Paul-Georges Ntep est-il trop médiatisé ?
On n’est jamais trop médiatisé. La médiatisation, c’est un genre de récompense. Et puis, c’est un bon client. S’il répondait : « Voilà, on a bien attaqué aujourd’hui, voilà, on est contents des trois points, voilà, on va continuer à travailler » , on ne lui tendrait pas sans arrêt le micro à la sortie des matchs. Il y a des joueurs tellement médiocres dans l’expression, que vous ne pouvez pas les interroger.
Est-ce que cet amour du dribble, ce plaisir qu’il prend à humilier ses adversaires peuvent lui causer des problème ?
Au début, il avait tellement de facilités, qu’il s’amusait à donner des tours de rein aux arrières. Il a ensuite manifesté son intelligence, avec l’aide de Bernard Casoni, en comprenant que les dribbles sont faits pour passer le défenseur et mettre l’équipe adverse en difficulté. Il avait, par exemple, un crochet meurtrier, inarrêtable : feinte de démarrer, et démarrage côté gauche sur son pied droit, suivi d’une frappe en lucarne. Et cela marchait huit fois sur dix. Avec Bernard Casoni, on lui a dit de passer à gauche de temps en temps. Comme ça, l’arrière ne saura jamais quel côté il choisira. Maintenant, il va indifféremment tout droit, c’est-à-dire à gauche, ou dans l’axe avec son crochet intérieur. Et quand il va à gauche, il fait de jolis centres en retrait. Il a un jeu très varié, maintenant. Il peut aussi pénétrer pour chercher le une-deux avec Abdoulaye Doucouré. Et puis, c’est le joueur le plus rapide sur 10 mètres du championnat de France. À Auxerre, nous n’avions pas vu de joueur plus rapide que lui depuis Djibril Cissé.
Vous comprenez que ses grigris puissent énerver les défenseurs ?
J’en ai eu des dribbleurs, hein ! Le gars qui marquait Cocard ou Vahirua… Ou même Ferreri, que j’ai eu au même âge que Ntep. Ferreri, il était prodigieux. À 18 ans, il disait à table : « Bon, les gars, je vais vous gagner le match. Garande et Szarmach, je vais vous donner un caviar chacun. » Et il le faisait ! Cette saison, Garande a fini meilleur buteur du championnat, et Szarmach deuxième, à égalité avec Onnis. Et Ferreri, meilleur passeur, ex-æquo avec Sušić. Les ailiers qui débordent en allant vite, les défenseurs n’arrivent pas à les choper.
Ils ne se mettent pas tous à genoux pour marquer de la tête…
C’est un truc de gamin. C’est fabuleux. On fait ça dans un 8-8 à l’entraînement le mercredi. Je n’ai jamais vu personne le faire en championnat de France ou en Ligue des champions. Ce n’est pas bien, il ne faut pas le refaire, mais ça m’a amusé, c’est insolent. Qu’il ait eu envie de le faire, c’est formidable. Cela veut dire qu’il a le sens de l’humour, qu’il prend du plaisir.
À quel avenir est-il promis ?
Champion du monde. Ou au moins membre de l’équipe de France. Il peut faire comme Griezmann, surgir. C’était le meilleur joueur de l’équipe de France espoirs, au-dessus de Thauvin et les autres. À Auxerre, il dominait la deuxième division. Les adversaires auraient pu mettre deux numéros 2. Un 2, et un 2 bis. Cela l’aurait arrangé, il se serait amusé à passer entre les deux.
À Auxerre, comment le club a réagi lorsqu’il a eu ses problèmes judiciaires (Ntep a été condamné à trois mois de prison avec sursis pour des violences sur son ex-compagne, en février 2014) ?
Cela n’a pas été médiatisé. Moins on en parle, mieux ça vaut. Le journal local a été très bien, cela n’est resté qu’un petit fait divers.
Et quand le procureur de la République dit qu’il a, dans le privé, « un comportement de véritable psychopathe » ?
Je ne connais pas bien la définition du mot « psychopathe » . Peut-être que le procureur était en pleine forme, ce jour-là. Ce n’est pas un violent. Sur le terrain, quand ça ne va pas, il repousse les gens. Il ne met jamais de coups.
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