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Il y a 20 ans, l’OM jouait son maintien à Sedan

Par Simon Butel
Il y a 20 ans, l’OM jouait son maintien à Sedan

Le 13 mai 2000, au terme d'une saison éprouvante, l'Olympique de Marseille, pourtant vice-champion de France, finaliste sortant de la Coupe de l'UEFA et candidat au titre, débarquait à Sedan la trouille au ventre à l'occasion de la 34e et dernière journée de Division 1. En jeu, sur la pelouse du stade Émile-Albeau, aujourd'hui rasé du paysage ardennais : le maintien en première division, finalement arraché dans la douleur, grâce à un nul poussif (2-2) et deux petits buts de plus que l'AS Nancy-Lorraine. Retour, vingt ans plus tard, sur l'équivalent marseillais du Sochaux-PSG de 2008.

Sedan 2-2 Marseille

Buts : Verschuère (34e) et Huard (90e) pour les Sangliers // J. Leroy (45e) et Bakayoko (72e) pour l’OM

Casting : Bernard Casoni : Entraîneur de l’Olympique de Marseille du 25 novembre 1999 au 30 juin 2000, aujourd’hui libre après son départ du Mouloudia d’Alger en décembre dernier. Stéphane Dalmat : Milieu de terrain, 43 matchs avec l’OM en 1999-2000, retiré des terrains depuis 2012 et une dernière pige de trois semaines en Ligue 2 à Nîmes. Nicolas Sachy : Gardien de but des Sangliers de 1996 à 2002, vice-champion de D2 et finaliste de la Coupe de France en 1999, aujourd’hui à la tête du bar-ambiance Le Rétro à Charleville-Mézières (Ardennes). Luis Satorra : Défenseur central et capitaine du CSSA, où il a évolué de 1997 à 2002, aujourd’hui expatrié aux States, où il est responsable de la formation du Wake Futbol Club, en Caroline du Nord. Fabien Brandes : 16 matchs en D1 dans l’entrejeu sedanais entre 1999 et 2001, aujourd’hui entraîneur de l’US Bazeilles (R3 Grand Est).


Prologue

Stéphane Dalmat : Sur le papier, on avait une équipe pour gagner le titre. Mais la mayonnaise n’a pas pris, et entre le changement d’entraîneur, la crise avec les supporters et le départ de Laurent Blanc…

Bernard Casoni : C’était une saison plus que galère. Il a fallu gérer l’après-Courbis, mais aussi certains joueurs par rapport à son discours. Rolland pensait que j’avais fait les choses derrière son dos. C’est faux. J’étais bien à la formation et j’y serais volontiers resté.

J’étais en partie venu pour Courbis. J’en voulais un peu à Casoni d’avoir pris sa place. Quand on a appris que ce serait lui, on l’a pris pour un traître. Je pense qu’il lui a savonné la planche.

SD : J’étais en partie venu pour Courbis. J’en voulais un peu à Casoni d’avoir pris sa place. Quand on a appris que ce serait lui, on l’a pris pour un traître. Je pense qu’il lui a savonné la planche. Son discours n’est pas passé avec moi.

Nicolas Sachy : L’OM avait pourtant fait un bon début de saison. Les voir jouer le maintien à Sedan lors de la dernière journée, c’était un comble, surtout qu’à l’aller, on prend 3-0 et que ça aurait pu être pire. Mais à l’aller, on découvrait la Division 1. Jouer votre premier match au Vélodrome, vous imaginez…

Fabien Brandes : Débuter au Vélodrome, ce n’était pas un cadeau. Les trois quarts de l’effectif disputaient leur premier match en D1. On n’avait pas été mal accueillis par les supporters : on était la petite équipe inconnue, le petit promu. On se demandait ce qu’on foutait là, à vrai dire ! L’objectif, c’était de ne pas prendre une casquette.

