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« Je me voyais continuer en tant que postier »

Propos recueillis par Maxime Brigand
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Biberonné à l'OL avant d'en être écarté, Amos Youga cavale aujourd'hui sur les pelouses de Ligue 1 avec le maillot du Gazélec. Le tout après quelques mois avec un gilet La Poste sur le dos, un collège avec Bouna Sarr et une paire Ghezzal-Fekir sur du Magic System. Rien que ça.

Tu es né à Villeurbanne au début des années 90, à quoi ressemblait ton enfance ?Sincèrement, tout s’est bien passé. J’habitais avec mes parents dans un quartier, dans un HLM avec mes frères et mes sœurs, avec tout ce qu’il y a plus de normal dans une vie de quartier pour un enfant : le foot en bas de l’immeuble, l’école. C’est là que j’ai commencé à jouer, au quartier avec mes copains, avant de m’inscrire dans le club de mon quartier, aux Buers de Villeurbanne.

Qu’est-ce qui t’a amené au foot ?Une fois, quand j’étais petit où je zappais à la télé, je suis tombé sur un match et ça m’a captivé. Je viens d’une famille de basketteurs, mon père, Richard Youga, a fait les JO, ma mère jouait aussi en équipe nationale en Afrique aussi, ma sœur a joué en pro à Strasbourg et à l’ASVEL et mon frère, c’était pareil, avant de faire une carrière dans le foot (Kelly Youga joue aujourd’hui à Crawley Town, en League Two, ndlr). Logiquement, j’aurai dû suivre la voie du basket, mais non. Le fait que mon frère soit à l’OL chez les jeunes m’a poussé à aller vers le foot.

Du coup, tu ne t’es jamais essayé au basket ?J’aimais bien, si ! Quand mon père entraînait dans le club du quartier, moi, après les entraînements, j’aimais bien jouer un peu aussi.

Finalement, tu files à l’OL très jeune. Comment se sont passés les premiers contacts avec le club ?En fait, leur équipe était dans le même championnat que le nôtre en benjamins. Ils avaient bien aimé notre équipe et, du coup, on était un groupe de sept ou huit à aller faire des essais pour eux. Au final, je suis le seul qui a été retenu. J’y suis allé trois ou quatre fois, j’ai fait des tournois avec eux, des entraînements et quelques matchs amicaux. Après un dernier essai, ils m’ont recruté, c’était parti. C’était le Lyon de la grande époque, celui de Michael Essien, de Juninho, le Lyon indomptable, ça représentait énormément de choses, une grosse fierté d’évoluer dans le plus gros club de la région et, à ce moment-là, du plus grand club de France.

Et à ce moment-là, tu rencontres surtout des mecs qui font l’OL d’aujourd’hui.De ma génération, il y avait Rachid Ghezzal déjà et des joueurs qui sont partis depuis, comme Mehdi Zeffane, Florent Perradin, Enzo Reale ou Bouna Sarr qui est à l’OM. J’étais aussi dans sa classe. Anthony Lopes était aussi en sport étude, mais je le connaissais moins, il était plus souvent avec les grands.

Quel souvenir gardes-tu de cette époque ?De la rigolade. Tous les matins, on prenait le métro ensemble avec certains joueurs, le soir, on rentrait ensemble. On aimait bien déconner, c’était l’époque du collège. On était un peu fous. Après, à cette époque-là, on faisait un peu les fiers parce qu’on jouait à Lyon. On se sent un peu fort, un peu au-dessus des autres. On était dans un collège sport étude avec le pôle espoir de basket et d’autres sportifs aussi. Personnellement, on n’avait pas l’impression d’être vu différemment, mais je pense que pour les autres, on représentait quand même quelque chose.

À Lyon, on organisait des battles de danse dans le vestiaire

Aujourd’hui, avec du recul, que représente l’OL pour toi ?Lyon, c’est mon club de cœur. Je les ai supportés toute ma jeunesse, même si aujourd’hui, c’est forcément différent. Je joue contre eux. Le truc, c’est que cette saison, j’ai beaucoup d’amis qui jouent là-bas, donc je les suis forcément un peu plus depuis qu’ils sont en équipe première.

Quelques années après, tu les bats en Ligue 1 avec le Gazélec, comment tu as vécu ce match ?Franchement, j’aurais joué contre eux seulement quelques mois après qu’ils ne m’aient pas gardé, il y aurait eu un sentiment de revanche. Maintenant, il y a trois ans qui sont passés. Franchement, les battre, ça nous a fait plaisir, mais ça ne m’aurait pas fait le même effet si ç’avait été l’année juste après mon départ.

