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Le rire de Deschamps, par Hallgrimur Helgason

Par Hallgrimur Helgason
Le rire de Deschamps, par Hallgrimur Helgason

Hallgrimur Helgason est un romancier islandais. Il a accepté de prendre la plume et d'écrire, pour sofoot.com, avant cet historique France-Islande.

Je me souviens du Parc des Princes, le 20 novembre 1991. Ce jour-là, la France de Cantona et Papin avait détruit l’Islande 3-1 dans un match qualificatif à l’Euro 1992. Nous étions 30 Islandais dans les tribunes, des jeunes étudiants, des artistes et des jeunes filles au pair qui vivions à Paris. Seulement 30 contre une foule de 48 682 Français. Nous étions restés silencieux. C’était un moment des plus douloureux pour être islandais. Nous étions si petits et la France si grande. C’était un stade, nous étions un chiotte. Je me souviens aussi du Laugardalsvöllur à Reykjavik, 7 ans plus tard : le 5 septembre 1998. Les Français étaient champions du monde, c’était leur premier match après le sacre. Et ils étaient un peu trop détendus. Un chanteur d’opéra local se débattait avec la Marseillaise, et Deschamps, Barthez, Zidane and co n’avaient pu s’empêcher de rire. Mais la victoire promise fut moins tranquille qu’ils ne l’attendaient. Dadason marqua le premier et Dugarry réussit tout juste à égaliser. 1-1, un résultat considéré à l’époque comme le plus incroyable de l’histoire du football islandais. À la fin du match, le commentateur avait même embrassé notre coach en direct à la télévision.

Duga et Zizou en goguette

Après le match, mes potes et moi étions allés en ville dans notre bar favori, le Kaffibarinn. On buvait notre bière quand deux Français ont fait leur entrée dans notre repaire : le buteur, Christophe Dugarry, et Zinédine Zidane, le dieu du football en personne. J’en ai presque fait tomber mon verre, je l’ai presque attrapé pour l’embrasser, j’ai presque sauté sur la table d’à côté en criant : « Arrêtez-moi, tuez-moi ! this is it ! » À la place, je me suis juste transformé en poupée de cire complètement idiote, frappée par la vue de l’icône. Il y avait avec nous un autre ami qui n’était pas allé au match et qui n’était d’ailleurs pas un fan de foot, mais un artiste conceptuel, un poète. C’était lui qui parlait le meilleur français, le seul capable de parler en fait. Il est allé voir Zidane et lui a posé cette question un peu bizarre, typique d’un artiste conceptuel : « Monsieur, j’aimerais savoir si vous préférez jouer sous la lumière des projecteurs, ou de jour, sous une lumière naturelle ? »

Zidane l’a regardé comme s’il était fou pendant un moment et a fait une grimace en disant « quoi ? » , d’un ton si dédaigneux que nous nous sommes tous sentis comme des pèlerins qui auraient voyagé pendant 7 ans pour rencontrer Dieu en personne, tout ça pour ruiner notre visite à la première question. Oh quel bande de groupies impressionnées par la star nous étions ! Mais, bien sûr, nous n’étions pas assez sexy pour les deux footballeurs français qui sont vite partis après avoir scanné l’endroit à la recherche de jolies filles. Si tu es champion du monde et que tu voyages dans une contrée reculée pour faire match nul, alors il faut bien marquer après le match. Voilà mon histoire personnelle des France-Islande. D’abord, on perd, ensuite on fait match nul et enfin on… Vous voyez ce que je veux dire ?

« Les Anglais étaient-ils si mauvais ? »

Le match d’aujourd’hui est un match très sérieux, c’est un quart de finale de l’Euro 2016 (en écrivant cela, je dois aller à la cuisine prendre un piment rouge et croquer dedans, juste pour vérifier que je suis bien en vie et pas complètement barge). C’est bien sûr la saga sportive la plus folle de nos vies. On ne se serait jamais autorisé à rêver cela. Repenser au match de 1991 et à notre position désormais, c’est comme se rappeler son enfance sur la lune. On vient de si loin. J’étais en France pour les trois matchs de poule. C’était tellement bon d’être debout dans ces stades et de chanter à l’unisson avec 10 000 Islandais, dans la merveilleuse acoustique de l’architecture française moderne. Entendre notre cri viking, que nous avions patiemment travaillé à la maison pendant deux ans de matchs éliminatoires, résonner dans les stades gigantesques, c’était presque aussi jouissif que les quatre buts marqués. Mais tout de même, ces matchs étaient remplis de stress. C’étaient de superbes batailles, faites de défense héroïque et de doutes : pouvons-nous tenir jusqu’au coup de sifflet final ? Pouvons-nous résister à Ronaldo ? Allons-nous laisser les Hongrois marquer ?

Et puis quelque chose s’est passé contre l’Autriche. Deux secondes avant la fin. On a marqué le but de la victoire, on a gagné notre premier match à l’Euro 2016, la première victoire de notre premier tournoi international. Après cela, les choses ont changé, on est passés de l’incrédulité à la foi. Et puis est venu le match contre les Anglais qui, à notre grande surprise, était en fait le plus facile jusqu’à maintenant. Les Anglais étaient-ils si mauvais ? Sommes-nous devenus si forts ? Probablement un peu des deux. Mais nous sommes devenus incorrigiblement optimistes. Puisqu’on peut battre facilement Rooney and co, peut-être pouvons-nous battre n’importe qui ?

« Ne me réveillez pas ! »

Depuis lundi, l’ambiance en Islande est joyeuse, mais le pays a aussi l’impression de vivre un rêve. « Ne me réveillez pas ! » a même hurlé notre commentateur, le désormais célèbre Gummi Ben, à la fin du match contre l’Angleterre. On n’arrive toujours pas à prendre acte que nous avons vaincu la mère du football. Le plus agréable a sans doute été de ressentir le soutien du monde entier : des images et des vidéos de nos exploits sur les comptes Facebook de gens d’ici et de gens d’ailleurs, un message de félicitations sur Times Square, une université danoise qui termine sa cérémonie de remise des diplômes par notre cri viking, 50 Italiens qui fêtent la victoire islandaise dans un bar des Pouilles. Le monde entier semble s’attacher à notre équipe. Tout le monde aime les histoires de Cendrillon, et, bien sûr, c’est super pour nous de pouvoir être Cendrillon en personne. Le seul problème, c’est que l’horloge tourne et se rapproche dangereusement de minuit. L’Islande est toujours en lévitation. L’Angleterre a été notre trampoline. Nous allons entrer sur la pelouse du Stade de France en descendant du ciel. Est-ce que ça sera un avantage ? L’équipe française nous précipitera-t-elle vers le crash ou fera-t-on juste un rapide atterrissage comme sur un trampoline, qui nous fera rebondir une fois de plus vers le ciel ? Est-ce que Deschamps rit de nous en ce moment comme il l’a fait en 1998 ? Personne ne le sait et c’est assez excitant. C’est en fait le cœur du football, on ne sait jamais. La seule chose qu’on sait aujourd’hui avec certitude, c’est que l’Islande est la seule équipe invaincue dans l’histoire des championnats d’Europe de football. Et on aimerait bien que ça dure encore un peu.

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Par Hallgrimur Helgason

PS : Traduction par Arthur Jeanne

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