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Grégoire Defrel : « D’abord, je suis arrivé en surpoids… »

Propos recueillis par Quentin Müller
7 minutes
Grégoire Defrel : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>D&rsquo;abord, je suis arrivé en surpoids&#8230;<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Passé d'un championnat district aux professionnels italiens, Grégoire Defrel vit sa fast life du côté de Cesena, avant-dernier de Série A, avec 8 points, devant Parme, 6 points, le club qui lui a tendu la main. Un drôle de parcours.

Tu projetais de faire quoi avant de partir à Parme ?

Je finissais un bac pro vente. J’aurais eu une vie peu passionnante, je pense.

Avant de partir en Italie, tu as joué à quel niveau en France ?

Je jouais dans mon quartier à Châtillon dans le 92, en district. J’avais 17 ans et je jouais avec les seniors. C’était juste histoire de faire du foot. J’avais pas vraiment l’ambition de faire carrière.

Comment tu en viens à débarquer à Parme ?

En fait, c’était un pote sénégalais qui s’appelle Badou Badji que je connaissais du quartier. Le gars avait le numéro de Malick Ba, un agent en Italie. Il l’a appelé et m’a mis en relation. Je ne me suis pas méfié, car c’est nous qui étions venus vers lui. Puis mon pote n’avait pas eu de galère, il avait joué une année en Serie B. Je trouvais ça cool, c’était l’aventure totale. L’essai devait durer trois jours. J’ai pris l’avion avec quatre jeunes Français qui, comme moi, partaient faire le test. Bien évidemment, c’était l’agent qui payait les frais. On a fait un petit match, puis il a retenu les meilleurs. Deux ont signé en Serie C à l’AC Monza, et moi à Parme.

Donc tu débarques à Parme, qui est en Serie A après n’avoir joué qu’en district. T’as dû tout apprendre, non ?

Clairement. D’abord, je suis arrivé en surpoids. Puis j’avais aucune condition physique. En fait, j’avais la condition physique d’un gars qui s’entraîne une fois par semaine en district. Tu sais ce que c’est la préparation italienne, hein. Le premier match amical avec les jeunes de Parme, je le joue sous 40 °C. J’ai pas tenu plus de 5 minutes.

Finalement, tu t’y es fait ?

Ouais, je suis rapidement monté avec les pros. J’en revenais pas, je jouais avec des mecs comme Crespo, Giovinco, Candreva, Džemaili. Ça change des darons.

T’as perdu ta bedaine ?

Ouais, d’ailleurs j’ai une anecdote. Quand mon père vient me voir pour la première fois quelques semaines après mon arrivée à Parme, il ne m’a pas reconnu. Il m’a dit : « Mais ils te donnent pas à manger ici ou quoi ? »

Les Alpes qui te séparent de ta famille, ça fout pas trop le blues ?

La première année, c’est sûr, ta famille et tes amis te manquent. Puis y a l’incertitude. Perso, j’avais pas signé de contrat. T’es nourri et logé dans leurs locaux, et t’as le président qui te lâche 500 euros d’argent de poche par mois, mais t’es encore loin de devenir pro. Après, je me suis jamais fait de film ou quoi, j’ai seulement pris ce qu’on me donnait. Les gens, mes coachs, me disaient que je pouvais faire carrière. Alors pourquoi pas ?
Les velines, c’est vrai que ça change des présentatrices françaises.

C’est comment un entraînement en Italie ?

Moi, comme j’avais juste eu des entraînements niveau district, au début j’étais totalement perdu. Tu te demandes : « Mais pourquoi je fais ça ? » C’est beaucoup de mouvements sans ballon, beaucoup de tactique. Tu te dis au début que ça sert à rien, puis au fil du temps, tu te rends compte que tu reproduis les schémas sur le terrain sans en avoir conscience. En fait, c’est fort.

Même chez les jeunes, vous bossez la tactique ?

En fait, c’est limite la base de leurs entraînements. Donc ouais, t’en as aussi chez les jeunes. Tous les jours, t’y as le droit.

Quelles sont tes premières impressions de l’Italie ?

J’ai été prêté dans les divisions inférieures. Du coup, tu croises toujours un Français. Alors t’es pas forcément super dépaysé. Après, au début, pour un étranger qui parle pas un mot d’italien comme moi, c’est un peu difficile de s’intégrer. Les Italiens sont spéciaux. Ils aiment être entre eux.

