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La courbe d’Hendo

Par Maxime Brigand
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La courbe d’Hendo

Longtemps gêné par des blessures et des performances inconstantes, Jordan Henderson s’est progressivement remis à l’endroit pour assumer pleinement son rôle de capitaine de Liverpool et retourner l'opinion publique. Le tout en exorcisant un statut d’héritier de Steven Gerrard qu'il n'est pas.

La scène se déroule lors d’une réunion dans les bureaux d’Anfield au début de l’année 2012. C’est là que, pour lui, tout s’est arrêté. En surface, dans un communiqué publié sur son site officiel, le Liverpool FC évoque une rupture en forme de « consentement mutuel » . Plus de quatre ans plus tard, les mots ont changé et l’histoire a un petit peu évolué. Désormais, Damien Comolli, directeur sportif du club entre octobre 2010 et avril 2012, n’hésite pas à parler d’une porte plus claquée que refermée avec délicatesse. Que faut-il retenir de son mandat ? Quelques paris, des noms, des gros chèques – dont un indélébile pour Luis Suárez –, mais aussi de beaux échecs (Carroll, Adam, Downing, Coates) pour un Liverpool qui n’est alors qu’un gribouillage sur le tableau de son passé. Puis vient ce dernier échange avec les dirigeants américains des Reds et le propriétaire Tom Werner : « On m’a reproché d’avoir payé Jordan Henderson trop cher en juin 2011. Pour eux, c’était du gaspillage. Ils m’ont clairement dit que c’était une erreur. Avant de partir, j’ai précisé une chose : que sur ce dossier, c’étaient eux qui faisaient une grosse erreur. » En avril 2012, Henderson n’a alors que vingt et un ans et n’est qu’une pièce ajoutée à un effectif qui se cherche et va boucler la saison à la huitième place, soit son pire classement en Premier League depuis 1994. Sur le banc de Liverpool, le monument Kenny Dalglish l’utilise alors sur un côté dans un système à deux attaquants. Jordan Henderson n’aime pas son poste, n’arrive alors pas à supporter les espoirs placés en lui quelques mois plus tôt lorsqu’il marchait sur tout le monde avec Sunderland et se pose même certaines questions. Pourtant, Comolli l’assure : « Il avait déjà tout pour réussir à Liverpool. C’est le type de joueurs qu’Anfield adore. Et j’étais persuadé qu’il avait de grande chance de devenir un jour capitaine du club. » On sait désormais qui a fait l’erreur.

« C’est quelqu’un qui refuse la médiocrité. »

Car Jordan Henderson a renversé l’histoire en sa faveur. Il y a eu les doutes d’abord sur sa capacité à franchir le pas Liverpool. Trop juste, trop frêle, pas assez généreux et encore moins décisif. « On avait été le chercher car on voulait un milieu de terrain nous apportant des qualités techniques et un apport physique au-dessus de la moyenne. On manquait de ça et il sortait d’une très bonne saison à Sunderland. Il avait, en plus, une capacité à créer beaucoup de situations de but et l’homme est fantastique. C’est quelqu’un qui refuse la médiocrité, il a un côté obsessionnel, reprend Comolli. Lors des négociations, Niall Quinn m’avait raconté une histoire. Une fois, lors d’un derby contre Newcastle, il avait envoyé un coup franc dans les tribunes. Il avait tellement été frustré et chambré que la semaine suivante, il en avait claqué 300 à l’entraînement. Niall disait que, chaque jour, il fallait lui enlever les ballons, sinon il ne quittait pas la séance. » Reste qu’au fil du temps, replacé dans l’axe et surtout devant la défense avec l’arrivée de Klopp à Liverpool, Henderson est devenu un pion intouchable du 4-3-3 des Reds avec Lallana et Wijnaldum à ses côtés. Au point d’enfiler en plus cette semaine le brassard de capitaine de l’Angleterre lors du déplacement des Three Lions en Slovénie (0-0) à la place de Wayne Rooney, posé sur le banc.

