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Claire Lelarge, enfin démarquée du cancer
Plus d’un an après avoir été diagnostiquée d’un lymphome de Hodgkin, Claire Lelarge a disputé ses premiers matchs en compétition, dont deux en tant que titulaire. À 31 ans, la milieu de terrain du LOSC (D2) prend une revanche sur la vie et revient plus affamée que jamais. Portrait.

Au Domaine de Luchin, son sourire illumine les quelques mètres carrés de pelouse, au cœur de la maison des Dogues. Difficile d’imaginer qu’un an et demi plus tôt, Claire Lelarge a été diagnostiquée d’un cancer. Sous le soleil nordiste, chanceux pour l’occasion, sa bonne humeur transpire. La trentenaire semble très à l’aise. « Je n’ai jamais été aussi en forme depuis que j’ai contracté la maladie ! », dit-elle en préambule. Si certains pourraient évoquer une certaine pudeur à raconter ce combat, Claire déroule son histoire.
« J’étais en train d’apprendre que j’allais mourir »
Sa vie a basculé en fin d’année 2023, seulement quelques mois après sa signature au LOSC. Les premiers symptômes sont brutaux et inquiétants. « J’étais tout le temps malade. Je ne pensais qu’à dormir. Je n’avais aucune énergie, je ne reconnaissais pas mon corps, rembobine-t-elle. C’était très compliqué, car le club avait des attentes, mais je n’avais pas les mots pour expliquer ce qu’il se passait. C’était la pire période de ma carrière. » Quelques jours plus tard, sa santé s’aggrave encore. Alors qu’elle passait le Nouvel An avec des amis, son corps était méconnaissable. « J’avais gonflé au niveau de la clavicule. Mon bras était bleu et avait triplé de volume. J’avais une énorme poche sous l’aisselle. »
Perdre mes cheveux, c’était l’étape la plus difficile. Me retrouver comme Barthez, c’était non !
Elle n’a plus le choix. Il faut consulter. La Sarthoise de 31 ans avance avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête et refuse de croire au pire. En attendant son tour aux urgences, elle entend une conversation entre infirmiers. « Ils parlaient d’une patiente jeune, sportive, qui allait mourir. Je regardais autour de moi, j’étais seule, j’étais en train d’apprendre que j’allais mourir. J’étais paniquée. » Les examens révèlent une masse de 7 centimètres de diamètre au niveau de sa poitrine. Le verdict tombe. Claire souffre d’un cancer des ganglions, désigné également sous le nom de lymphome de Hodgkin. Avec 200 matchs pros dans les jambes, et une hygiène de vie irréprochable, c’est le véritable coup de massue. « C’était tellement difficile à accepter, surtout quand on m’a dit que j’allais suivre une chimiothérapie lourde (six séances). Perdre mes cheveux, c’était l’étape la plus difficile, confie-t-elle. Me retrouver comme Barthez, c’était non ! »

