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Le match que vous n’avez pas regardé : FC Apicoles-AF Hony

Par Simon Butel, à Esneux (Photos : Daniel Firquet)
Le match que vous n’avez pas regardé : FC Apicoles-AF Hony

Deux équipes sur le terrain pour marquer des buts réels, deux autres derrière la main courante pour en marquer des virtuels en tombant des bières : si Andrea Agnelli ou Jacques-Henri Eyraud veulent revoir les règles du jeu pour rendre le football plus attractif, ils feraient bien de regarder du côté d'Esneux, dans la province de Liège, où les clubs voisins du FC Apicoles Tilffois et de l'Amicale Football Hony se sont livrés samedi à une épique bataille au stade Marcel-Mourinho, dans le cadre du Vrai Foot Day. On y était.

Si le degré de sérieux d’une équipe devait se mesurer à la durée de ses avant-matchs, alors les joueurs du FC Apicoles Tilffois, club belge de la banlieue de Liège, seraient du genre très très pros. L’illusion s’arrête là : en ce jour de Vrai Foot Day, notre journée d’hommage au foot amateur, et de « réception » de l’Amicale Football Hony, sous-locataire du stade Marcel-Mourinho, la collation des Abeilles, un combo Jupiler-frites, tient davantage de l’ôde aux savoir-faire locaux qu’à la diététique de haut niveau. Ce qui n’empêche pas les joueurs tilffois, présents sur place dès le milieu de matinée alors que le coup d’envoi est fixé à 15 heures, de préparer ce derby de la commune d’Esneux (13 000 habitants) avec beaucoup de méticulosité, en attestent les deux robots-tondeuses Big Mow parcourant, non sans quelques collisions, chaque recoin du terrain.

Les deux machines sont électriques, alimentées par les panneaux solaires récemment installés sur le toit de l’immense buvette dominant l’aire de jeu. Un petit geste pour la planète, un grand pour les dirigeants de ce club pensionnaire de la DH ABSSA, l’élite du championnat de foot-loisir local, libérés de ce labeur ingrat pour se pinter en toute sérénité dans l’attente de l’arrivée des joueurs adverses. Sitôt l’étroite allée du stade empruntée, impossible, pour les visiteurs, de louper l’immense banderole jaune et noire surplombant le but situé à l’opposé du parking longeant la main courante : « Welcome to the hive ». Bienvenue dans la ruche, en VF. Une ruche dont le miel est particulièrement liquide et coule à flots. Enfin des gens soucieux de préserver la biodiversité, fût-ce au prix de leur santé.

Une rivalité sportive

Cet été, en juillet, c’est plutôt la flotte qui a coulé à Esneux. Traversée par une rivière (l’Ourthe) et deux ruisseaux (la Magrée et la Haze), et située dans une vallée, la commune – et plus particulièrement sa section d’Hony – a payé un lourd tribut aux inondations ayant ravagé une partie de la Belgique : cinq morts, et des dizaines d’habitations ravagées. C’est pour les sinistrés que joueront ce samedi les 22 acteurs. Ou plutôt 44 : en plus des onze joueurs sur le terrain, chaque équipe alignera une team de onze supporters qui marqueront un but en faveur de leur club à chaque fût de 20 litres vidé dans la zone prévue à cet effet, et dont il ne sera possible de sortir pour pisser qu’à la mi-temps, sous peine d’en être exclu. Voilà le projet fou imaginé par les joueurs du FC Apicoles, envoyé l’année dernière au jury du Vrai Foot Day dans le cadre de son appel à projets et réalisé (enfin) cet automne après un an d’attente (Covid oblige).

Niché en contrebas d’une colline, le stade Marcel-Mourinho (nommé en hommage à Marcel, dirigeant historique du FCAT ayant dirigé un match dans sa vie, pour une remontada restée dans les annales) n’a pas échappé aux affres des intempéries : l’eau est montée jusque dans la buvette. Mais à quelque chose, malheur est bon, dit-on, car depuis la pelouse n’a, de l’aveu collectif, « jamais été aussi bonne ». Voilà qui promet du beau football, dans un match où le FC Apicoles entrera comme grandissime favori. Crée en 2011 pour faire perdurer les amitiés nouées enfant chez les scouts, les Abeilles ont pour elles un élan né de leur victoire lors d’un tournoi amateur à Prague, fin août, ce qui leur a valu d’être reçu par l’ambassadeur de Belgique en Tchéquie et de se faire payer un coup par ce dernier. Ainsi qu’un certain avantage psychologique, cultivé lors des oppositions hebdomadaires de fin d’entraînement. « En général, on les pète », résume Nicolas, milieu défensif et community manager du FCAT.

