In bed with Marinette
En Juin 2005, Marinette Pichon sera en Angleterre. Elle y disputera sous la tunique tricolore son troisième Euro (1997-2001). Souvent mise en avant dans cette équipe de France, normal pour une attaquante, Marinette porte aujourd’hui les couleurs de Juvisy, club avec lequel elle espère bien remporter le titre de championne de France cette année. Entre l’affaire Dominguez (voir So Foot n°19), l’Euro à venir et la signature de championnes olympiques américaines à Lyon, l’occasion était trop belle d’avoir, avec Marinette, une conversation à bâtons rompus
So Foot : Drôle d’idée que de se retrouver ici, à Marcoussis, terre de rugby…
Marinette Pichon : C’est parce qu’en ce moment, je suis détachée au PDMS, qui se trouve au centre de formation du rugby. PDMS, c »est pour pôle départemental de médecine sportive.
SF : Et ça consiste en quoi ?
MP :… (rires) : pour l’instant, à acheter des piles pour l’un des appareils !
SF : Et le reste du temps ?
MP : en fait, je bosse au conseil régional de l’Essonne. Je partage un bureau avec Ladji Doucouré. Un champion très sympa… on joue quelquefois les anciens à évoquer nos compétitions, nos blessures, lui sa finale olympique, moi les matches…
SF : Une mixité sympa…
MP : au boulot comme ça oui. Mais pour revenir à l’affaire Maribel Dominguez, c’est vraiment n’importe quoi… La mixité sportive, ça va quand t’es jeune mais, malgré toutes ses qualités, Maribel ne ferait pas le poids dans une équipe masculine.
SF : Tu as joué contre elle ?
MP : Oui, aux Etats-Unis et puis, elle était là au match anniversaire de la Fifa non ?! Une attaquante très vive, vraiment technique… le vrai renard des surfaces. Il ne faut pas se laisser abuser par son apparence de « lourdeur » . J’espère qu’elle va trouver un club féminin où jouer mais, franchement, c’est comme si moi je décidais de jouer avec les pro du PSG. Faut connaître ses limites. Ca fait 25 ans que je joue au ballon, j’ai pas mal de sélections en équipe de France (87 en fait…), je peux planter plein de buts (71 en Bleue) mais si tu me colles un mec au marquage, même pas besoin d’un costaud, il suffit d’un coup d’épaule et je voltige ! Il faut tenir compte des différences morphologiques.
SF : Ca ne t’énerve pas un peu qu’on parle football féminin plus pour ce genre d’histoire ?
MP : Si, bien sûr. Je ne pense pas que Maribel aie réfléchi à tout ça, pour moi, elle a juste très envie de jouer mais certains, comme à l’époque du président de Pérouse, se font de la pub à moindres frais là-dessus. Et les médias foncent… J’aurais aimé qu’ils nous parlent un peu plus du tirage au sort de l’Euro, ou même de notre qualification, que de pseudo-mixité sportive !
SF : A quoi est du cette relative désaffection ?
MP : A l’absence de titres ! Majoritairement… Regarde les handballeuses, elles ont été championnes et on en a beaucoup plus parlé. En règle générale, le problème, c’est que pour le football féminin, les médias ont plus souvent tendance à développer le « féminin » et moins le « football » ! Les filles sont championnes d’Europe en – de 19 ans et… qu’est-ce que ça a changé ?!
SF : Avec le recrutement effectué par Lyon depuis quelques mois, les choses évoluent non ?
MP : c’est vrai que ce que fait Aulas et Lyon boostent un peu notre championnat. C’est une reconnaissance en plus non ? Que des nord-américaines, championnes olympiques, viennent signer en France. Il ne faut pas mettre cela uniquement sur le compte de la disparition de la Wusa (championnat nord-américain de football, stoppé en novembre 2003). C’est vraiment bien pour nous. Ces filles, elles vont faire venir les médias et, surtout, elles vont bousculer les titulaires lyonnaises et rien ne vaut l’émulation et la concurrence pour faire progresser. Je suis certaine que dans 2, 3 voire 5 ans, le championnat français sera plus intéressant à disputer pour nous !
