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Kaaris : «Aujourd’hui, c’est le Qatar qui contrôle, il faut l’accepter»

Propos recueillis par Walter Laouadi
Kaaris : «Aujourd’hui, c’est le Qatar qui contrôle, il faut l’accepter»

Avec son verbe cru et ses punchlines folles, Kaaris est l’un des poids lourds du rap français. « Si Zlatan rappait, il le ferait exactement comme moi », précise-t-il. De quoi se faire une idée de la teneur de son album Or Noir. Interview d’un homme qui sait habilement se servir de ses orteils.

Plus jeune à Sevran, tu jouais au foot ?Ouais, j’étais même plutôt fort. J’étais inscrit au club de la ville. Physiquement, j’étais le plus costaud. Mes bras (50 cm de tour de biceps, ndlr) étaient déjà plus gros que ceux de mes potes. Depuis la maternelle, je suis le plus balèze ! Je jouais numéro 7, sur le côté droit. J’étais pas un super joueur non plus, hein, mais je savais taper dans la balle, faire quelques jongles. J’étais un gros casseur ! Tu viens en face, c’est tacle à la gorge, direct ! J’ai arrêté le foot en club très tôt quand j’avais 14-15 ans. Dans la vie, j’ai une mémoire très sélective, mais il y a un truc en revanche dont je me rappelle très bien. C’est l’odeur des terrains la nuit, quand tu sors des vestiaires, en crampons. Cette odeur spécifique, elle m’a véritablement marqué.

Il y a une équipe que tu supportes plus qu’une autre ?Le PSG. Dernièrement, quand Paris a battu Marseille, j’étais content. Tu sens que l’équipe peut mettre des 5-0, facile. Il faut juste qu’ils se rodent un peu, et je suis sûr que ça va donner des matchs incroyables cette saison. Même si j’allais assez peu au stade, je reste un mec qui a toujours habité à Paris. J’ai toujours suivi les résultats de l’équipe, et le nouveau PSG me plaît. Aujourd’hui, c’est le Qatar qui contrôle, il faut l’accepter, et se concentrer sur la seule chose importante : gagner. Et je vais te dire, je suis un enfant de la rue, la thune, on la prend peu importe d’où elle vient. Ceux à qui ça ne plaît pas que l’argent vienne de là-bas, ils veulent quoi ? Qu’on soit en galère comme les autres clubs ? Bon, après, changer l’ « esprit » du club, c’est pas ce qu’ils ont fait de mieux. Cela dit, aujourd’hui, tu peux y aller en famille. Ça reste du sport. Les gens entrent dans un stade, pas sur un ring.

Dans Je Bibi 2, tu rappelles qu’il ne faut jamais sous-estimer la rapacité d’un adversaire. C’est applicable au foot, notamment… Regarde Messi et tu comprends qu’il ne faut jamais sous-estimer qui que ce soit ! Quand tu vois ceux qui sont les plus petits physiquement, la façon dont certains d’entre eux jouent… Dans le foot français, si tu as souvent des grands blacks, ça peut s’expliquer par le fait qu’ils viennent pour la plupart de cités. Milieu dans lequel les exemples, les gens à admirer, sont souvent des sportifs. Peut-être que les mecs du XVIe ne s’identifient pas à ces mêmes personnes. Maintenant, s’il ne fallait que des grands blacks pour gagner, la Côte d’Ivoire serait déjà championne du monde depuis longtemps ! Il ne faut pas être discriminant, dans un sens comme dans l’autre. Dans le foot, la couleur ne veut absolument rien dire.

