Arsenal et du FC Copenhague. Alors que les clubs italiens ont été les plus gros perdants. L’action de la Juventus a cédé environ 50% (la gestion à la Moggi ça ne rassure pas trop le marché), celle de l’AS Roma a reculé de 70%, enfin la Lazio a vu son titre s’effondrer, perdant 97% (seul Di Canio s’est refusé à vendre). Pas fous les fonds de pension ! Ces gens-là ont compris que la versatilité des marchés croisée au joyeux bordel du ballon rond, ce n’est peut-être pas le meilleur placement possible pour une retraite en Floride.

Sinon quelqu’un échangerait du FC Istres contre de l’Eurotunnel ?

Alexandre Pedro