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Jimmy Dunne, la légende oubliée

Par Romain Duchâteau
6 minutes
Jimmy Dunne, la légende oubliée

Avec 11 buts consécutifs en 11 matchs, Jamie Vardy a détrôné Ruud van Nistelrooy et peut désormais partir à l'assaut d'un autre record historique - 12 buts en 12 rencontres successives - détenu depuis les années 30 par un Irlandais : Jimmy Dunne. Un joueur à la carrière animée, entre buts, prison et insoumission à l'Allemagne nazie.

Parce que le temps s’écoule bien trop vite, les records demeurent éphémères. Sont faits aussi, un jour, pour tomber. Rien ou presque ne prédestinait Jamie Vardy à marquer de son empreinte le football britannique. Le week-end dernier, au cours du match nul concédé contre Manchester United (1-1), l’attaquant anglais à la dégaine atypique est entré dans l’histoire du championnat anglais pour être devenu le premier joueur à marquer lors de onze rencontres consécutives. Une folle statistique qui lui a permis de détrôner l’idole néerlandaise Ruud van Nistelrooy et ses dix pions claqués. Mais si le joueur des Foxes a sans doute inscrit son nom pour un long moment dans le livre des records de la Premier League (instaurée en 1992), il reste encore à une longueur de celui établi précédemment en première division anglaise. C’était durant l’entre-deux-guerres, dans les années 30. C’était un autre temps, une autre époque, un autre football. Le blase du détenteur de cette performance historique : James Dunne. « C’était le genre de joueurs pour lesquels on venait au stade, se remémore Bryan Murphy, 90 ans, témoin privilégié d’une époque révolue et des exploits d’un homme à part. C’était un joueur incroyable, une véritable star. » Dunne, un nom méconnu, autrefois oublié. Mais qui refait aujourd’hui surface.

« Snowy » , un homme de records

Né en Irlande, à Ringsend, dans la banlieue de Dublin, James « Jimmy » Dunne n’a pas partagé la passion familiale pour le football gaélique et s’est très tôt découvert un amour prononcé pour le ballon rond. Alors qu’il n’a même pas encore vingt ans et décroche ses premières frappes au sein de son club local de Shamrock Rovers, le gamin éveille l’intérêt de New Brighton, formation de troisième division anglaise. Là-bas, l’attaquant se distingue rapidement. Plus fort, plus vif, il survole la saison 1925-1926 avec 46 caramels inscrits en 38 matchs. Pour ses belles prédispositions, Sheffield United se laisse séduire et acquiert le joueur pour 800 livres sterling. En première division anglaise, l’acclimatation demandera du temps. Pendant trois années, Dunne galère. Apprend, aussi. Joue davantage en réserve plutôt qu’avec l’équipe première. Mais l’exercice 1929-1930 lui offre l’envol espéré. Avec 36 buts en 39 matchs, le bonhomme devient une vraie goal machine, évitant ainsi à son club l’affliction d’une relégation.
Dès lors, la machine est lancée. Et l’ « Irishman » devient le cauchemar redouté de tous les gardiens du Royaume, malgré une équipe pas forcément en adéquation avec son talent. De 1930 à 1933, il squatte sans partage la tête du classement des buteurs du championnat anglais. Au terme de sa meilleure saison à titre personnel, en 1930-1931, le bonhomme plante à 41 reprises. Soit un record toujours d’actualité pour un joueur irlandais. Un an plus tard, il marque la première division anglaise un peu plus de son estampille en marquant lors de douze matchs consécutifs en championnat (pour un total de 18 buts). Une prouesse hors norme. « Il jouait aux avant-postes et traînait toujours autour de la surface de réparation, se remémore Bryan Murphy, la voix teintée de nostalgie. Parmi les souvenirs que j’ai de lui, je me rappelle particulièrement de ses buts de la tête. Lors de sa fameuse série où il a marqué durant douze matchs consécutifs, il y avait énormément de buts inscrits de la tête. » Sous la tunique des Blades, Dunne connaîtra son acmé (169 pions en 173 matchs). Après, il continuera de marquer, mais plus autant. À Arsenal (1934-1936), il soulève la couronne nationale avant de peu à peu laisser la lumière à Ted Drake. À Southampton (1936-1937), où il hérite du sobriquet « Snowy » ( « Milou » en VF) en raison de sa couleur de cheveux blonde, ses coups de boutoir évitent aux Saints de sombrer en troisième division. Fidèle à ses racines, Jimmy reviendra à Shamrock Rovers (1937-1942) en tant qu’entraîneur-joueur pour écrire les dernières pages d’une carrière plus que prolifique.