« Zidane, c’est LE mec par excellence ! »

Dans ton morceau Zoo, tu parles d’un « but du tur-fu » . Ça ressemble à quoi techniquement, sur un terrain ? Tu vois le but de Zidane en finale de la Ligue des champions contre Leverkusen ? C’est ça, un but du tur-fu ! La balle, en réalité, elle n’était pas sur le terrain. Elle arrive depuis l’année 2094, elle traverse le temps et elle tombe direct sur son pied gauche. Et je le pense sincèrement ce que je suis en train de te dire ! Sinon, les buts du tur-fu, ça reste quand même ceux que plantaient les gars d’Olive et Tom, dans le dessin animé. Les frappes de Mark Landers en premier lieu. Olive et Tom, c’était dingue… Il y avait tout ! Le jeu qui ne s’arrête plus, les mecs qui couraient pendant des heures et qui te sortaient des combinaisons de oufs. La balle qui transperce les filets, c’est du grand n’importe quoi. Mais quand j’étais petit, je croyais que c’était possible ! Ils nous ont bien blagués, ces Japonais.

Zidane a vraiment l’air de t’avoir marqué.Si, aujourd’hui, je préfère le Real au Barça, c’est grâce à Zidane. Le mec, il ne parle pas, mais ce qu’il montre, pfff… C’est le « mec » par excellence. Tout ce qu’il a fait est bien, de ses buts en finale en 98 jusqu’au coup de tête sur Materazzi. Je ne lui jette pas la pierre pour ce dernier geste, d’ailleurs. Arrive un moment, le mec est à un tel niveau, a construit une telle carrière, que tu ne peux que lui pardonner. En 2006, c’était le meilleur joueur, presque l’entraîneur de l’équipe de France. D’ailleurs, c’était qui l’entraîneur, en vrai ? Pour moi, c’était lui. Zidane, il a du Cantona en lui. Beaucoup plus qu’on ne le pense, d’ailleurs. Pour revenir au geste sur Materazzi, tu vois bien que Zizou se retient, c’était un vieux coup de tête, en fait. L’Italien, il mérite d’avoir son étoile à Hollywood Boulevard, tellement il en rajoute. Si j’avais été Zidane ce jour-là, c’étaient deux grosses tartes qu’il se mangeait, l’autre…

Dans le morceau Kalash de Booba, tu poses d’ailleurs un couplet dans lequel tu parles de Zinedine Zidane. Tu dis : « Je n’ai confiance que dans mon Desert Eagle et en Zizou dans les arrêts de jeu » … Ça, c’est clair et net. T’as confiance dans ton Desert Eagle si tu l’as sur toi. Pour Zidane, c’est pareil. Quand tu jouais les arrêts de jeu, et qu’il était encore sur le terrain, t’avais un véritable sentiment de sûreté. Maintenant, le plus précis des deux, ça reste encore le Desert. Zidane, c’est comme l’équipe de France 98, ça parle à tout le monde. La France qui gagne. Tout le monde était rassemblé, tout le monde était heureux. Quelque chose de fort s’était créé à cette époque. Je suis évidemment loin d’être le seul à le penser. Par contre, tout le délire Black Blanc Beur, j’en ai rien à foutre. C’était juste l’histoire de jeunes qui réussissaient quelque chose dans leur domaine.

Les Bleus d’aujourd’hui sont plutôt dans le collimateur des médias. À la moindre incartade, on leur tombe dessus. Et directement, la question des gros salaires ressort.Ouais, mais un footballeur, c’est pas n’importe qui. Il crée de l’engouement chez les jeunes, chez les plus vieux, il va toucher tout le monde. Il peut même changer les mœurs d’une société, participer à son évolution. Plus qu’un homme, il devient un symbole. Les mecs, en plus de leur sport, ils font de la pub, et tous ceux qui sont autour d’eux « mangent » . C’est normal qu’ils soient payés. Même beaucoup.

« Un match peut changer la vie d’un pays »

Tu as habité en Côte d’Ivoire il y a quelques années. D’ailleurs, tu portes un maillot des Éléphants dans le clip Paradis ou Enfer C’est normal, c’est l’équipe de mon pays. C’est pour représenter. J’ai vécu 8 ou 9 mois là-bas, en 2003-2004, pendant les exactions. Un joueur comme Drogba, c’est super important pour les Ivoiriens. C’est bien simple, ça doit être l’Ivoirien le plus célèbre de l’histoire avec Alpha Blondy. Drogba, il n’y a pas d’équivalent en France. En Afrique, les stars de foot ont un rôle beaucoup plus important. Son appel au calme pendant le conflit, seul lui pouvait le faire. En plus de cela, sa grande carrière a apporté un coup de projecteur sur le pays, ce qui n’est pas négligeable. On parlait très rarement de la Côte d’Ivoire pour ses performances sportives, avant lui.