Sa force est dans son caractère et probablement dans son amour du jeu. Jordan Henderson aime Liverpool comme un dingue, et Anfield est finalement tombé sous son charme à son tour. L’Angleterre est comme ça, et Liverpool sûrement plus encore : le capitaine est plus qu’un joueur, il est le lien intime entre le kop et le terrain. Cette relation dépasse parfois la raison, mais elle fait partie de l’histoire du football anglais. Reste qu’ici plus qu’ailleurs, le brassard a toujours été incarné par des icônes. Rapidement, Henderson a été présenté comme le successeur naturel de Steven Gerrard au moment du départ de la légende en mai 2015. Le poids est lourd et le parallèle difficile. Pourquoi ? Car si Hendo partage quelques traits de personnalité avec Gerrard, son football n’a pas été créé à Liverpool, mais à Sunderland. Son arrivée à Anfield lui a en revanche permis de grandir, de développer un jeu plus créatif et une facilité de leader naturel. L’histoire de Steven Gerrard, elle, a fait de lui un monument, avec notamment la mort de son cousin lors de la tragédie d’Hillsborough, ce à quoi les supporters des Reds se sont identifiés en plus de son talent énorme. On parle ici d’un style et d’une aura que n’aura probablement jamais Jordan Henderson. Il n’y a qu’un Steven Gerrard, et Henderson, plus organisateur que créateur, le sait, alors que la comparaison commence seulement à être balayée : « Pour moi, Stevie était au-dessus des étoiles et il a été l’un des premiers à me conseiller lorsque je suis devenu capitaine. Mais pour progresser, j’ai dû faire ce que je pensais être bien, moi, et ce que je voulais faire, moi. »

La boussole et la sécurité

Le rôle de capitaine récupéré aujourd’hui par Henderson à Liverpool est complexe. Hier, Gerrard était une sorte de portrait idéal du leader de club. À l’inverse, Jordan Henderson a mis du temps pour se faire une place, a bossé comme un dingue sur ses qualités pour devenir progressivement « une boussole du moral de l’équipe » , comme aimait le dire Brendan Rodgers. En général, si Henderson va, Liverpool avance avec lui. La saison dernière, au cours de laquelle l’international anglais a souvent été blessé, a bien prouvé que ses absences étaient souvent liées à la forme alternative des Reds. Puis Henderson est revenu, doucement, jusqu’à claquer un but de folie à Stamford Bridge le 16 septembre dernier. Voilà comment Klopp a analysé cette évolution récemment en conférence de presse : « Je le vois tous les jours à l’entraînement, donc si je doutais de lui, il ne serait plus là. Je n’ai aucun doute et je n’en ai jamais eu. Avec lui, le travail s’est axé sur la décision. La bonne décision. Je n’attends pas de lui qu’il fasse souvent des choses extraordinaires, mais plus qu’il fasse ce qu’il doit faire plutôt que ce qu’il veut faire. Un joueur de Liverpool, qui n’a pas connu énormément de succès lors des dernières années, doute toujours un petit peu. Ils veulent toujours prouver qu’ils ne sont pas responsables du manque de succès récents. Et ils ont raison. »

Et c’est comme ça que Liverpool est redevenue une équipe qui fait aujourd’hui plus peur qu’il y a quelques mois. Comme ça, aussi, qu’Anfield a arrêté de regarder Henderson en se posant à chaque fois la question de ce qu’aurait fait Steven Gerrard à sa place. Ce retournement d’opinion est majuscule et Henderson est désormais un repère. Avec son retour en forme, Liverpool a retrouvé une forme de solidité dans l’entrejeu où il canalise les gourmandises de Lallana et Wijnaldum. Le voilà dans un rôle qui est le plus en accord avec ses qualités : sécuriser, orienter, temporiser, presser. Contre Chelsea, Jordan Henderson n’a pas seulement marqué un but de folie, il a surtout rendu l’une de ses meilleures copies depuis son arrivée à Liverpool, en coupant constamment l’organisation de la machine Conte. C’est comme ça qu’il est désormais, comme ça qu’il a été accepté, plus proche d’un rôle de métronome que celui d’un leader de boys band. Juste une question d’ajustement.

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Par Maxime Brigand

Propos de Damien Comolli recueillis par MB, ceux de Klopp et Henderson tirés du Guardian et du Daily Star.

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