Et niveau nana ?

Ah, pour les meufs, la bouffe, et les belles voitures, tu fais pas mieux en Europe. Elles se méfient un peu des étrangers, mais bon quand t’es footballeur, c’est plus facile.

La télé italienne et ses velines, t’aimes bien ?

C’est vrai que ça change des présentatrices françaises. Mais moi, clairement, je regarde juste le foot à la télé, sinon elle reste éteinte.

Niveau langue, comment tu t’es débrouillé ?

Parme m’a envoyé dans une école pour apprendre. C’était une sorte de lycée international. J’y ai étudié 2-3 mois. Mais j’aimais pas trop, c’était l’usine, y avait trop de monde. En fait, au départ, l’italien, tu le comprends mieux que tu le parles. Puis au bout d’un certain temps, ça vient tout seul.

Qu’est-ce qui t’a frappé à Parme ?

Ils ont l’un des plus beaux complexes d’entraînement d’Italie. Puis, sur le parking, t’as les belles bagnoles. Quand t’es fatigué des entraînements tactiques, t’as juste à mater le parking. Les Lamborghini, Rang Rover, Ferrari. Ils adorent les Rang Rover ici.
Dans les stades en général, quand t’es de couleur et que tu fais une faute ou rate quelque chose, t’entends des cris de singe.

Pourquoi on t’a surnommé le « nouveau Ménez » ?

Ça a commencé chez les jeunes de Parme. C’est dû sans doute à mes dribbles et à ma vitesse. J’ai eu d’ailleurs la chance de le rencontrer en championnat. Avant le match, je lui avais demandé s’il voulait me filer son maillot. Comme on les a accrochés 1-1, il était un peu déçu du résultat. J’ai pris son maillot et j’ai préféré le laisser tranquille.

T’as appris un peu à cuisiner ?

Non pas vraiment. En revanche, on mange super bien au club. Perso, moi c’est pâtes matin, midi et soir. Cette année, on a un nutritionniste dans l’équipe. En début de saison, il a pris rendez-vous avec tous pour leur demander ce qu’ils mangeaient avant son arrivée et il nous a fait faire des tests musculaires à tous. Bref, il a fait du cas par cas. Il te conseille des trucs pour chez toi et te file des potions pour mieux récupérer.

Tu as eu des problèmes de racisme chez les jeunes ou en Serie B et A ?

Dans les stades en général, quand t’es un joueur de couleur et que tu fais une faute ou rate quelque chose, t’entends des cris de singe. Je fais pas attention perso, je baisse la tête et continue à jouer. Le principal, c’est que dans la rue, je n’ai jamais eu affaire à ce genre d’insultes.

T’as remarqué la différence de développement Nord-Sud ?

J’ai été prêté à Foggia. Les gens du Sud parlent des dialectes incompréhensibles, puis clairement, si tu perds ou fais un mauvais résultat, tu ne peux pas aller faire tes courses. Niveau économique, y a pas photo. Là-bas, c’était comme à Naples, t’as les poubelles éventrées dans la rue, des constructions qui ne se finissent jamais…

Tu sens la crise économique ?

Les Italiens en parlent beaucoup, voire tout le temps. Dans chaque conversation, t’as la crise qui revient. Ils disent que tout va mal. T’as qu’à voir : y a beaucoup moins de monde qu’avant dans les stades.

Tu dis quoi aux gens qui disent que le football italien est en crise ?

Je suis assez d’accord avec eux dans le sens où quand tu regardes les équipes italiennes, elles n’ont plus les meilleurs joueurs et elles ne sont plus les meilleures équipes européennes, tout simplement. Regarde la Juve, elle a perdu dernièrement contre l’Olympiakos. Ça, avant, c’était impensable ici.

Les jeunes ont-ils leur chance en Italie ?

Moi, à Parme, j’ai eu Francesco Guidolin qui était très exigent et sévère avec les jeunes. Je pense que, plus que dans les autres pays, t’es jeune donc tu te tais, tu baisses la tête et tu bosses. Si tu commences à ouvrir ta bouche, ils te reprennent tout de suite. Au moins, ils n’ont pas de souci avec leurs jeunes ici. Après c’est vrai qu’en Serie A, pour un jeune comme moi, il est plus dur de s’y imposer que dans les autres championnats. Mais bon, si les meilleurs entraîneurs sont italiens, c’est pas un hasard, donc tu peux que respecter.
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