Le match le plus difficile
Sur le terrain, Claire n’a jamais rien lâché. Dans chacun des clubs où elle est passée (Le Mans, Orvault, Saint-Malo, Nantes et aujourd’hui Lille), la milieu de terrain a toujours été reconnue pour sa hargne et son tempérament de guerrière. Du haut de son mètre 56, elle a décidé d’en faire autant face à la maladie. « Je souffrais tellement depuis des mois, que m’annoncer ce que j’avais m’a finalement libérée. Je me suis vite ressaisie pour me lancer dans un combat très long. » Et surtout, Claire ne s’est pas battue seule. Sa famille et ses amis ont évidemment été présents, mais le club semble aussi avoir joué un rôle primordial. « Lille est un club très familial. Je n’ai pas les mots pour décrire tout le soutien que j’ai eu. J’ai reçu un message du président (Olivier Létang, NDLR) qui m’a beaucoup touchée, expose l’ex-joueuse du FC Nantes. Mes coéquipières ont fait une cagnotte pour m’offrir la PS5 avec le jeu Call of Duty pour me venger du cancer. (Sourire.) » La vague de soutien a même dépassé ses attentes. Joueuses, clubs et un tas d’inconnus des quatre coins de l’Hexagone lui ont envoyé des messages pour l’aider dans cette épreuve difficile. « J’ai voulu répondre à tout le monde ! C’était très important pour moi. Je me suis mise en mode robot avec une seule issue possible : vivre ! ».
En match, je n’avais aucun automatisme avec les filles, car on ne se connaissait pas. Mais je n’ai pas le droit de me plaindre. Je me dois d’être sur le terrain, pas dans un lit d’hôpital.
Assurément le match de football le plus long de sa vie. Perte de poids, nausées, changements physiques, doutes, repères bousculés… le combat a été rude. Non sans mal, elle a fini par l’emporter après un an de lutte acharnée. Le 5 décembre 2024, la milieu de terrain du LOSC publie sur son compte Instagram : « Après 331 jours, 3 opérations, 6 cicatrices, 90h de chimiothérapie lourde, 20 séances de radiothérapie… il n’y a plus aucune trace de la maladie. » Libérée, délivrée ! « J’ai crié par les fenêtres quand le médecin m’a appelée ! J’ai pleuré de bonheur, j’avais réussi mon combat ! »
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Un an après avoir été diagnostiquée de la maladie, la native du Mans a enfin eu l’autorisation de retrouver les terrains. « J’ai la dalle ! » souffle-t-elle. Le préparateur physique du club devient son meilleur ami. Elle enchaîne six mois de réathlétisation, de course et de musculation pour se remettre d’aplomb. « Je suis repartie de zéro. Le plus difficile a été de récupérer le cardio, car il faut pouvoir enchaîner des courses à haute intensité. » Jusqu’au jour où on l’autorise à rechausser les crampons. Un moment de bonheur immense pour cette mordue du ballon rond. « J’étais un peu fofolle ! (Rires.) J’étais tellement euphorique que je courais partout. Techniquement, c’est vite revenu. Ça m’a fait du bien au moral. » Sans surprise, les repères collectifs ont nécessité un peu plus de temps. « En match, je n’avais aucun automatisme avec les filles, car on ne se connaissait pas. Mais je n’ai pas le droit de me plaindre. Je me dois d’être sur le terrain, pas dans un lit d’hôpital. »
Elle en mène, Lelarge
Comme un symbole, la combative Claire Lelarge a repris la compétition le 16 mars dernier face au Mans, son club formateur. Un détail qui n’en est pas un pour celle qui a quitté le club en 2016. « Il y avait beaucoup d’émotion. Mes parents avaient fait le déplacement, beaucoup de gens criaient mon nom. Tout était aligné pour que ce soit une belle journée. » En prime, les Lilloises ont gagné 2-1. Depuis mi-avril, Claire a postulé pour une place de titulaire à trois reprises, à Metz (4-2), contre Thonon-Évian (1-2) et Toulouse (3-5), en deuxième division.

Désormais, la milieu de terrain du LOSC regarde vers l’avant. Si elle doit encore ingérer des médicaments tous les jours et effectuer des prises de sang chaque mois, pour vérifier que son état est stable, Claire est férocement déterminée à retrouver son plus haut niveau. Et pas que. Elle souhaite aussi faire de son histoire un exemple de résilience. « Maintenant que je suis débarrassée de cette cochonnerie, mon objectif est de donner de l’espoir aux gens. Si par un mot ou une vidéo, je peux les aider à s’accrocher, je le fais. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir », raconte la n°19. S’engager dans une association de lutte contre le cancer n’est pas exclu. Pour l’instant, c’est trop tôt. « Une association m’a demandé d’être marraine, mais pour l’instant, je veux penser à moi et ma carrière. J’ai envie d’aider, mais je ne sais pas encore comment. Une fois que je serai totalement bien, j’y songerai. »
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Propos recueillis par LQ.
Photos : LOSC Medias.