Rolland pensait que j’avais fait les choses derrière son dos. C’est faux. J’étais bien à la formation et j’y serais volontiers resté.

Luis Satorra : Il y avait une grande différence sur le papier, mais il ne faut pas oublier que l’année précédente, Sedan avait fait une très grosse saison en D2 et joué une finale de Coupe de France contre Nantes. Mais on était un peu dans l’inconnu. Nous voir perdre 3-0 au Vélodrome, c’était normal pour beaucoup de personnes. On a tout de suite compris qu’on aurait beaucoup de travail pour rester en D1, et que pour pouvoir jouer dans la cour des grands, il fallait apprendre, et vite.

FB : Sur le terrain, il n’y a pas eu photo. Mais après ce match, on s’est dit qu’on n’avait rien à perdre et qu’il y avait quelque chose à faire. Nos situations avec l’OM se sont progressivement inversées. Au début, on était l’équipe surprise, mais on a enchaîné les résultats et on a confirmé toute l’année. Qui l’eut cru ? On jouait avec nos valeurs et on était vraiment chiants à jouer. On n’avait pas de pression particulière et on se faisait tous confiance. Il y avait une forme d’insouciance. On n’avait peur de personne. Surtout pas à Émile-Albeau, où l’ambiance était extraordinaire. Petit stade, petits vestiaires… Pour toutes les équipes,

On n’avait peur de personne. Surtout pas à Émile-Albeau, où l’ambiance était extraordinaire. Petit stade, petits vestiaires… Pour toutes les équipes, ça sentait le traquenard.

ça sentait le traquenard.

NS : Marseille nous faisait moins peur au retour. Il faut dire qu’ils n’avaient pas la même équipe qu’à l’aller.

BC : Au départ, j’avais beaucoup d’attaquants, mais Flo Maurice s’est blessé, Dugarry et Ravanelli sont partis au mercato, et je me suis retrouvé sans avant-centre à la trêve. C’est là que la saison a vraiment basculé.

SD : Quand vous perdez Duga et Ravanelli… Avec tout le respect que je lui dois, Cyrille Pouget, ce n’est pas le même calibre.

BC : On faisait de bons matchs et on aurait mérité mieux, mais ça manquait de fluidité. Et il y avait tellement de problèmes, de freins… Chaque semaine il se passait quelque chose : la tentative d’envahissement de terrain contre Lens (1-2, 20e journée), l’expulsion des deux Leroy (le Marseillais Jérôme et le Parisien Laurent) contre Paris (4-1, 27e j.), la bagarre avec Gallardo contre Monaco (4-2, 30e j.)… Il s’est aussi passé des trucs à la Commanderie, comme l’histoire de la voiture brûlée. Comme j’étais au club depuis neuf ans (cinq comme joueur, quatre comme éducateur), je n’avais aucun problème avec les supporters. Mais c’était un champ de mines.

SD : À l’époque, les supporters étaient très chauds. Ce contexte-là ne facilitait pas l’épanouissement, le retour de la confiance. Il y avait quand même des joueurs d’expérience, mais peut-être que des mecs comme Eric Roy ou Daniel Bravo, partis durant l’été, auraient apporté un plus.


Avant-match

NS : Pour l’OM, devoir faire un match nul à Sedan, c’est le monde à l’envers. Quand on regarde les villes, les palmarès… Dans l’absolu, ce n’est pas normal. Ils avaient une pression pas possible. Si on les battait, ils descendaient.

FB : Plus le match approchait, plus les médias en parlaient. L’OM qui joue le maintien chez nous, c’est surréaliste.

BC : J’ai passé une dernière semaine très sereine, par rapport au travail effectué avec Christophe (Galtier, son adjoint) et Cyril (Moine, le préparateur physique). Je me disais : « Si on descend, c’est qu’on doit descendre, si on se maintient, c’est qu’on doit se maintenir. » Ce n’était pas forcément facile pour les joueurs, mais comme moi, j’étais serein, ils étaient sereins.

