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Hatem Ben Arfa : Entretien

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Hatem Ben Arfa : Entretien

On parle énormément de Karim Benzema. Et un poil moins de Hatem Ben Arfa. Le premier marque comme il respire, le second est catalogué artiste. Un qualificatif qui ne va pas mal à cet amoureux du jeu, lui qui clame son admiration pour un petit gros génial.

C’était un jeudi pas aussi calme que d’habitude à Tola Vologe. Lyon devait se déplacer au Mans pour un match de cette Ligue 1 à 668 barres deux jours plus tard, mais tous les journalistes présents s’en carraient comme de leur première pige. Alain Perrin avait beau leur parler du championnat, les plumitifs n’en ont que pour le Lyon-Manchester United du 20 février prochain. Avant lui, Karim Benzema était venu s’exprimer sur la sale blessure de Ronaldo, son idole. Et comme son entraîneur, Hatem Ben Arfa avait vainement tenté de faire passer Le Mans avant les Red Devils. Bien essayé quand même…Après avoir répondu à des médias barcelonais, Ben Arfa avait demandé s’il pouvait aller manger à la cantine du club, juste en face de la salle de presse, et faire l’interview ensuite. Accordé. Un quart d’heure plus tard – l’expérience des repas pris lors des mises au vert sans doute – l’attaquant lyonnais s’était pointé, détendu. Avait posé aussi des questions à son interlocuteur. Et pendant ce temps, au rez-de-chaussée, Perrin continuait à vendre du Mans…

Diego Maradona était votre idole. Pourtant, vous n’étiez pas encore né qu’il se défonçait depuis longtemps à la coke… On me dit souvent cela, que c’est étonnant d’admirer un joueur qui a mis un terme à sa carrière il y a déjà plusieurs années…C’est vrai que je ne l’ai vu quasiment qu’en vidéo. Je me rappelle de ses buts avec l’Argentine pendant la Coupe du Monde 1986, de ses matches avec Naples. Mais chez lui, on voyait que le football était une fête. Qu’il était sur un terrain pour se faire et faire plaisir. C’est un joueur qui a commencé dans la rue, en Argentine, et même au plus haut niveau, il a su garder cette part d’improvisation. C’était un génie, le talent à l’état pur…C’était le plus grand ! Et efficace en plus, car il savait aussi marquer. J’avais des posters de lui dans ma chambre. J’aimais beaucoup également le Néerlandais Johan Cruyff, et aussi l’Anglais Chris Waddle. C’étaient des footballeurs hors norme.

Vous n’avez rien de plus récent ? Si. J’aime beaucoup Kaka. Lui aussi est un joueur instinctif et créatif.

Revenons à Maradona. Il a d’abord appris le football dans la rue. Vous aussi. Ceux qui sont passés par le bitume ou les terrains vagues ont-ils davantage de chances de développer une meilleure technique ? Sans doute. On joue sur des surfaces qui ne sont pas toujours en bon état. Il faut savoir apprivoiser les caprices du terrain et du ballon. On joue aussi parfois sur des petits périmètres. Le nombre de joueurs n’est pas toujours le même. J’ai sans aucun doute amélioré mon dribble dans la rue. Je me souviens que j’essayais parfois de reproduire les gestes des grands joueurs que je voyais à la télé.

Dans la rue, on peut aussi prendre de mauvais réflexes. En général, c’est tout le monde devant, et on laisse les deux gros derrière se démerder… (Amusé) C’est un peu vrai. J’ai sans doute pris quelques mauvaises habitudes en jouant dans la rue. Qu’il a fallu gommer un peu plus tard, d’abord à Clairefontaine, puis au centre de formation de l’OL. Et encore maintenant, d’ailleurs. Le dribble de trop, le crochet de trop, par exemple. On me l’a parfois reproché, j’en suis conscient. Pas trop à Clairefontaine, où on me disait de jouer comme je savais le faire. Mais davantage au centre de formation de l’OL.

Le dribble, c’est un peu votre péché mignon… Oui. J’adore ça. Quand j’étais gamin, c’est ce que j’aimais le plus. Faire des petits ponts aussi. Avec les années, j’ai compris qu’il fallait parfois éviter le geste de trop. Je m’enflamme parfois un peu moins. Mais je crois que j’ai su conserver ce côté instinctif. Je sais aussi que je passe souvent pour un individualiste. J’ai compris qu’il fallait que je progresse. Que je sois plus efficace, parce qu’il y a des enjeux énormes dans le football. Vous savez, quand je regardais des matches à la télé, je disais que je voulais un jour jouer au plus haut niveau. J’ai concrétisé mon rêve. Et pour moi, le football reste avant tout un jeu et un magnifique spectacle. Là, on affronte Manchester United. Pourquoi devrait-on avoir peur ? Au contraire. On affronte des grands joueurs qui forment l’une des équipes qui jouent le mieux en Europe. C’est pour disputer des matches comme celui-là que je suis heureux de faire ce métier.

