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Juventus de plus rien
Sixième du Calcio, éliminée de la Champion's, sortie de l'Europa, la Juventus traîne cette saison comme une âme en peine. Aucun résultat, aucun jeu, aucun style, aucune tenue : juste un long calvaire.
Une équipe tragique. Voilà ce que l’on peut dire de mieux sur la Juventus d’aujourd’hui. Au moins, elle ne triche pas, elle ne se dope plus ; même si parfois, dans des moments d’égarement ou de dépit, et ils sont légions cette saison, on se dit qu’elle ferait mieux de replonger, c’est déjà ça de pris. Obtenir de tels résultats en se dopant et en trichant serait une abomination. Là, propre et sain, c’est juste honteux. Comme le dit l’écrivain Mehdi Belhaj Kacem : « En tant qu’inconditionnel de la Juventus depuis que je suis gosse, je suis fier d’avoir honte de ce qu’est ce club en ce moment » . Pas mieux.
Aucun résultat
Juve oblige, il convient de commencer par l’essentiel : les résultats. Ou plutôt l’absence de résultats. La Juventus est sixième. Derrière l’Inter. Derrière le Milan. Derrière la Roma, Palerme et la Sampdoria. Pour en arriver là, la Juve a forcément eu de mauvais résultats. En Europe, c’est pire, mais au moins, c’est cohérent. Éliminée de la Champion’s 4-1 face au Bayern, c’est sur le même score qu’elle a coulé contre une terreur européenne, Fulham. Adieu l’Europe et à l’année prochaine ? Pas nécessairement…
Aucun jeu
Piqûre de rappel. La base du jeu turinois : défendre, défendre et défendre. Défendre, en premier lieu, veut dire surtout ne pas encaisser le premier but. Défendre, ensuite, revient à savoir garder ses positions plutôt que la possession ; on parle ici, de manière un peu raccourcie, de jeu sans ballon. Défendre enfin, consiste à savoir protéger son but même si par malheur on se retrouve en possession de la balle ; ne pas quitter ses positions tout en ayant la balle relève du plus brillant. Une fois cela acquis, ne reste alors que le plus facile : marquer. Pour ça, il y a le trident.
Voici le jeu de la Juve. Peut-être le reverra-t-on un jour ? Cette saison, on a vu une équipe en difficulté perpétuelle, parfois par la faute de l’adversaire, souvent via ses propres erreurs : une équipe incapable d’assurer ses arrières et, puisque tout part de la base, de jouer sereinement ; une équipe forcément fébrile dans le registre offensif, dans la difficulté pour se créer des occasions, dans l’embarras pour les concrétiser.
Raisons ? Blessures de Buffon, le gardien du temple, et de Chiellini, le pilier de l’église, cryogénisation de Cannavaro, carences abyssales des latéraux. Grygera ne sait pas défendre, Grosso ne veut pas et De Ceglie ne peut pas. Reste Jonathan Zebina. En toute logique, quand ça fuit en bas, le reste se noie ; il ne faut pas chercher beaucoup plus loin les infortunes du milieu, de l’attaque, de l’équipe, du club. Alors quand en plus on convoque Poulsen ou le fantôme de Felipe Melo…
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Aucun style
Avec un jeu dilué, difficile d’avoir un style. De là à jouer à trois défenseurs, à en prendre quatre dans les matchs décisifs, à changer de schéma, de titulaires, ou de postes quand on sait plus quoi changer… Marchisio est un joueur superbe. Physique, technique, polyvalent. D’ailleurs, il a dû jouer à dix-sept postes différents cette saison. Si la Juve retrouve une défense, il fera un parfait milieu relayeur…
Au départ, Ferrara a été nommé parce qu’il était raccord avec la tradition, lippien en diable, il voulait jouer avec Diego en 10. A l’arrivée sur le banc de la Juve, zone un mec qui se dit adepte du 3-5-2. Sans ligne directrice, une existence peut être longue, une saison plus encore. Tant pis pour les dernières années d’Alex, les premières de Giovinco.
Aucune tenue
Vus les résultats actuels, le fautif répondait au doux nom de Ferrara… Ancien de la taule, Ciro a eu le privilège d’être (en)traîné encore un peu plus longtemps dans la boue, avant d’être finalement limogé. Aujourd’hui, le coupable idéal viré, rien ne va mieux. Après les joueurs, après l’entraîneur, c’est donc maintenant au président d’être contesté. Même Michel Platini, pourtant un proche, s’y est mis. Son conseil à Jean-Claude Blanc : « Attention, tu dois te protéger parce qu’ils te diront que tu arrives du tennis, de la France, et que tu ne sais rien » . Sa solution ? « Il a besoin de quelqu’un qui comprenne le football. Lui fait partie de l’administration, il doit se faire aider par une personne de terrain » . Pourtant, Roberto Bettega est soi-disant revenu gérer le sportif… A ce train-là, l’été venu, Moggi sera de retour pour prendre soin de l’extra-sportif.
En attendant, le peuple Juventino en a un peu ras la casquette, sa patience a des limites, à commencer par celle de Marco Tardelli : « On parle de transparence, d’un projet pour les jeunes, de tant de choses mais, en réalité, peu ont été faites. Le problème est qu’il y a quelques personnes un peu présomptueuses au sein de la société, des personnes qui croient pouvoir comprendre le football en dix secondes. Plusieurs raisons peuvent expliquer le demi désastre que vit le club. Je crois qu’il faudrait des joueurs importants, mais également un homme qui comprend vraiment le football et le mercato. Je ne dis pas Moggi, mais quelqu’un comme lui. Je pense que deux ou trois années seront encore nécessaires pour revoir une Juventus au sommet » . Les héritiers se tirent déjà dans les pattes. C’est moche, l’agonie au travail. A moins que tout ceci ne ne soit qu’une convalescence un peu longue.
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