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  • Interview Bertrand Fincœur

« La violence des supporters belges n’est plus vraiment un problème d’actualité »

Propos recueillis par Maxime Renaudet
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Plutôt que de les utiliser pour mettre le feu en tribunes, des supporters d'Anderlecht ont préféré envoyer leurs fumigènes sur la pelouse du Standard ce week-end. Résultat ? Match définitivement arrêté et défaite sur tapis vert 5-0. Mais ces incidents sont-ils un acte isolé ou est-ce les limites de la loi football adoptée en 1998 pour endiguer les vagues hooligans lors de l’Euro 2000 ? Éléments de réponse avec Bertrand Fincœur, sociologue en sciences et sport et spécialiste du supporterisme en Belgique.

Vous étiez en direction de l’Australie quand vous avez appris la victoire du Standard sur tapis vert grâce à un trop-plein de fumigènes. Avez-vous été étonné par ces débordements ? C’est étonnant parce que ça n’arrive pas tellement souvent. Et la scène belge du supporterisme est assez pacifiée depuis quelques années. Après, les matchs entre le Standard et Anderlecht sont toujours explosifs. Anderlecht vit une très mauvaise saison et les supporters le manifestent de manière vive.

Quelle est la réputation des supporters d’Anderlecht ?Il y a plusieurs types de supporters. Le spectateur, celui qui est dans le stade. Puis le supporter, celui qui est spectateur partisan. Et dans les supporters, il y a les supporters à risque. Parmi eux, il y a deux catégories : les hooligans ou les casuals. Historiquement, à Anderlecht, ce groupe-là s’appelle le O-Side, qui est devenu les Brussels Casual Service. À côté,

La Mauve Army est le mouvement ultra anderlechtois, mais ce n’est pas le groupe ultra le plus actif de Belgique.

la Mauve Army est le mouvement ultra anderlechtois, mais ce n’est pas le groupe ultra le plus actif de Belgique.

Quel mouvement était fautif ce vendredi d’après vous ? Je ne veux pas trop m’avancer, car j’ai eu trop peu d’informations, mais les craquages de fumigènes ne sont certainement pas un acte hooligan. Ça dépasse sans doute même le mouvement ultra. Selon moi, c’est plutôt une exaspération de toute une série de supporters, car Anderlecht ne sera pas européen la saison prochaine, ce qui est rarissime. On aurait tort de ranger ça sous le label des supporters à risques ou du supportérisme violent.

Quelle est la politique belge à l’égard des fumigènes en tribune ?Là, en revanche, la loi football a eu des conséquences. Avant, c’était une pratique assez normalisée. Les fumigènes font partie de la culture ultras. Avec leur interdiction, la loi football a délégitimé et débanalisé leur utilisation. Ce n’est pas exceptionnel de voir des craquages de fumigènes dans les stades, mais disons que c’est en voie de marginalisation.

Pourquoi après les premiers jets de fumigènes sur la pelouse, les récalcitrants ne sont pas mis dehors manu militari ?J’ai déjà été dans des postes de commandement en sécurité, c’est extrêmement compliqué. S’il y a un fumigène, ils vont pointer les caméras sur la zone. Mais évidemment,

Le premier réflexe pour celui qui jette un fumigène, c’est de se couvrir le visage.

le premier réflexe pour celui qui jette un fumigène, c’est de se couvrir le visage. Puis il y a la fumée, donc c’est très difficile. Habituellement, les policiers et les spotters regardent les vidéos avec la cellule football du ministère de l’Intérieur. Ils essayaient d’identifier les gens et ils les retrouvent après. Mais en temps réel, c’est très très compliqué. D’une part, il y a la possibilité technique de le faire, mais de l’autre il y a l’intervention, le concret. Si la tribune est chaude, c’est très délicat.

