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Goran Jerković : « En Thaïlande, tu fais Very Bad Trip 3 ! »

Propos recueillis par Arnaud Di Stasio
8 minutes
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À seulement 26 ans, Goran Jerković a déjà posé ses valises en Belgique, en Lituanie, en Iran et en Thaïlande. Et ce globe-trotter n'est pas près de rentrer en Europe. Né à Lyon, ce buteur d'origine serbe parle des temples bouddhistes, du fanatisme des supporters iraniens mais aussi des ladyboys thaïlandais(es).

On t’avait appelé il y a pratiquement deux ans, tu jouais alors en Lituanie. Tu peux nous redérouler ton CV et nous dire ce que tu as fait depuis ?La dernière fois, je terminais ma rééducation après m’être fait les ligaments croisés. J’avais prolongé mon contrat avec le Žalgiris Vilnius mais un nouvel entraîneur est arrivé et ça n’a pas très bien marché. Il ne me faisait pas confiance donc j’ai résilié mon contrat et j’ai signé au FK Tauras Tauragė, une équipe qui jouait l’Europa League. Je me suis alors donné trois mois pour retrouver mon niveau ou arrêter ma carrière. Mais j’ai mis 18 buts en 18 matchs et j’ai fini deuxième meilleur buteur du championnat lituanien, le tout en quelques semaines seulement. Du coup, j’ai eu des opportunités en Bulgarie, à Chypre, en Ukraine mais j’ai finalement décidé de signer à Esteghlal. C’est le meilleur club d’Iran, ils jouaient la Ligue des champions d’Asie, ils étaient premiers du championnat et puis leur proposition était très bonne. En l’espace de six mois, j’ai mis une dizaine de buts et on a gagné la Coupe d’Iran. Ça a vraiment été une belle expérience. J’aurais même pu prolonger mais comme ils ne m’avaient pas versé tous mes salaires, je suis parti au Buriram United, le champion de Thaïlande. Ça fait maintenant cinq mois que je suis ici, je ne peux jouer qu’en coupe mais j’ai mis 13 buts en 11 matchs. On a gagné les deux coupes et j’ai inscrit un doublé en finale à chaque fois donc tout va bien !

« La plupart des équipes iraniennes auraient leur place en Ligue 1 »

Quel est le niveau de jeu de ces différents championnats ?Le championnat iranien est de loin le meilleur dans lequel j’ai évolué. C’est très technique et ça va à 2000 à l’heure. À Esteghlal, je jouais avec Samuel Jlloyd, un Anglais qui a fait plus de 200 matchs en Premier League (Ndlr, à Aston Villa et à Bolton). Et malgré son CV, il a été surpris du niveau de jeu en Iran. C’est moins physique que l’Angleterre ou d’autres championnats européens mais ça joue très bien au ballon. La plupart des équipes auraient leur place en Ligue 1. En Lituanie, il n’y a que deux ou trois équipes correctes mais sinon, c’est pas terrible. Concernant la Thaïlande, je ne joue que les coupes donc c’est difficile de juger. Mais ça court partout, les joueurs ne sont jamais fatigués, on a l’impression qu’ils ont dix poumons et qu’ils pourraient faire deux matchs d’affilée. Par contre, le niveau technique est moyen. C’est aussi pour ça qu’ils recrutent des étrangers, on est là pour faire la différence. À Buriram, il y a dix joueurs qui courent comme des chiens et moi je dois finir le travail. Le championnat est super « carré » . Au niveau des infrastructures, c’est même mieux que certains clubs de Ligue 1.

En ce qui concerne l’ambiance, tu peux comparer tes expériences ?Ce sont trois ambiances complètement différentes. En Lituanie déjà, le foot n’est pas très populaire, c’est plutôt le basket le sport national. Les stades sont petits et le championnat est presque amateur. Après, en Iran, ils n’aiment pas trop faire de publicité mais il y a vraiment une ferveur exceptionnelle là-bas. On jouait tout le temps dans des stades pleins. Pour le derby contre Persépolis, il y avait 100 000 personnes à l’Azadi Stadium. Et à l’extérieur, on jouait devant 50 000 spectateurs. C’est une ambiance de fou, va voir des vidéos sur Youtube, ce sont des fanatiques ! C’est vraiment hallucinant, ils ne vivent que pour le foot, tout le monde a un maillot sur le dos. Dans la rue, je me faisais arrêter tous les cinq mètres. Les gens me prenaient en photo, m’offraient des cadeaux, des bouquets de fleurs. Certains m’envoient des mails tous les jours pour me demander de revenir. C’est ce côté passionné qui m’a plu, si j’ai l’occasion d’y retourner, je fonce ! Quant à la Thaïlande, c’est aussi un pays qui aime le foot. Le championnat n’est pas encore très réputé mais je suis tombé dans le meilleur club du pays. Notre stade est flambant neuf et il y a toujours entre 20 et 25 000 supporters. Les Thaïlandais ont toujours le sourire et supportent leur équipe quel que soit le résultat. Et après chaque match, tous les joueurs offrent leurs maillots aux supporters adverses. C’est ce qui m’a le plus surpris.

