• 22 octobre 1969
  • Coupe intercontinentale
  • Estudiantes/Milan AC

Le jour où Néstor Combín s’est fait péter le nez

Par Régis Delanoë
Le jour où Néstor Combín s’est fait péter le nez

Il avait quitté son pays très jeune pour faire carrière en Europe. Considéré comme un traître et un déserteur, Néstor Combín fut la victime d'un déchaînement de violence inouï à son retour en Argentine pour y disputer un match de Coupe intercontinentale, entre son équipe du Milan AC et celle d'Estudiantes. Nez cassé, mâchoire amochée, maillot en sang et les flics aux trousses : récit d'un calvaire qui marqua durablement les relations footballistiques entre les deux continents.

22 octobre 1969 à La Bombonera de Buenos Aires. Au programme, un match entre Estudiantes La Plata, vainqueur de la dernière Copa Libertadores, et le Milan AC, victorieux de l’Ajax en finale de la Coupe d’Europe des clubs champions au printemps précédent. L’enjeu de la rencontre : la Coupe intercontinentale, sorte de Coupe du monde des clubs de l’époque organisée en une opposition aller-retour entre les meilleurs clubs du moment des deux continents. L’aller a déjà été disputé deux semaines auparavant à San Siro, avec une facile victoire des locaux 3-0. Ils se déplacent donc en Argentine assez confiants quant à leur capacité à remporter ce trophée.

Confiants, certes, sereins, pas vraiment. Les Italiens savent en effet que ce déplacement n’a rien d’un séjour touristique. Depuis le coup d’État de 1966, le pays est une dictature militaire dirigée par le général Juan Carlos Ongania, un homme très austère qui était du genre à interdire les cheveux longs, les jupes et la musique rock. Rayon football aussi, il y a des craintes à avoir pour les équipes européennes ayant à affronter des Argentins. La sélection avait été pointée du doigt pour sa brutalité lors de la Coupe du monde 1966 et les deux éditions 1967 et 1968 de la Coupe intercontinentale avaient déjà été marquées par des agressions et intimidations : de la part des joueurs du Racing Club contre ceux du Celtic la première année, puis déjà de ceux d’Estudiantes envers l’équipe de Manchester United la suivante. Surtout, la formation du Milan AC compte alors dans ses rangs un certain Néstor Combín, qui va cristalliser toute la haine du public de la Bombonera en ce 22 octobre 1969.

International français

Il faut dire que Combín n’est pas un joueur comme les autres. Né en 1940 dans la petite ville de Las Rosas, dans la province de Santa Fe, il décide de quitter les siens très jeunes pour rejoindre la France et le club de Lyon, prêt à l’accueillir à 18 ans. À l’époque, c’est un choix de carrière encore peu courant, surtout à un si jeune âge. Combín tourne vite la page argentine et s’épanouit à l’OL, formant un fameux duo d’attaque avec Fleury Di Nallo. En 1964, son doublé en finale de Coupe de France contre Bordeaux permet à son club de déflorer son palmarès. Une performance qui lui vaut la reconnaissance éternelle des Gones et qui lui offre la possibilité de se faire connaître sur la scène internationale. Repéré par la Juventus, il quitte la France pour l’Italie, où il restera jusqu’en 1970, signant pour le Milan AC en 1968. Surnommé « La Foudre » en France pour la puissance de ses frappes, il devient « Il Selvaggio » , le sauvage, de l’autre côté des Alpes. Combín est un homme de peu de mots, un amoureux du travail bien fait sans en faire des tonnes. Parallèlement à sa carrière en club, il devient international pour le pays qui l’a accueilli à la sortie de son adolescence, la France. Il ne comptera que 8 sélections pour 4 buts, mais participera à la Coupe du monde 1966, où deux joueurs français seulement de l’effectif évoluent alors hors du territoire : lui et l’Alsacien du FC Barcelone Lucien Müller.

Café bouillant et coups bas en série

Retour à ce match du 22 octobre 1969. Les Milanais sont donc prévenus qu’ils risquent de devoir subir un accueil très « chaud » . Ils n’imaginaient pas néanmoins que la rencontre allait virer au grand défouloir. Dès la sortie des vestiaires pour l’échauffement, certains joueurs sont aspergés de café bouillant. La police et le service de sécurité ne bronchent pas. Lors de la photo officielle d’avant coup d’envoi, des ramasseurs de balle allument l’équipe en les visant délibérément avec un ballon. Là encore, personne n’intervient. Puis vient le moment du match : 90 minutes d’une rare sauvagerie, avec de multiples agressions des Argentins, parfois même lorsque le jeu est arrêté, et pas toujours sanctionnées par l’arbitre chilien, le très conciliant Domingo Massaro. L’attaquant milanais Pierino Prati est le premier joueur visé (il sera remplacé en première période). Puis c’est au tour du maître à jouer Gianni Rivera, qui recevra quelques semaines plus tard le Ballon d’or, molesté par le gardien Alberto Polletti. Mais ce n’est rien à côté du supplice que va subir Combín, le traître à la nation, qui a osé fuir sa patrie, prendre une autre nationalité et jouer pour une autre sélection que l’Argentine. Hué par le public, il est aussi chahuté par l’équipe d’Estudiantes, qui compte dans ses rangs le capitaine Carlos Bilardo et Juan Ramon Veron, père de.

Le gardien banni à vie des terrains

La violence atteint son paroxysme peu après l’heure de jeu, lorsque le défenseur Ramón Aguirre Suárez assène à Combín un violent coup de coude dans la face. Bilan : nez explosé, mâchoire déboîtée. Expulsé, Suárez quitte le terrain le bras en l’air, sous les vivats du public. La victime est quant à elle évacuée du terrain à moitié consciente, son maillot blanc rougi par son sang. C’est alors que le plus incroyable se produit : les forces de l’ordre en profitent pour menotter le joueur et le mettre en état d’arrestation ! Motif : les autorités le soupçonnent de désertion, n’ayant pas répondu à sa convocation pour effectuer son service militaire quelques années auparavant. La scène se déroule sous les yeux de la mère de Combín, qui avait fait spécialement le déplacement pour voir pour la première fois son fils jouer en pro… La rencontre se termine dans le flou total : Estudiantes remporte le match 2-1, mais perd la double confrontation et laisse les Milanais soulever le trophée.

Les célébrations sont de courte durée, avec un public hostile et un joueur porté disparu dans les rangs milanais. L’entraîneur Nereo Rocco et le reste de l’équipe sont sans nouvelle de Combín, qui passera deux jours en détention préventive avant d’être libéré. Fin de l’histoire ? Pas vraiment. Les journalistes présents pour assister à cette parodie de match s’indignent. Les Italiens bien sûr, mais aussi les Argentins. Honteux, un journal local titre : « L’Anglais avait raison » , en référence aux propos d’Alf Ramsey, le sélectionneur anglais, qui avait traité les joueurs de la sélection argentine d’ « animaux » lors de la Coupe du monde 1966. Le général Ongania lui-même s’en mêle et exige de la Fédération argentine qu’elle prenne des sanctions exemplaires. Il sera entendu : trois joueurs sont condamnés à de lourdes peines. Le plus sévèrement puni est le gardien Polletti, qui avait multiplié les provocations et les coups bas durant tout le match, et qui est interdit à vie de football professionnel. Il s’agissait pour l’Argentine de sauver la face et de montrer à la FIFA des signes de bonne volonté face à la violence de son football, alors que l’instance internationale lui avait attribué l’organisation du Mondial 1978 quelques années auparavant.

Pierre Sage, comme une image

Par Régis Delanoë

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