L1 : Marseille, « lou ravi » de la crèche ?
Avant de recevoir l'équipe de Martine Aubry ce soir au Vélodrome, l'OM doute. Marseille prend trop de buts et musarde en chemin. Eric Gerets est trop intelligent pour trop stigmatiser les erreurs d'arbitrage. OK, Mandanda est moins bien. Mais tout ça n'explique pas l'inconstance des Phocéens. La faute peut-être aussi à un jeu trop généreux avec l'attaque à tout va. Trop bon, trop con, l'OM ?
L’OM possède encore la meilleure attaque de L1 avec 29 buts marqués. On s’en fout, le problème n’est pas là. Parce que l’autre réalité de l’OM, c’est d’avoir aussi l’une des pires défenses du championnat (18 pions). On l’a compris : Marseille vit à crédit. Des largesses devant pour épater la galerie (avec succès : 29 buts !) mais des dettes à payer en fin de mois. Ou plutôt en fin de match… Y’a qu’à voir le n’importe-quoi-Circus contre Lorient, samedi dernier. Tout un symbole. Mener 2-0, puis 2-1 et se faire planter dans les 10 dernières minutes (2-3, score final). Faire le jeu, aller de l’avant, être spectaculaire : c’est le challenge que l’OM s’est imposé avec générosité mais avec imprudence. Parce que n’est pas le Barça qui veut.
Il y a bien sûr l’incroyable gestion de la défense centrale marseillaise. Si on compte bien, il y a 7 défenseurs centraux (Hilton, Zubar, Rodriguez, Givet, César, Civelli et Erbate). En fait, si on rajoute Cana, ça fait 8, le tout pour un bilan désastreux…Comment en est-on arrivé là ? Déjà, contrairement à sa tradition (Mozer, Boli, Blanc), l’OM n’a pas recruté un vrai grand défenseur axial de métier. Hilton n’est sans doute pas ce high class player qu’il faut au club. Ceci dit, Hilton n’est pas le seul responsable. Déjà, il a toujours formé avec d’autres des charnières expérimentales (Zubar, Cana, Erbate) du fait de l’indisponibilité de Rodriguez. Hilton donc aussi un peu du syndrome de Camara au PSG : le pauvre Camara n’a jamais vraiment joué à son vrai niveau avec Paris parce qu’il a dû faire la doublette avec Bourillon ou Sakho, pas exactement au top niveau. Bizarrement, Camara est redevenu très bon grâce à la présence à ses côtés du bon vieux Sam Traoré… On verra donc si la paire Hilton-Rodriguez stabilisera mieux l’assise défensive phocéenne. En attendant, il faudra encore se reposer sur Zubar, objectivement en nets progrès mais pas encore assez costaud pour un club aussi ambitieux.
Fidèle à la ligne de conduite résolument offensive voulue par les supporters et les dirigeants, Gerets fait dans l’audace et aligne souvent une sorte de 4-1-3-2 (avec récemment Mbami devant la défense contre Lorient). Imiter l’Espagne de l’Euro 2008 ? D’accord mais faut que tout le monde bosse au milieu et surtout devant. Il faut se souvenir du travail de chien effectué à tour de rôle par la paire Torrès-Villa devant, du harcèlement des trois lilliputiens (Xavi, Iniesta et surtout le petit roquet David Silva) pour comprendre que ce système tactique trouve son équilibre dans l’effort permanent de tous.
Et c’est là que ça zone à l’OM : une bonne volonté dans le travail défensif mais insuffisant et trop désordonné (voir les boulevards en fins de matchs, comme par exemple contre Lorient). Même s’il se fait un peu violence, Ben Arfa rechigne à défendre, Niang bosse bien mais il commence à être cramé, Ziani sait faire mais il se préoccupe plus de redevenir plus efficace devant (avec succès, d’ailleurs). Quant à Koné et Valbuena, ils laissent trop de gomme dans leurs courses et leurs appels offensifs. L’exemple à suivre serait le Stade Rennais : le club breton cartonne actuellement grâce à une plus grande solidarité de toutes les lignes et un boulot intense de harcèlement des attaquants, en fait premiers défenseurs. Dommage pour l’OM qui sait quand il le faut s’imposer une rigueur tactique impressionnante. Malgré la défaite à domicile contre Liverpool (1-2, un péno malheureux de Zubar et un but de Gerrard venu d’ailleurs), Marseille avait démontré qu’il savait parfaitement jouer en équipe en tenant tête à un cador continental…. Mais, bon, Marseille s’est imposé une règle d’or : calculer n’est pas jouer. L’OM ne sait pas bien gérer un résultat et fermer le jeu quand il le faut. Toujours soucieux d’assurer le spectacle et de marquer beaucoup de buts le plus rapidement possible (voir la précipitation confuse contre Paris alors que rien ne pressait), l’OM a du mal à gérer les phases « non-actives » où il faut faire tourner ou bien contenir l’adversaire. L’exemple lyonnais est à méditer (voir la démonstration de maîtrise bien coordonnée contre Bordeaux dimanche dernier).
En fait, au-delà des problèmes de défense axiale et du boulot défensif collectif trop désordonné, il y a aussi cet état d’esprit coupable chez des joueurs qui se relâchent souvent, satisfaits d’avoir bien contenté le public… Contre les Merlus, les remplacements de Valbuena par Zenden et Ben Arfa par Kaboré avaient quelque chose de surréaliste : longue ovation du public et longues salutations presque bras levés de Hatem et Mathieu. Genre : le match est fini, on a gagné, on a fait le spectacle, maintenant repos !… Sauf qu’il restait 10 minutes à jouer et que l’OM n’avait qu’un but d’avance. C’est typique de l’OM cette saison, comme la saison dernière : en menant souvent rapidement au score et en marquant beaucoup de buts, Marseille est convaincu d’avoir fait le boulot puis se relâche. On avait assisté à pareil gâchis contre le Zénith St-Petersbourg, largement trimballé puis revenu des Enfers sur le but d’Archavine, qui a été le point départ du fiasco dans une Coupe de l’UEFA à sa portée… Marseille renoue avec son légendaire passé de « flambeur irrésistible mais souvent bredouille » (années 70 et fin des années 90) et affiche une satisfaction imbécile d’être l’équipe sympa qui régale et qui accompagne le leader Lyon en visant seulement la deuxième place.
En fait, cette saison, pour relancer l’intérêt de la tristounette L1 de l’an passé, on a annoncé du beau jeu et du spectacle. L’OM s’est généreusement dévoué à pratiquer un football champagne en oubliant de serrer derrière quand Bordeaux, Toulouse, Rennes, Lille ou le PSG offraient le visage plus réaliste de bons gestionnaires. Merci l’OM, vous êtes trop sympa : continuez comme ça et vous allez finir 6ème…
Chérif Ghemmour
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