Tu pars une première fois de l’OL pour partir à Saint-Priest, qu’est-ce qu’il s’est passé ?J’ai fait deux ans de pré-formation à l’OL où le club ne m’a pas gardé. Du coup, je signe à l’AS Villeurbanne, en district, j’enchaîne avec deux ans à Bourgoin-Jallieu en 15 et 17 ans nationaux avant d’aller à Saint-Priest. J’ai commencé ma deuxième saison avec les 19 nationaux avant de jouer avec la CFA 2. En début de saison, j’avais laissé mon numéro à un agent qui me rappelle pour me dire qu’un « club est intéressé, un club pro, un bon club pro » . Dans ma tête, je ne pense pas à l’OL, je pense à Évian ou Saint-Étienne, mais pas Lyon. Quand il m’a dit ça, j’avoue avoir été étonné.

Pendant cette période, à côté du foot, tu bosses à La Poste comme facteur. Comment ça se passe cette période-là ?J’étais en 19 nationaux et ce que je faisais à l’école ne m’intéressait pas. On arrive en janvier, il faut que je trouve un stage. Moi, je n’en ai pas trouvé. Du coup, ça m’a empêché de passer le bac et on m’a dit que je ne pourrais le passer que l’année suivante. J’ai décidé d’arrêter. J’en ai parlé avec mes parents, je leur ai dit que je voulais arrêter les cours et travailler. Je faisais de l’électroménager, du service après-vente, de la réparation, je n’aimais pas ça. Du coup, je suis parti pendant quatre mois à La Poste. Tout s’est terminé quand l’OL m’a appelé. J’ai dû expliquer à mes patrons que je devais arrêter parce que Lyon voulait me faire signer un contrat. Au début, personne ne me croyait. J’ai dû appeler le club pour leur expliquer, vu que le stage de préparation commençait deux semaines après. On ne peut pas partir comme ça d’un boulot, donc Lyon a fait accélérer les choses.

Moi, je partais à 10h30, donc j’avais déjà une heure et demie de retard. Je crois que ma première journée, je l’ai terminé à 17h au lieu de 11h30-12h

Comment ont réagi tes collègues ? Ils étaient contents pour moi, c’est sûr. Mon chef à La Poste était un fan de Lyon, donc il m’envoie encore des messages aujourd’hui. En revanche, mon chef de secteur, c’était les Verts, donc il m’a pas mal chambré, mais il était content aussi.

C’était quoi ta mission concrétement ?Tu prépares ton courrier le matin, tu le tries pour ta tournée, après tu fais la distribution. Moi, mon secteur, c’était du côté d’Ampère. La première semaine, ça s’est bien passé parce que j’étais avec mon chef de secteur, il m’expliquait, il m’aidait. Après, les deux-trois premiers jours, tu as envie de pleurer ! On va dire qu’une fois que tu fais le tri, en général, tu pars aux alentours de 8h30 pour commencer ta tournée, au plus tard neuf heures. Moi, je partais à 10h30, donc j’avais déjà une heure et demie de retard. Je crois que ma première journée, je l’ai terminé à 17h au lieu de 11h30-12h. Il y a même des courriers que je n’ai pas pu déposer parce que les portes étaient fermées. Une première semaine très difficile, entre la mémorisation des boîtes, des personnes.

Tu te serais vu continuer dedans ?Oui, je me voyais là-dedans. Je sais pas si j’aurais fait ça toute ma vie, mais sur le coup, je me voyais continuer. J’ai gardé contact encore aujourd’hui avec mon chef de secteur, il m’envoie souvent des messages, par exemple l’autre jour pour le tirage au sort de la Coupe de France. Pareil pour le chef de La Poste.

Du coup, tu files en stage avec l’OL ensuite. Tu retrouves d’anciens potes de la pré-formation ?Oui, des gars avec qui j’étais au collège. Pendant ce stage en Autriche, il y avait les pros et la réserve. Certains de mes amis étaient passés avec les pros depuis. Quand tu arrives, tu ne penses pas au groupe pro, et au fur et à mesure, tu commences à rêver. Quelques mois avant j’étais facteur, et là je m’entraînais parfois avec le groupe professionnel, alors forcèment, tu rêves un peu. Après, avec Rémi Garde, on n’a jamais parlé et avec Stéphane Roche, mon coach avec la réserve, c’était un peu pareil, sauf pour régler quelques problèmes entre nous.

Quels genres de problèmes ?Le truc, c’est que lors de ma deuxième année, j’étais l’un des plus anciens de la réserve avec Maxime Blanc et Loïc Abenzoar. Je ne jouais pas beaucoup, j’étais plus souvent remplaçant. Cette année-là, j’avais pris trois cartons rouges, donc ça m’avait déjà freiné au niveau de mon nombre de matchs. Et à côté de moi, Naby Sarr commençait à exploser. C’était bloqué pour moi, du coup le coach m’a fait grimper d’un cran sur le terrain. Finalement, je n’ai pas été conservé. Le fait que j’ai été un peu plus âgé a joué en ma défaveur. Si, à un moment, tu n’es pas meilleur que les autres, on favorise les jeunes qui ont aussi une plus grosse valeur marchande.