Vous évoquez les spotters, ces policiers en civils qui établissent un rôle de confiance avec les supporters pour prévenir d’éventuels débordements. Accompagnent-ils les groupes de supporters en déplacement ? Les spotters sont toujours là, que ce soit à domicile ou l’extérieur. C’est quelque chose d’assez normal. Pour le match de vendredi, je ne les incrimine pas, car il y a vraiment un tas de paramètres à prendre compte. Comment s’était passé le dernier match à Liège entre les deux équipes ? Comment était la qualité de l’accueil ? Quel était leur niveau d’alcoolisation ? Etc… Rajoutez à cela les très mauvais résultats et la déception. Il ne faut pas non plus passer sous silence la nouvelle formule du championnat et la frustration engendrée par celle-ci. Les points de la saison régulière sont divisés en deux avant un nouveau championnat où celui qui semblait largué a encore ses chances, et où celui qui pensait avoir de l’avance voit son écart fondre de moitié. Tout ça contribue aussi à mettre un peu de tensions sur les rencontres.

Si les violences ne sont quasiment plus présentes dans les stades belges, qu’en est-il des échauffourées d’avant-match ?La réglementation belge oblige les supporters à se déplacer en cars, surveillés et encadrés jusqu’au stade. Mais si on sécurise un lieu A, on insécurise un lieu B par effet de déplacement. Toutes les études sur la délinquance et le déplacement montrent que, quand la violence se déplace de A vers B, elle ne se déplace jamais avec la même ampleur. Désormais, ceux qui veulent continuer à créer des problèmes se dirigent vers des formes plus clandestines. Ces free fights ont lieu bien souvent dans des bois avant les matchs. Il y a deux ans, un rapport néerlandais a mis en évidence l’implication de plusieurs groupes belges dans des free fights comme ça aux Pays-Bas. C’est probablement un résultat de la loi football, mais ça serait très injuste de fermer les yeux sur tout ce qu’elle a permis de régler.

A-t-elle également contribué à l’essor du mouvement ultra, aux dépens du mouvement casual qui peine à garnir ses rangs ? Pour des jeunes d’aujourd’hui, vouloir intégrer un groupe casual n’est pas évident. Ce sont des personnes plus âgées, qui ne font plus grand-chose et vivent beaucoup sur leurs souvenirs. Les ultras sont en moyenne plus jeunes, plus visibles dans le stade, et apparaissent comme un modèle plus séduisant. Ils sont très forts dans la théâtralisation du soutien alors que le mouvement casual est davantage underground même s’ils ont aussi leur effets de communication.

Les ultras veulent en permanence être visibles, mais ils rejettent l’institutionnalisation.

Les ultras veulent en permanence être visibles, mais ils rejettent l’institutionnalisation. Ils ont envie d’être écoutés par la direction, mais ils la critiquent tout le temps. Ils critiquent le foot business, mais ils achètent des maillots. Ils sont toujours entre ces deux pôles. Les hooligans sont peut-être un peu plus clairs, plus directionnels. Que la loi foot ait tari le pôle casual, c’est sûr. Mais est-ce que ça a renforcé les ultras ? Peut-être pas. La violence des supporters belges n’est plus vraiment un problème d’actualité. C’est assez sous contrôle. Il ne faudrait pas qu’à chaque débordement ponctuel, on remette en question tout ce qui a été fait. Sans vouloir défendre mon pays, il faut dire que la Belgique a plutôt bien géré cette histoire-là, contrairement à d’autres pays.

Des incidents racistes et xénophobes ont refait surface dans les stades européens ce week-end et ces dernières semaines. Quid de la Belgique ? En Belgique, les débordements de ce type ne sont pas vraiment des problèmes de racisme, mais des oppositions entre les communautés linguistiques. Mais il faut relativiser ça, car au Standard, ou à Anderlecht, il y a une partie des supporters qui sont francophones et néerlandophones. Même si le club est régionalement identifiable, son public est beaucoup plus hétérogène qu’il n’y paraît. Je ne crois pas qu’il y ait dans les tribunes belges, sauf erreur de ma part, une percée politique qui utiliserait les tribunes comme une tribune d’expression. On voit que dans les Flandres, la question politique est aussi liée à des revendications régionalistes et indépendantistes. Ces revendications sont portées par des partis à droite de l’échiquier, mais il ne faudrait pas nécessairement voir dans les scores performants de ses formations politiques l’expression d’un regain des populismes. Ce sont plutôt des problématiques entre Belgo-Belges.

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