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- 4 novembre 1989
Le jour de gloire de l’humour (en) noir
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Inimitable arbitre français, Robert Wurtz faisait régulièrement usage de facéties pour désarmer des situations tendues. Comme ce jour de rencontre au Parc des Princes, au cours duquel il « joue » une scène restée dans la mémoire du foot français.
L’image est gravée à jamais dans la mémoire collective du football hexagonal. Soirée de gala au Parc des Princes : le PSG de Tomislav Ivic reçoit l’AJ Auxerre de Guy Roux. Après avoir mené 1-0, les Auxerrois se sont fait rejoindre par les locaux, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le match est tendu en ce début de seconde période. Ça commence à s’agiter sérieusement sur la pelouse comme sur le banc de touche. L’arbitre international Robert Wurtz, jamais avare en pitreries, a un éclair de génie pour calmer l’homme au bonnet, particulièrement agité. « Le ballon vient mourir le long de la touche. J’arrive vers Guy Roux en donnant un coup de sifflet, puis je m’agenouille sur le terrain et je me mets à l’implorer, les mains jointes, l’air de dire : « Maintenant, monsieur Guy Roux, veuillez vous asseoir ! » Le Bourguignon se tourne alors vers son banc. Mais alors qu’il était en train d’amorcer un pas en arrière, il a dû se dire : « Si je m’assois, il a gagné. » Il a donc eu la fantastique idée de faire demi-tour et de se mettre à genoux à son tour, ce qui a fait sourire, puis applaudir le public. J’ai finalement obtenu ce que je voulais ; à savoir détendre le match dans la dernière demi-heure » .
A genoux devant Guy Roux
La facétie lui permet de rester maître de la rencontre, qui se termine dans la bonne humeur. « Il fallait que je trouve un moyen de faire retomber la tension » , explique l’heureux retraité depuis Climbach, petite commune d’Alsace où il réside désormais. « J’ai pensé que le match pouvait m’échapper, j’ai alors cherché une façon humoristique, un peu spéciale, de calmer tout le monde. » Il admet qu’aujourd’hui encore, on lui parle souvent de cette anecdote mémorable. « C’est l’image de ma carrière dont les gens se souviennent. » Lorsqu’il évoque Guy Roux, il parle d’ « un personnage fantastique du football, avec ses excès, pas facile à arbitrer : il ne laissait pas indifférent » .
Il ne se reconnaît plus vraiment dans le football et l’arbitrage actuel. « Aujourd’hui, je ne pourrais pas agir comme je le faisais. Je vous parle d’un époque révolue, les temps ont bien changé » , se lamente l’Alsacien, avec son accent très marqué. « Il y avait encore un certain romantisme qui s’est perdu. On laissait plus de place à l’humain » , insiste celui qui fut auparavant… joueur amateur du RC Strasbourg. « Je n’avais qu’un pied droit et quand je faisais ma conduite de balle, Gilbert Gress me disait : « Lève la tête ! » » Pas de quoi le dégoûter pour autant du ballon rond. « J’aimais tellement le football que je me suis dit qu’il ne me restait plus qu’à devenir arbitre si je voulais pouvoir évoluer dans ce milieu… » . A sa manière, il révolutionne un peu le monde des hommes en noir. Il est l’un des premiers à accorder autant d’importance à la condition physique « afin d’être au plus près de l’action pour suivre au mieux ce qui s’y passe » .
Le 23e homme
Il devient surtout célèbre pour ses expressions corporelles dignes d’un danseur étoile qui lui valent le surnom de « Nijinski du sifflet » (Ndlr : légendaire danseur russe) lors d’une série de matches au Brésil précédant la Coupe du monde 1974. Il est un acteur du jeu à part entière. « Je ne voulais pas jouer les policiers, être un simple applicateur des lois ou un juge austère » , plaide-t-il. Sa gestuelle et ses pirouettes font figure de véritable thérapie, lui permettant d’ « anticiper l’aggravation de la tension » . Voire une philosophie. « J’essayais, si je pouvais, de dédramatiser les incidents, en mettant en avant l’humour, histoire de déclencher les sourires sur le banc ou dans le public. Lorsqu’on arrive à déclencher un sourire, c’est une victoire sur la violence » , assène Robert Wurtz. Une attitude qui lui vaut « beaucoup de commentaires flatteurs mais aussi énormément de critiques, notamment des officiels, qui veulent que l’arbitre ne sorte pas de son rôle » . Avec « un père musicien professionnel à l’opéra de Strasbourg et une mère soprano, (il) faisait du théâtre dans le seul rôle du football où il n’est pas permis d’en faire » . Convertissant ainsi le football en comédie.
Par Florent Torchut