Avec toi, il y avait aussi Fekir et Ferri, tu es surpris de les voir à un tel niveau aujourd’hui ?Non, pas du tout. Nabil, je l’avais connu à Saint-Priest avant, c’était déjà un gros talent, et à cette époque, on attendait juste de voir où il allait signer. Je l’ai vu évoluer, il a bossé physiquement et aujourd’hui, je ne suis pas étonné. Cette année-là, il y avait surtout une grosse ambiance, à l’entraînement et dans le vestiaire. Notre première saison en CFA, on termine premiers avec une grosse équipe. On faisait la fête aussi, c’est pour ça que le groupe vivait bien. De temps en temps, on faisait des soirées ensemble. J’ai encore des vidéos aujourd’hui de scènes dans le vestiaire où on organisait des battles de dance avec de la musique à fond.

C’était qui le meilleur à la danse du coup ?Naby Sarr était très fort, Ali Touncara aussi, mon grand ami, était très bon. Il y avait un bon délire.

Tu sais ce que je vais te demander…(Rires) Oh putain, je dois le dire ? Rachid Ghezzal, c’était non…

On a un peu de mal à l’imaginer, c’est clair…Moi, je l’ai déjà vu danser. Nabil Fekir était encore moins fort et on avait un gardien qui s’appelait Jean, lui c’était une casserole, sincèrement pour un noir, il ne savait vraiment pas danser. C’étaient les meilleurs moments, j’ai encore des vidéos sur mon téléphone. Je me rappelle, une fois, à cinq minutes de jouer, on attendait juste le coach et nous, dans le vestiaire, on dansait encore avec les pros qui redescendaient jouer en réserve, les jeunes qui montent avec nous. C’était sur du Magic System, Raï’NB Fever.

Ensuite, tu pars en Bretagne, à Vannes, ça te fait pas un gros choc ?Sincèrement, je savais que je n’allais pas jouer en Ligue 1 tout de suite vu mes prestations en CFA. Aller en National, pour moi, c’était une bonne idée. Vannes, c’est pas l’OL, mais les infrastructures étaient parfaites. Après, la vie en Bretagne… L’été, il fait bon, mais sinon il pleut beaucoup. J’en garde un bon souvenir, même si, à la fin, on est descendus sportivement et qu’après mon départ, le club a été relégué administrativement. Je vivais en colocation avec Alister Bizolon, c’est vraiment des bons souvenirs.

Comment se passe du coup ton arrivée en Corse, comment le Gazélec a flashé sur toi ?Flasher, c’est un grand mot. Au départ, je devais signer à Colmar, en National. Mon contrat était prêt, ils m’attendaient. J’avais même signé un pré-contrat. Après, moi, j’attends mon entraîneur de Vannes pour en discuter avec lui et il me dit que le coach du Gazélec lui a expliqué qu’il était intéressé par mon profil. Christophe Ettori, le directeur sportif du club, était à Lyon et on s’est vus à Villeurbanne. On a discuté et je lui ai rapidement donné mon accord. Moi, c’était de la Ligue 2, je ne pouvais pas cracher dessus. J’ai appelé Colmar en leur expliquant que même si financièrement c’était plus intéressant, j’allais signer au Gazélec, car sportivement, ça ne pouvait pas se refuser.

Tu savais à quoi t’attendre en arrivant là-bas ?Non, pas du tout. J’ai foncé tête baissée. C’est vrai que quand je suis arrivé, au niveau des installations, ça m’a fait un petit peu bizarre au départ. Il y avait une bonne ambiance dans le groupe, donc je me suis rapidement adapté. C’était un nouvel environnement entre la salle de muscu commune et les trajets pour le centre d’entraînement. Les autres te chambrent du coup en te disant que tu n’es plus à Lyon, mais c’est plus de la rigolade.

Comment tu as vécu cette année de la montée ?Au départ, c’était compliqué parce qu’on était irréguliers. Le dernier match avant la trêve, on perd contre Tours et on retombe à la cinquième place. Après, on n’a plus perdu que deux matchs jusqu’à la fin de saison. Voir des collègues qui jouent en Ligue 1, ça me donnait envie de les rejoindre. Au départ, en arrivant là-bas, on était censés descendre et au final on monte. Là, tu te dis que toutes ces années à aller à droite à gauche, c’était pas du vent.

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