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Ibrahim Maza, le mûr de Berlin
Il a tout juste 20 ans, mais Ibrahim Maza s’est déjà fait remarquer dans cette CAN. Dragué par Julian Nagelsmann et l’Allemagne, son pays natal, le milieu du Bayer Leverkusen a assumé faire un choix sportif en rejoignant les Fennecs. Son honnêteté, et aussi un peu son talent, ont déjà séduit une partie des Algériens.
Ibrahim Maza fait partie de ces joueurs qui ont le choix entre plusieurs histoires à raconter. À sa naissance, le 24 novembre 2005 dans le Land de Berlin d’un père algérien originaire d’El Harrach et d’une mère germano-vietnamienne, il ne sait pas encore qu’il deviendra footballeur. Ni qu’il découvrira les joies de la Coupe d’Afrique des nations en défendant les couleurs de l’Algérie. Ce n’était pas écrit, ce n’était pas dit, pour celui qui a passé de nombreux étés du côté d’Alger, où sa darja (dialecte algérien) s’améliore de jour en jour auprès de ses grands-parents. Surtout que l’Allemagne, son pays natal, lui a fait les yeux doux pendant un moment. Jusqu’à ce que la raison ne prenne le dessus sur tout le reste.
Ich bin ein Berliner
C’est bien outre-Rhin que Maza découvre et apprend le foot. Très tôt, sur les terrains berlinois, « Ibo » se fait remarquer pour ses qualités techniques, son endurance. Dans les équipes de jeunes, on parle d’un joueur « facile à entraîner » : attentif, discipliné tactiquement, capable d’intégrer rapidement les exigences du haut niveau. Il passe par le Reinickendorfer Füchse, un club de la capitale, avant de poursuivre ses classes au Hertha, où il n’est pas une star, mais un joueur considéré fiable. Au point de taper dans l’œil de la Fédé allemande et de gratter des sélections chez les jeunes (8 apparitions en U18, 2 avec les U20). Dans la presse allemande, on le décrit alors comme un joueur « utile », « adaptable », « intelligent ». Pas celui autour duquel on construit un projet, mais celui qu’on garde sous le coude.
C’est dommage car c’est un joueur talentueux, mais l’équipe nationale, c’est plus que du football.
Dès 2023, son nom circule autour de la sélection A. Julian Nagelsmann le suit, le cite, le place dans une liste élargie de jeunes à observer. Un combat que le jeune sélectionneur de la Mannschaft ne voulait pas mener trop longtemps face aux différentes options du joueur : « Je ne veux convaincre que ceux qui ont envie de jouer pour l’Allemagne. Sinon, ça n’a aucun sens. Nous sommes la représentation du pays au niveau footballistique. Si Maza veut jouer pour l’Algérie et que son cœur le lui dicte, qu’il le fasse. Je suis le dernier à vouloir le convaincre. C’est dommage car c’est un joueur talentueux, mais l’équipe nationale, c’est plus que du football. C’est le cœur, les émotions et tout ce qui va avec. »
La famille, la raison et l’éclosion
Maza n’a pas fait mariner l’homme au skateboard trop longtemps, en faisant le choix de l’Algérie, qu’il ne fait pas passer pour une décision du cœur. « L’Allemagne compte d’excellents joueurs à ce poste. Avec Musiala, Wirtz et d’autres, ce serait très difficile pour moi d’avoir du temps de jeu, concède-t-il dans Bild. Mon objectif était de participer à la Coupe du monde. D’un point de vue purement sportif, j’avais plus de chances avec l’Algérie. » Une histoire de raison, de logique et aussi un peu de famille quand même. « Je me suis assis avec ma famille et nous avons réfléchi à ce qui serait le mieux pour moi, continue-t-il. Je voulais jouer en équipe nationale senior le plus tôt possible et disputer autant de matchs que possible. » En face, Christian Wörns, son sélectionneur chez les U19, l’encourage à prendre son temps. « Quand je suis parti, ça a été très dur, car je m’étais beaucoup attaché à lui », confie Maza. Le papa, natif de la banlieue d’Alger, propose un résumé : « C’est une fierté pour lui, pour moi et pour toute la famille. »
Je suis convaincu qu’Ibrahim Maza deviendra très bientôt une star des Fennecs.
Le voilà donc à 19 ans, ce 10 octobre 2024, avec le maillot de l’Algérie sur le dos pour disputer ses premières minutes face au Togo, à Annaba. Il entre en jeu dans un stade plein deux heures avant le coup d’envoi. Plus tard, il parlera d’une « expérience complètement folle ». Le bruit, la pression, la ferveur. Là, il comprend vraiment ce qu’est El Khadra. Son discours sans détour et son refus du storytelling séduisent immédiatement le public algérien. Sur les réseaux, un surnom apparaît : Mazadonna. Excessif, évidemment. Mais révélateur d’un besoin. Depuis trop longtemps, l’Algérie cherche un numéro 10 stable, fiable, capable de durer. Plus de quarante ans après le Mundial 82, le mauvais coup joué par les potes de Rummenigge semble avoir croisé la route du karma algérien.

Et sur le terrain, alors ? Dix-huit mois après son arrivée au Bayer Leverkusen, où il a pris le temps de se faire une place, Maza s’est imposé comme titulaire, se distinguant notamment avec une prestation majuscule face à Manchester City en Ligue des champions : une passe décisive, une activité incessante, une débauche défensive rare pour un joueur offensif. Dans une sélection algérienne qui a perdu ses piliers de 2019 (Youcef Belaïli, Sofiane Feghouli, Adlène Guedioura), ce profil est précieux. Leur départ a laissé des trous tactiques, plus que symboliques. Maza arrive comme une pièce polyvalente, capable de colmater sans déséquilibrer.
Techniquement, il a la facilité de l’ancienne El Khadra. Physiquement, il a pour lui le volume de course, la discipline, l’intensité. Face au Soudan, il entre en jeu et marque le troisième but algérien. Victoire 3-0, crédit gagné. Lakhdar Belloumi tranche dans le média Al-Araby Al-Jadeed : « Malgré son jeune âge, Ibrahim Maza est l’un des meilleurs joueurs de l’équipe nationale. Je suis convaincu qu’il deviendra très bientôt une star des Fennecs. » Quand il est sur le banc, une partie de la presse algérienne parle même de « blasphème ». « Mabrouk ‘alina. Hadi lbidaya. W mazal mazal », scandaient les supporters algériens sur son but (« Félicitations à nous, c’est que le début et il y en a encore »). Ce n’est que le début de l’histoire qu’a choisi de raconter Maza.
Riyad Mahrez réalise sa première passe décisive de la CANPar Mohamed Helti






