Prison, grève de la faim et refus du salut nazi

Mais la carrière de Jimmy Dunne ne prendrait pas une résonance singulière si elle ne s’accompagnait pas d’une vie qui l’est tout autant. Jamie Vardy a été viré de l’académie de Sheffield Wednesday à l’âge de seize ans et employé à la chaîne d’une fabrique d’attelles à vingt ? L’Irlandais, lui, a connu durant son adolescence les affres de la guerre civile irlandaise qui a lieu entre 1922 et 1923. Parce que son frère Christy se revendiquait être un fervent et convaincu républicain, il a été emprisonné par l’État libre d’Irlande pour une appartenance présumée à l’IRA. Dans les prisons de Curragh et Portlaoise, le gamin de Ringsend s’illustre dans les parties de foot à cinq contre cinq, mais aussi pour faire la grève de la faim. Ce ne sera pas son seul fait d’armes. Au cours de son parcours, l’attaquant fut l’un des seuls joueurs de l’histoire à avoir arboré le maillot de deux sélections irlandaises. Celui de la Fédération d’Irlande de football (FAI, de 1930 à 1939) et de l’Association irlandaise de football (IFA, de 1928 à 1932). À l’époque, les deux fédérations s’arrogeaient le droit de sélectionner n’importe quel joueur dans le pays. Conséquence de ce choix, les mêmes joueurs pouvaient être pris indifféremment dans les deux équipes. Mais c’est avec la FAI qu’il a laissé une trace profonde. En 15 capes, l’attaquant fait trembler les filets à treize reprises.
Un record d’avant-guerre, un de plus, qui n’a été brisé qu’en 1967 par Noel Cantwell. Surtout, le striker retrouvera son nom associé aux livres d’histoire pour un acte contestataire passé à la postérité. En mai 1939, la FAI se déplace à Brême, à l’occasion d’un match contre l’Allemagne. Comme le protocole l’exige sur place, les joueurs visiteurs doivent effectuer un salut nazi avant le début de la partie. Si la sélection anglaise s’était exécutée douze mois auparavant, Dunne, capitaine de la sélection irlandaise et socialiste convaincu qui abhorre le fascisme, refuse de s’y soumettre. Diverses sources relatent même que l’Irlandais aurait enjoint à ses partenaires de suivre son exemple. Avant de marteler ces fameux quelques mots, plein d’aplomb : « Remember 1916, remember Aughrim ! » en référence à deux épisodes majeurs et meurtriers de l’histoire où le peuple au trèfle vert a croisé le fer contre l’oppression (l’insurrection de Pâques et la bataille d’Aughrim). Pour ne pas avoir courbé l’échine, « Snowy » recevra un traitement particulier de la part de ses adversaires. Mais, fier, il restera debout et causera bien des tourments aux défenseurs. La chute, brutale, interviendra en 1949. Alors qu’il entraîne son club de toujours, Shamrock Rovers, le blondinet est foudroyé d’une crise cardiaque à seulement quarante-quatre ans. Près de quatre-vingt-trois ans après son exploit, Jimmy Dunne n’a jamais été aussi près de voir son record égalé. Mais, jusqu’à preuve du contraire, il en demeure encore le seul détenteur. Sans doute le meilleur moyen de ne jamais oublier une légende.

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