La définition Duculot

Voilà pour les clés du match, qui se déroulera également à la tireuse à bière où, sitôt dissipée la brume engendrée par la trentaine de fumis craqués avant le match et le coup d’envoi donné, le co-président du club Paca, son nom de boy scout, s’envoie un énorme cul sec rappelant à qui l’aurait oublié la devise des Abeilles : « Droit au fût » . « Nous, on fait la différence sur le terrain », lui lance l’entraîneur adverse. Illustration dès la première offensive des visiteurs : à la réception d’un coup franc joué dans la boîte, son bien-nommé numéro 9 Emmanuel Duculot glace l’assemblée d’un retourné acrobatique assez peu académique, mais suffisamment surprenant pour tromper Pierre Lenoir, trahi par ses appuis (0-1, 1re).

Paca, co-président du FC Apicoles, dans ses oeuvres

Annonciateur d’une sacrée gueule de bois, sportive celle-là, pour le FCAT ? C’est compter sans les individualités tilffoises, qui renversent la vapeur en deux coups de cuillère à pot et via deux copier-coller, œuvres de Teddy Braisbois (1-1, 3e) et Julien Lacroix (2-1, 4e) : appel croisé dans le dos de la défense depuis la gauche, ballon remis sur le pied gauche, et plat du pied dans le petit filet opposé. Clinique. Et déjà quasi-fatal à l’Amicale, rapidement breakée sur à un penalty très généreusement accordé par Jean, président-fondateur et actuel trésorier du FC Apicoles (3-1) puis l’attaquant de pointe local Lacroix, alias « 2001 » , son année de naissance, après un slalom dans la surface (4-1, 22e). De quoi inciter le coach de l’AFH à revoir ses plans : « Bon, on va essayer de ne pas en prendre dix. »

Le miracle de Francky LaStar

Côté buvette, le FC Apicoles n’est pas en reste, guidée par son n°10 Thomas Muller, connu ici pour être « le gros le plus rapide du monde », touché à l’aine, mais pas au foie et laissé à disposition, donc, des supporters. Il permet à son équipe de siphonner en première le premier fût (5-1, 31e), mais sera bientôt imitée par ses homologues honytois (5-2, 39e). Relancée au buzzer, l’Amicale attaquera la deuxième mi-temps tambour battant : avec un penalty obtenu sur tapis vert à la mi-temps, conséquence d’un surnombre passager à 12 dans la zone technique tilffoise en première période. Le retour de karma n’en sera que plus grand : c’est Francky LaStar, dirigeant du FC Apicoles sacrifié et cédé au rival pour assurer la parité numérique au sein des team buvettes qui se charge de le transformer, pour ce qui constitue le premier but de sa carrière, à 33 ans, l’âge du Christ (5-3, 46e). Comme quoi, les miracles existent, même face à Pierre Lenoir, le docteur es penaltys du FC Apicoles. C’est lui, en 2019, qui avait offert la Coupe de la Province au club tilffois, en stoppant quatre des cinq tentatives du FC Woroux. Pour le plus grand plaisir d’Addax : « Eux, on les déteste. Si on peut les péter, on les pète. Bon en revanche, il se fait tout le temps lober. »

Mais de miracle, il n’y aura pas pour Hony, calmé d’entrée de deuxième période par les supporters tilffois, qui tournent à un rythme moyen d’environ 4 litres à l’heure (6-3, 55e) et assurent le show visuel et sonore, et dominé dans le second acte dans tous les domaines : 2-0 sur le terrain, 2-1 à la buvette, ce qui porte le score final à 9-4 (6-2 sans les fûts) en faveur du FCAT, porté en défense par un certain Marc, défenseur espagnol ayant selon la rumeur évolué en D3 ibérique et que les Abeilles ont complètement perverti. « À son arrivée, il ne buvait pas une goutte d’alcool, se souvient l’autre co-président Addax. Aujourd’hui, il picole autant que nous. » C’est-à-dire beaucoup, très vite, en atteste cet ultime relais bière brillamment remporté par les locaux après le coup de sifflet final, et jusque tard dans la nuit. Du rab d’entraînement en quelque sorte. Car c’est aussi à cela que l’on juge du sérieux d’une équipe : à sa capacité à rester pro, très pro, en permanence.

Par Simon Butel, à Esneux (Photos : Daniel Firquet)

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