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Le Ballon d’Or en avril

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Le Ballon d’Or en avril

L'Espagne se remet difficilement de l'élection de Messi. Après tout, Gérard Piqué a raison : «Si on ne l'a pas maintenant, quand est-ce qu'on l'aura ?». Tout vient à point à qui sait attendre. Ou pas. Ambiance.

« A 19h , rendez-vous à l’auditorium municipal pour le retransmission en direct » . Tout était prêt. Le maire de Fuentealbilla, village natal d’Iniesta caché au fond de la Castille, avait convoqué le peuple par SMS, raconte Publico. A Terrasa (trente kilomètres au Nord de Barcelone), la famille Hernandez avait rassemblé tout ce que le village contenait d’inconditionnels de Xavi dans le centre culturel El Social. Mais lundi soir, c’est à Rosario, en Argentine, que le champagne a coulé. L’Espagne n’aura pas son Ballon d’Or. Le lendemain, As n’hésite pas en Une : « L’Espagne enrage » . Dans les bistrots, sur la FM des taxis ou sur les plateaux des innombrables émissions de débats sur la chose, Tomas Guash, Kiko Hernandez ou Roberto Rodriguez crient au scandale. Car depuis plusieurs jours, personne n’en doutait. Pour les uns, c’était Iniesta, le héros national ; pour les autres, c’était Xavi, le chef d’orchestre. Luis Suarez, dernier Ballon d’Or espagnol -en 1960- allait enfin avoir un successeur.

Eh ben non, raté. Pour la première fois depuis 1991 (création du FIFA World Player), la FIFA ne récompense pas un joueur champion du monde. Marca, toujours premier sur le populisme, n’hésite pas à tirer le premier. En Une, le quotidien madrilène se retient à peine : « Deux Géants et Un Antiespagnol » . Le responsable, c’est Sepp Blatter, accusé de « détester le drapeau espagnol » . Il faut dire que les journalistes ibères avaient déjà dit ce qu’ils pensaient du président de la FIFA à l’occasion de la désignation de la Russie comme pays-hôte du Mondial 2018, aux dépens de la candidature espagnole. Lundi soir, l’Espagne est encore passée à côté de la légende. « Je suis déçu qu’un Espagnol n’ait pas gagné » conclut San Iker. C’est vrai, c’est injuste. Mais la vie est injuste.

Pourtant pour Xavi, c’était clair : « Leo, c’est le meilleur footballeur, il n’y a pas photo. Il est au-dessus de tout le monde » . Mais ça, tout le monde le savait déjà. Cette année, il fallait corriger une erreur historique. Ni Raul, ni Hierro, ni Amancio, ni Guardiola n’avait jamais remporté ce trophée. 2010 serait l’année en or. En plus du Mondial, les trois meilleurs joueurs et les trois meilleurs entraineurs monde nominés évoluent en Espagne. Marca le savait, la soirée de lundi serait la « fête du football espagnol » . Résultat : le meilleur entraineur du monde est un coach portugais entrainant un club italien et le meilleur joueur du monde est argentin et n’a même pas gagné le Mondial. Du coup, Jose Samano, dans El Pais, l’a mauvaise et boude : « S’il s’agissait de mesurer seulement le pur talent individuel, ils n’avaient qu’à organiser directement un vote entre Messi et Cristiano » . C’est vraiment pas du jeu.

Le Mondial à l’envers

En juillet, toute l’Espagne célébrait ses champions façon black-blanc-beurre. Certes, la colonne vertébrale était catalane (Piqué-Busquets-Xavi) mais son capitaine était madrilène (Casillas), son entraineur de Castille-Leon (Del Bosque) et ses héros basques (Alonso, Llorente), asturien (Villa) ou andalou (Ramos). L’Espagne oubliaient ses luttes régionalistes et le foot réconciliait enfin les chats et les chiens. Mais l’élection de Messi a remis les idées en place. Xavi ou Iniesta, c’est l’Espagne. Messi, c’est juste le Barça. Un point c’est tout. Du coup, on commence à chercher des noises à Mr Perfect et à ses cinquante-huit buts en cinquante-six matchs en 2010. Dans El Pais, « Messi a triomphé cette saison grâce à Xavi et Iniesta. Mais les deux Espagnols sont sur le podium grâce à l’Afrique du Sud, et sans Messi » . La grand-mère d’Iniesta de résumer l’amertume ambiante : « C’est mon petit-fils qui lui fait des passes à Messi pour qu’il marque » . Et à Andrés, c’est qui qui lui fait la passe, mamie ?

Heureusement, en Espagne, il y a Vicente Del Bosque. Ce type-là a réalisé deux miracles dans sa carrière : faire gagner une Champions à des starlettes gominées (2002) et remporter un Mondial avec des nains mal dégonflés (2010). L’or, les paillettes, les costumes cintrés et les nœuds-paps, c’est pas trop son truc à la Moustache. Lui, sa spécialité, c’est les gens. Del Bosque non plus n’a pas gagné mais « personne ne pourra jamais retirer à Xavi et Andrés ce qu’ils sont. Ils ne doivent pas se sentir dévalués. Ce soir, nous sommes venus pour partager. Il n’y a pas de perdant ici » . Même pour Jose Antonio Iniesta, papa d’Andres : « Mon Ballon d’Or à moi, c’est Valeria, ma future petite-fille » . C’est pour avril, donc.

Thibaud Leplat, à Madrid

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