LS : On était déjà assurés du maintien. Mais quand tu joues un match, c’est pour le gagner, sans te préoccuper de savoir si l’équipe en face est en danger ou pas. Et puis, on avait la possibilité de qualifier le club pour une coupe européenne.

NS : Pour nous, ce n’était pas le match le plus important de l’année. Mais on ne jouait pas en fonction des adversaires. On faisait toujours tout pour gagner. Donc l’OM faisait simplement partie de ces équipes qu’il fallait battre, au même titre que Le Havre par exemple.

LS : À la maison, on avait quand même battu Lyon (2-0, 13e journée) et Monaco (2-1, 32e journée), le futur champion de France, et fait match nul contre Paris (1-1, 20e journée).

SD : Ce n’était pas plus mal de jouer notre maintien à l’extérieur. Au Vélodrome, on était un peu tétanisés. On appréhendait la sortie du stade : est-ce que la voiture allait être cassée ? Est-ce qu’on allait se faire agresser ?

FB : On s’est dit : « Putain, si on les bat, ça va être terrible. » Mais on était là pour voir l’Europe, pas pour faire descendre l’OM. L’un n’allait pas sans l’autre, mais on était plus axés sur nous.

BC : Je n’ai jamais douté. Dans la semaine, j’avais été sollicité par toutes sortes de marabouts, des gens qui me disaient qu’ils pouvaient nous faire gagner le match, mais je leur disais : « Je n’ai besoin de personne. » Je savais qu’on était dans le vrai.


Coup d’envoi

FB : Ce match, on l’a pris comme une finale. On voulait aller chercher quelque chose.

BC : Sedan avait un gros collectif, avec de grandes qualités footballistiques et morales. Après, il ne fallait pas se prendre la tête non plus. Je me suis concentré sur notre projet de jeu. Tout ce qui pouvait nuire, je l’ai laissé de côté. Dans le choix des hommes et les choix tactiques, je ressentais beaucoup de sérénité. Cette semaine-là, tout était fluide. Titulariser Stéphane Trévisan dans les buts était un choix fort, mais il faisait partie de mes certitudes et m’a donné raison. Idem pour Abardonado, que j’avais lancé pendant la saison : il avait peut-être moins de qualités que d’autres, mais il avait un cœur énorme et il aimait le club.

FB : Il y avait de sacrés joueurs en face. Pirès, Pouget, Bakayoko, Luccin, Jérôme Leroy, Dalmat…

Sur le terrain, on sentait qu’ils avaient peur. Casoni était tendu. Je les imaginais mal rentrer à Marseille, relégués après avoir perdu à Sedan…

BC : Je n’étais pas venu pour bétonner et jouer le nul, mais pour être costaud défensivement et marquer des buts. Mais dans la tête des joueurs, ce n’était pas évident : « Est-ce qu’on attaque ? Est-ce qu’on défend ? »

NS : Sur le terrain, on sentait qu’ils avaient peur. Casoni était tendu. Je les imaginais mal rentrer à Marseille, relégués après avoir perdu à Sedan…

FB : Ils étaient très tendus, très crispés.

BC : L’enjeu, c’était de garder notre organisation et notre sérénité. (Sur le but du 2-1 de Bakayoko) Avec Ibra’, ça n’a pas toujours été facile. Au début, il passait après Dugarry, Maurice et Ravanelli. Il a du être frustré, mais on ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Le fait qu’il marque ce but, ça montre qu’il n’a pas lâché, mais aussi que je ne l’ai pas lâché.

FB : Comme d’hab’, il y avait une super ambiance à Albeau, où on était capables de tout renverser. Ils ont dû serrer les fesses dans les dernières minutes, après l’égalisation de Laurent Huard à la 90e minute. Mais il n’y avait pas autant d’arrêts de jeu qu’aujourd’hui. (Rires.)