Vous êtes gaucher, mais pas manche du pied droit. Ca vient aussi de la rue ? Non. J’ai commencé à le faire pendant ma formation. Et je continue. Comme je continue à travailler tous les jours les fondamentaux : passes, contrôles. Et je sais aussi que je dois travailler mon jeu de tête.

On vous catalogue artiste. Ce n’est pas trop lourd à porter ? Mais nous sommes tous des artistes ! Le football est un spectacle et tous ceux qui participent à un spectacle sont des artistes. Nous sommes là pour procurer des émotions aux gens qui viennent nous voir. Et aussi pour nous faire plaisir. J’aime marquer bien sûr, mais faire marquer est également un vrai bonheur.

Tous artistes ? Certains plus que d’autres, non ? Je ne revendique pas ce terme. Je suis juste un amoureux du ballon, un passionné du football.

Très jeune, on a mis en évidence votre potentiel, en faisant de vous une future star. Est-ce que cela vous a perturbé ? Oui. J’ai même parfois été débordé. On se laisse un peu griser par ses amis, sa famille, les journalistes. J’étais très jeune et je n’avais peut-être pas les épaules pour gérer tout ça. Depuis, j’ai un peu fait le ménage autour de moi, en ne me concentrant que sur mon métier et sur mon jeu. Je fais davantage attention à la récupération, à la diététique, aux séances d’abdos. C’est chiant, mais nécessaire !

Ce n’est pas trop frustrant de devoir parfois sacrifier un beau geste au nom de l’efficacité ? Un peu. Mais attention : je reste un compétiteur. J’aime gagner, et j’ai bien compris que le beau geste ne payait pas toujours. Le collectif est le plus important. Mais même si je dois effacer certains défauts dans mon jeu, je n’oublie pas les notions de spectacle et de plaisir. Et on peut gagner en jouant bien, non ?

A Lyon, c’est Alain Perrin qui vous a vraiment donné votre chance. Parce qu’il a compris votre jeu ? Je ne pense pas qu’il s’agisse de la seule explication. C’est exact, Alain Perrin me fait jouer très régulièrement. Les saisons précédentes, je n’étais pas titulaire. Et si je joue davantage, c’est aussi parce que Florent Malouda est parti à Chelsea ! J’étais tout de même barré par un très bon joueur. Je crois en fait que les choses se sont faites naturellement. J’ai progressé dans mon jeu, et le coach me fait confiance.

C’est surtout avec Karim Benzema que vous entretenez une relation technique haut de gamme… Avec Karim Benzema, bien sûr. On se connaît depuis plusieurs années et le centre de formation de Lyon. Je suis arrivé de Clairefontaine alors qu’il était déjà là. On s’est rapidement bien entendu. Les automatismes sont venus très vite et naturellement, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Mais je m’entends bien également avec Mathieu Bodmer et Juninho.

Et avec Grosso, ça n’a pas été trop difficile au début ? Car il est tout de même plus milieu de terrain que défenseur…Il n’était pas du genre à venir becqueter dans votre assiette ? Comme c’est un joueur qui attaque beaucoup, il a fallu se parler pour que nous évitions de trop nous marcher dessus. Au début, ce n’était pas évident. Mais depuis plusieurs mois, on se comprend très bien dans le jeu.

Parlez-nous de Karim Benzema… C’est un buteur d’instinct. Il est capable de marquer dans n’importe quelle position. Il a une très bonne technique, il est rapide et on l’a vu marquer des buts d’assez loin, ce qui prouve la qualité et la soudaineté de sa frappe de balle. Prenez son second but face aux Glasgow Rangers (3-0). Sa frappe, personne ne l’avait vue venir !

En France, on débat sur tout. Et notamment sur l’attaque des Bleus. Alors, Benzema avec Henry, qui a un profil comparable ? Ou avec Anelka, qui aime davantage jouer dans les pieds ? Les deux options peuvent être intéressantes. Avec Henry, il pourrait être le deuxième attaquant. Karim aime bien partir de loin, plonger sur les côtés, peut-être un peu moins que Thierry, et il est rapide comme Henry. Avec Anelka, je le verrais bien en premier attaquant, avec Nico derrière lui. Karim est plus buteur que Nicolas Anelka. De toute manière, faire jouer ensemble les grands joueurs ne doit pas être un problème.

Benzema-Ben Arfa, c’est la future attaque de l’équipe de France ? Ouh là ! Il est encore trop tôt pour le dire…

Alexis Billebault, à Lyon

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