(L’Olympique Lyonnais devait s’attacher successivement les services de Tara Flint, Kristie Welsh, Danielle Slaton, Lorrie Fair, Aly Wagner et la gardienne Hope Solo d’ici à Mars 2005)
SF : Ca n’a pas dû être simple de revenir en France après cette expérience à Philadelphie ?
MP (nostalgique…) : c’est rien de le dire ! Signer aux Philadelphia Charge n’avait pourtant pas été simple. J’en ai vraiment bavé pendant deux mois, je chialais certains soirs tellement c’était dur. L’éloignement, malgré la présence de ma mère, la barrière de la langue et la difficulté des entraînements… Mais… (ses yeux brillent) que de bons souvenirs après : mon triplé contre New-York, le titre de meilleure buteuse de la WUSA en 2003 (14 buts), joueuse de la All star team en 2002 et de la World star team l’année d’après ! Je suis même élue MVP (most valuable player) du championnat américain en 2002, un an après l’oscar de la meilleure joueuse de D1 ! Je commence même à blaguer en américain, je râle sur le terrain, j’ai réussi à m’imposer et j’étais devenue en quelque sorte une « french mascotte » !
SF : Tu avais un surnom aux Etats-Unis ?
MP (éclate de rire) : Monkey !!! Pas très glorieux non… mais je dansais après chaque but et, pour eux, c’était comme les singes de jeux vidéos. Du coup, ils ont fabriqué des peluches « monkey » et en ont vendu plus de 25 000 ma deuxième saison à Philadelphia ! Ils ont même fabriqué des petites statues à mon image, tu sais, les jouets un peu animés… ils m’avaient collé une paire de gros seins, pour faire plus française, je sais pas, qu’est-ce qu’elle me faisait rire cette statue ! Ah… c’était vraiment une chouette expérience, j’y retournerais bien un jour, pour y être entraîneur ou je n’sais pas…
SF : Il y a un monde d’écart…
MP : je ne te parle même pas de l’argent, tu passes de 75 euros par prime de match à 40 000 francs par mois. Pour une joueuse, c’est le pactole… non, c’est surtout que tu n’as qu’à penser au football ! C’est surtout ça… En France, tu as un boulot et tu t’entraînes le soir, ça te fait un sacré changement mais… tu te rends très vite compte que c’est quand même important d’avoir un métier vu la conjecture actuelle. Moi, je suis heureuse au Conseil Régional, avec un contrat d’objectif avec le club de Juvisy… J’aimerais vraiment gagner un titre collectif avec les Bleues, et avec Juvisy. J’ai été récompensée individuellement, mais jamais collectivement…
SF : Ca semble bien parti avec Juvisy
MP : la saison ne se termine que le 8 mai face à Hénin. Et puis, il y a l’Euro en Angleterre (5-19 juin)…
SF : Tirage au sort difficile avec l’Italie, l’Allemagne et la Norvège (l’autre groupe : Angleterre, Finlande, Suède, Danemark)
MP : En fait… on a l’habitude de tirer des grosses équipes ! On a plus de 4 mois pour se préparer et le groupe se connaît bien. On part en stage à La Manga, en Espagne, du 16 au 23 février pour affronter la Norvège deux fois, je crois. Et l’Italie, on les a battu sur nos deux dernières rencontres et on sait déjà qu’elles ne sont pas faciles. Il faut qu’on passe le premier tour, pour l’instant, c’est ce qui nous manque en compétition internationale. On est super motivées, pour certaines, ce sera peut-être le dernier gros rendez-vous et…
SF : tu penses déjà à la retraite ?
MP : non ! mais je sais que, quand je raccrocherais, je ne veux pas avoir de regrets…
SF : Tu as déjà pensé à l’après-foot ?
MP :… bon, là, déjà, je me suis mise à la guitare ! On verra bien pour le reste après… un ou deux titres !
Quizz : réponses aux questions posées dans So Foot Cinq meilleures joueuses mondiales : Sun Wen (Chinoise, retraitée, élue joueuse du siècle), Michelle Ackers (américaine, retraitée) Mia Hamm (retraitée), Birgit Prinz (semi-retraitée), Marta (Brésilienne, l’avenir du football féminin. Joue en Suède)
Club vainqueur de la dernière coupe d’Europe : Umea (ou Ulmer), vainqueur de Francfort 5-0Club où joue Marta : Umea (ou Ulmer) (Suède)
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