BC : Les joueurs ont tout donné et ont fini exténués. Dans le dernier quart d’heure, un mec comme Pat’ Blondeau n’avait plus de jambes ! C’était pourtant quelqu’un de costaud. Les émotions ont dû prendre le dessus.


Coup de sifflet final

BC : En cas de défaite, le retour à Marseille aurait été très chaud.

SD : Si on avait joué au Vélodrome, je ne sais pas si on aurait fait match nul. C’était déjà compliqué à Sedan : pas mal de Marseillais étaient venus. À la mi-temps, on se demandait : « Si on descend, comment ça va se passer dans 45 minutes ? » C’est humain.

FB : Pour eux, c’était vraiment un soulagement. Pour l’anecdote, à part Blondeau, aucun Marseillais n’a voulu échanger son maillot ! Un petit maillot de l’OM, ça aurait fait plaisir ! Ils se sont sans doute dit : « Allez, on remballe et on tourne la page. »

BC : C’est un grand souvenir, un moment positif dans une saison difficile. J’ai vraiment été satisfait du comportement des joueurs. Dans le vestiaire, il y avait un sentiment du devoir accompli. On avait souffert tous ensemble et c’était un bon résumé de notre saison.

NS : Tout le monde était content à l’arrivée. Au fond, on n’aurait pas aimé envoyer Marseille en D2.


Épilogue

BC : C’est un match qui est resté important pour moi. Il y a eu beaucoup de choses à gérer, mais les joueurs ont été costauds et ont répondu présent, et c’est tout à leur honneur. Ça a été six mois d’apprentissage du métier intenses, où tous les coups étaient permis, et ils étaient nombreux. Mais on a su faire front.

Avec une victoire, on aurait été européens, mais la Coupe Intertoto était déjà une très belle récompense. Et pour être honnête, Marseille en Ligue 1, c’est toujours mieux que Marseille en Ligue 2…

LS : Avec une victoire, on aurait été européens, mais la Coupe Intertoto était déjà une très belle récompense.

FB : Aller chercher l’Europe, ça aurait été fabuleux. Après, on aurait causé la descente de l’OM, et ça aurait fait grand bruit.

LS : Et pour être honnête, Marseille en Ligue 1, c’est toujours mieux que Marseille en Ligue 2, et en tant que joueur, c’est toujours mieux d’aller jouer au Vélodrome, un stade mythique avec une très belle ambiance, que dans un petit patelin.

NS : Un club comme Marseille peut apporter beaucoup plus au foot français sur le long terme qu’un club comme Sedan, notamment à l’échelle européenne. On aurait été heureux de les battre, mais malheureux de voir l’OM descendre. Ils en auraient peut-être encore des séquelles aujourd’hui.

SD : Une descente en D2 aurait été une grosse tache sur notre CV. Faire partie de l’équipe qui ne s’est sauvée qu’à la dernière journée n’est déjà pas terrible, alors faire partie de celle qui a fait descendre un club comme l’OM, ça aurait été très compliqué. Même s’il y a eu de bons moments, en particulier en Coupe d’Europe, je suis sorti vraiment usé de cette saison, et il était préférable de partir. Je n’étais pas forcément demandeur, mais puisque j’y étais un peu forcé, je n’ai pas trop réfléchi avant d’accepter la proposition du PSG.

BC : Une descente aurait été catastrophique pour tout le monde au club. Sept ans avant, tu gagnais la Coupe d’Europe… mais un effectif ne suffit pas, il faut une ligne directrice. J’ai été démis de mes fonctions, mais j’ai fait mon travail, en dépit de beaucoup de paramètres extrasportifs.

SD : Pour moi, tout est parti du changement d’entraîneur. Avec Rolland, on n’aurait peut-être pas été champions, mais on aurait limité les dégâts.

Dans cet article :
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Par Simon Butel

Tous propos recueillis par SB

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