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« Il faut tuer d’entrée l’engouement irlandais »

Propos recueillis par Kevin Charnay
6 minutes
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Maxime Blanchard, joueur des Shamrock Rovers, côtoie des Irlandais tous les week-ends sur les terrains de foot. Et selon lui, il va falloir que l’équipe de France les mate d'entrée pour obtenir son ticket pour les quarts de finale.

Cela fait maintenant un an et demi que Maxime Blanchard, normand de naissance, joue en Irlande aux Shamrock Rovers. À Dublin pendant l’Euro, il sera sûrement à la fan zone pour supporter les Bleus, au beau milieu de milliers d’Irlandais déchaînés. Même s’il est tombé amoureux de son pays d’adoption, ça ne l’empêche pas d’être persuadé que la France va s’imposer. Infiltré chez l’ennemi d’un match, il délivre ses clés pour vaincre un adversaire qu’il connaît sur le bout des doigts.


Tu y croyais, à cette victoire de l’Irlande contre l’Italie, à la qualification pour les huitièmes ?

Ouais, clairement. Quand tu sais que l’Italie était déjà sûre de terminer première, qu’ils allaient sûrement mettre l’équipe bis… Et puis, l’Irlande avait l’opportunité d’entrer dans l’histoire. Vu les premières minutes, je me suis dit qu’ils étaient bien rentrés dedans, ils n’ont pas joué la peur au ventre, sans se soucier que ce soit l’Italie bis. Je savais qu’ils auraient une ou deux occasions. Du moment qu’ils n’encaissaient pas de buts avant la soixantième, il y avait forcément quelque chose à jouer. En tout cas, tout le monde y croyait ici.

En France, quand on parle de l’Irlande, on pense tout de suite à une bande de gros bourrins, qui balancent devant, qui taclent et qui courent de partout.

Bon, moi, je ne joue pas contre les mecs qui vont affronter la France puisqu’ils jouent tous en Angleterre. Mais si je parle de mon expérience, je trouve qu’il y a plus de volonté de jouer chez les Irlandais que dans les divisions inférieures anglaises par exemple. Après, il ne faut pas se leurrer, c’est comme ça qu’ils vont gagner des matchs, les Irlandais. En ayant cet engagement et cette passion que d’autres équipes ne peuvent pas forcément avoir. La passion est exacerbée chez eux par rapport aux autres nations. Je pense que l’Irlandais est encore plus fier de représenter son pays que certaines autres nations. Sur ce registre-là de passion, de rythme, d’engagement, je pense qu’ils peuvent battre n’importe qui si le match se déroule bien.
Si on fait péter le verrou très tôt, ça peut faire comme contre la Belgique, ils concéderont pas mal d’occasions

Selon toi, comment on doit faire pour les battre ? On accepte leur défi physique ou on essaie de le contourner ?

Je pense que la France aujourd’hui, surtout offensivement, a largement de quoi contourner et annihiler cette espèce d’engouement. Si tu leur confisques complètement le ballon, tu les fais toujours courir après la balle, tu ne leur permets pas d’avoir d’occasion, ce sera dur de garder cette volonté. Il faut se créer occasion sur occasion et marquer assez tôt pour tuer cet engouement. La manière de les battre, c’est de gagner la bataille du milieu de terrain tout de suite, et de leur mettre la pression tout de suite. Il ne faut pas avoir peur, et être très offensifs dès le début.

Il va falloir faire péter le verrou très vite, quoi.

C’est sûr, on a des atouts beaucoup plus importants que l’Irlande. Alors, il faut leur montrer tout de suite, ne pas les laisser s’installer dans le match. Il faut les surprendre en étant, nous aussi, très agressifs d’entrée. Contre la Suisse, on a plutôt bien entamé en tapant la barre assez tôt. Là, il faut faire pareil, avec encore plus de volonté. Il faut mettre la pression sur les défenseurs, leur faire comprendre qu’ils vont galérer contre Payet et Griezmann, le tout avec un milieu de terrain complètement dominateur. Si on fait péter le verrou très tôt, ça peut faire comme contre la Belgique, ils concéderont pas mal d’occasions.
Durant le match de 2009, ils avaient été largement meilleur que la France.

Ce sera quoi, le danger numéro un côté irlandais ?

Les coups de pied arrêtés, indéniablement. Ça va être crucial. Robby Brady, celui qui a marqué contre l’Italie, a un sacré pied gauche et il est capable de donner de super ballons sur phase arrêtée. En plus, c’est un héros maintenant, il entre dans les bouquins d’histoire ici. Les Irlandais vont tout miser là-dessus. En défense centrale, s’il joue, Duffy est un grand gaillard et gagne énormément de duels de la tête. Durant l’Euro, ça s’est pas encore trop vu, mais durant les matchs de qualifications et les matchs amicaux contre les Pays-Bas par exemple, ils étaient excellents sur coups de pied arrêtés. Les ballons étaient super bien donnés, et ça attaquait très bien les ballons dans la surface. Il se créent énormément d’opportunités comme ça. En plus, nous, on est un peu fragiles dans ce domaine. Sinon, il faut aussi se méfier de Shane Long. En Premier League, il est chiant à manœuvrer (rires). Il est rapide, il peut jouer seul devant et partir dans le dos de la défense, comme il avait fait contre l’Allemagne en qualifications. Il va courir partout, il va presser. Koscielny le connaît bien, puisque Arsenal a perdu contre Southampton cette année, et ils avaient eu du mal à défendre contre lui. Et puis Wes Hoolahan est capable de bien combiner avec lui, et de créer des choses intéressantes avec peu de ballons. C’est ces trois-là qu’il faut surveiller.

Ce match-là, c’est aussi une revanche pour les Irlandais surl’épisode de la main de Thierry Henry. Ils t’en parlent encore à toi qui es français ?

Non, parce qu’ils ne sont pas trop comme ça. Mais là, forcément, vu que c’est le remake, y aura un vrai côté revanchard. Sur ce match, ils avaient été largement meilleurs que la France. Ils méritaient de gagner, même avant la prolongation. C’était une qualif’ en Coupe du monde en plus. Donc, ils risquent d’être encore plus motivés (rires). Et puis, ils ont déjà cette décontraction, cette décomplexion d’avoir rempli le contrat en se qualifiant pour les huitièmes. Ça sera une belle fête dans les tribunes, ils ne sont pas forcément rancuniers.

Rapidement, le scénario parfait et le scénario catastrophe ?

Ce qui m’inquiète juste, c’est un peu défensivement. Même quand on est en contrôle complet, on concède une ou deux occasions. Si on prend un but et qu’on les laisse espérer, ça va vite être super compliqué. À partir du moment où ils ont une dynamique, la passion et la fierté seules va leur permettre d’aller chercher un résultat. Ça, ce ne serait vraiment pas bon. Et le scénario parfait comme je te l’ai dit, c’est de marquer tôt. Les étouffer, faire entrer Coman ou Martial pour leur mettre un coup de plus au moral et faire le break. Match plié, emballé c’est pesé. En plus, si on marque vite, on aura même quelques contres à négocier, et là dessus, on est très fort.
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Propos recueillis par Kevin Charnay

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