S’en sont suivis plusieurs reportages en France sur l’équipe de la Côte d’Ivoire, où tu voyais régulièrement les joueurs chanter dans le bus qui les menaient aux rencontres…Mais c’est pas ça, la vraie image de l’Afrique ! Tu vas là-bas, tu vois des mecs rouler en Porsche Cayenne, ça vit à 200 à l’heure, ils ont des liasses de billets de fous dans les poches, ils sont habillés en Gucci de la tête au pied ! La jeunesse est vivace, elle veut tout et tout de suite. La population est très très jeune, donc les choses vont 10 fois plus vite qu’en France. En comparaison, l’Europe est un continent très vieillissant, qui semble plus lent.

Continent sur lequel on entend encore des cris racistes dans les stades…Ouais, des cris de singe, tout ça. Si j’étais joueur, j’aurais fait un truc à la Cantona, à sauter dans les gradins, pour mettre des patates à tout le monde. Malheureusement, personne n’a la bonne solution. T’as beau essayer l’éducation, leur faire comprendre que la couleur n’a pas d’importance, que ce n’est pas de notre faute si on a des plus grosses b***s… Mais le racisme dans les stades n’est pas propre au football, attention ! C’est juste que ce sport est beaucoup plus populaire et que tu peux voir ce genre d’évènement en direct.

Cantona, c’est le genre de joueur qui te parle ?Ouais, Cantona. Et Anelka, dans le même style.

Anelka qui, comme Paul Pogba, a justement repris l’un de tes fameux gestes (Une sorte de clef de bras, symbolisant la force, Ndlr)! Je ne te dirais pas que j’ai eu un orgasme quand j’ai vu ça, mais… c’était bon ! T’imagines ? Quand je vois Pogba, un mec de la Juventus de Turin quand même, faire ce geste, je me suis dit : « Comment il sait ça, lui ? » C’est là que tu te rends compte que la musique touche tous les publics. Anelka, c’était peut-être encore plus fort, parce que j’ai toujours adoré ce mec. Je me retrouve plus dans ce genre de joueurs au tempérament bien trempé. Pour moi, sur un terrain, tu as deux types de personnes. D’une part, ceux qui jouent bien, sans parler, pour eux c’est mathématique. Et puis tu as ceux qui jouent tout aussi bien, mais qui sont des grandes gueules. Celui pour qui c’est mathématique, il va peut-être y arriver plus facilement que l’autre, à niveau égal. Je me souviens, j’avais un pote qui était à Clairefontaine. Il jouait super bien, mais quand je te dis super bien… c’était un tueur. Il s’appelle Karim. Il aurait pu jouer au haut niveau, mais… c’était une caille-ra ! Quand t’arrives très haut dans le foot, à un moment, tu arrives sur le terrain, tu joues et tu fermes ta gueule. Parce qu’un match, que ce soit en club ou encore plus au niveau international, c’est super important. Dans certains cas, ça peut changer la vie d’un pays.

Leonidas Da Silva, joueur brésilien des années 30, était surnommé « le Diamant Noir » , mais aujourd’hui, qui est l’ « Or Noir » du foot moderne ? Encore une fois, je pense que ce n’est pas forcément une question de couleur. Le nom de l’album Or Noir, c’est avant tout pour le pétrole. Ce liquide qui rend fou les hommes… Un joueur « Or Noir » ? (Il réfléchit) Je vois mon petit frère Beko qui me souffle Messi, mais moi, je suis plus Cristiano Ronaldo dans le style. Après, c’est vrai, tu as Balotelli. Ce mec, c’est du très, très lourd. Mais juste, il faut qu’il arrête avec ses coiffures !

Album Or Noir (Capitol Music) de Kaaris, disponible dans les bacs le 21 octobre.

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Propos recueillis par Walter Laouadi

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