Les salaires sont-ils meilleurs qu’en Europe pour un joueur comme toi ?Je ne vais pas te cacher que je suis venu ici pour des raisons financières. On a l’avantage d’avoir du net et les salaires sont très avantageux, surtout pour un attaquant avec de bonnes statistiques ! En Europe, c’est plus tellement ça alors qu’en Asie, on est mis dans les meilleures conditions. À Téhéran, j’avais un chauffeur par exemple. Et à Buriram, c’est la même chose. Heureusement car sinon je ne sais pas comment je ferais pour me repérer (rires).

« En Iran, les douaniers me laissaient passer contre un maillot »

Tu peux nous parler de la vie de tous les jours dans ces différents pays ?La Lituanie, c’est un peu comme la Russie même s’ils sont entrés dans l’Union Européenne et qu’ils essaient de devenir un pays européen « normal » . Pour 50% des gens, la vie n’est pas facile. En Iran aussi, les gens galèrent pas mal. À Téhéran, il y a une classe très riche avec des millionnaires et puis des gens qui vivent avec le strict minimum. Mais ça ne les empêche pas d’être supporters à fond. Par exemple, je suis déjà tombé sur des gamins en train de jouer au foot juste au bord de l’autoroute. Après, ce n’est pas toujours facile car il y a beaucoup d’interdictions. Par exemple, il n’y a pas de boîtes, pas tellement de bars et ils ne vendent pas d’alcool. En tant que footballeur du meilleur club du pays, j’avais certains privilèges. Dans les aéroports, je passais sans faire le check-in. Même si c’est très contrôlé en Iran, les douaniers me reconnaissaient, discutaient avec moi et me laissaient passer contre un petit maillot. Par contre, je n’avais pas ramené ma copine. Si j’avais prolongé là-bas, elle serait venue me rejoindre mais c’est vrai que la situation est difficile pour les femmes. J’ai encore des amis qui jouent en Iran et ce n’est pas évident pour leurs familles. Et la Thaïlande, tout le monde connaît, c’est très touristique. Buriram est une ville très pauvre mais les gens sont toujours souriants. Les Thaïlandais m’ont aussi parlé du tourisme sexuel mais moi je suis là pour travailler. Soit tu viens avec ta copine et tu choisis des endroits paradisiaques, soit tu viens avec des amis pour t’amuser et tu fais Very Bad Trip 3 !

Quelle est la place de la religion dans ces pays ?En Iran comme en Thaïlande, la religion est très présente. Les joueurs iraniens priaient pendant les mises au vert et lisaient un passage du Coran avant d’entrer sur le terrain. En Thaïlande, les joueurs sont eux aussi très croyants. Quand on se rend au stade en car, on s’arrête dans les temples bouddhistes pour qu’ils puissent allumer des cierges, déposer des bouquets de fleurs et toutes sortes d’offrandes pour demander à leur Dieu de les protéger. La religion fait partie intégrante de la vie ici. Je suis moi-même croyant et orthodoxe mais je n’ai jamais rencontré aucun souci, même en Iran. Quand je marque par exemple, je fais un signe de croix pour célébrer mes buts et je n’ai jamais eu de problème avec ça. Les supporters iraniens respectaient le fait que j’étais croyant.

La communication n’est pas trop difficile ?Non, ça va, j’ai l’avantage de très bien parler anglais. Et j’ai toujours eu la chance de jouer dans des équipes où la plupart de mes coéquipiers parlaient anglais. Mais à force de changer de pays, je sais aussi m’adapter. J’ai appris le russe et je comprends un peu le perse. Et ici, je commence à prendre des cours de thaïlandais.

« Pour les meufs ? Sans hésiter, la Lituanie ! »

Où est-ce qu’on mange le mieux alors ?J’ai bien aimé l’Iran. Par contre, je déteste la nourriture thaïlandaise. Tout ce qui est épicé, ce n’est vraiment pas pour moi. Du coup, je me débrouille comme je peux avec les autres étrangers de l’équipe. Entre les joueurs, les préparateurs physiques et l’entraîneur des gardiens, on est une bonne quinzaine. Au club, on a toujours droit à un ou deux plats non épicés, sinon on va manger dans des restaurants européens.

Et niveau meufs ?Sans hésiter, la Lituanie ! Les Perses sont elles aussi très jolies, elles ont un très très beau charme même ! (sic) Et sinon, il y a les « ladyboys » de Thaïlande (rires) !

Tu n’as que 26 ans. Après la Belgique, la Lituanie, l’Iran et la Thaïlande, c’est quoi la prochaine étape ?J’aimerais rester en Asie. Ici, je peux jouer la Ligue des champions. La Chine et le Japon voire la Corée sont des championnats qui m’attirent. Au moment de venir en Thaïlande, j’avais d’ailleurs failli signer en Chine mais comme j’avais déjà donné ma parole, j’ai refusé. Mais sinon, je resterais bien en Thaïlande, la vie y est très agréable.

Après ta carrière, tu comptes bosser au Guide du Routard ?J’aimerais rester dans le milieu du foot. Il y a six ans, j’ai commencé à passer mes diplômes d’entraîneur mais j’ai dû arrêter quand je suis parti pour l’étranger. Manager, entraîneur voire même agent, ça me plairait. J’ai l’avantage de connaître du monde dans pas mal de pays. Mais je n’ai que 26 ans, j’ai encore de belles années devant moi. Et quand je vois des joueurs thaïlandais qui cavalent encore comme des gamins à 35 ans, ça me donne envie de rester ici et de continuer jusqu’à cet âge-là !

Un derby, deux grands corps malades

Propos recueillis par Arnaud Di Stasio

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