Gignac, faux crack, vraie arnaque
«Écoute-moi bien Raymond, je joue au Real alors que j'ai que 21 ans, j'ai mis 65 pions avec l'OL en quatre ans, et je tutoie Eric Deflandre. Alors ton gitan de Haute-Garonne, tu vas m'le sortir de tes plans, plus vite que ça, et en baissant les yeux». Si Benzema en avait eu dans le falzar, voilà comment les événements auraient tourné. Au lieu de ça, face aux Roumains, Gignac a joué et profité de son ahurissante et injustifiée cote du moment. Cette hype bon marché, 78 209 visages peinturlurés l'ont épousée, samedi soir au SdF. Mais APG a flanché, comme prévu. Retour vers le futur.
Se palucher en parlant d’André-Pierre Gignac, voilà une attitude qu’adoptent beaucoup trop de Français.Des débats structurés du bistrot du coin à l’argumentation fécale des spécialistes, Gignac fait l’unanimité. À tel point que tout le monde lui pardonne ce prénom scandaleux, et pire, le crime qu’il a commis, à 23 ans, en le refourguant à sa propre progéniture –André-Pierre Junior. Qu’on se le dise, contester l’évidence Gignac relève aujourd’hui du fascisme. APG, c’est la réconciliation entre la France du haut et celle du sous-sol. Le goleador n’est ni noir, ni rouquin, ni arabe, ni albinos, mais roule avec la certitude d’appartenir à une communauté qui impose le respect et favorise le buzz.
Gitan mais…
Aucun mérite, si ce n’est celui d’être né au bon endroit et au bon moment. France, pays en manque de héros, d’anti-héros et qui a fait du valeureux Gitan la nouvelle mode tricolore, celle qui incarne les valeurs d’effort et de travail acharné. Le chemin était tracé par les Ribéry et Savidan qui, à leur façon, ont dessiné les contours de ces trajectoires cabossées, avec des degrés de talent différents. Il fallait un mec moyen, au passé crade et qui transpirait ces valeurs de courage, d’honneur et de dignité, celles qui mettent en émoi les gens de l’hexagone, du cadre dynamique qui desserre un bouton de sa chemise pour s’évader à la ménagère de moins de cinquante bâtons. La vérité, c’est que la promotion, qu’elle soit sociale ou sportive, a encore plus de goût quand elle est fulgurante. En foot, ça donne ça : plus la structure fédérale vous a snobé, plus le tapis (bleu blanc) rouge qui se défile sous vos yeux et vos orteils est soyeux et interminable. Là est la vérité de l’an 2009. L’enfant-star est mort, Hatem en a fait les frais. Le talent s’est évaporé au profit de la besogne.
Avec Gignac, le vice a été poussé tellement loin qu’aujourd’hui, les sondages les plus réfléchis font du type la solution la plus indiscutable aux yeux de tous, y compris de ceux des anciens attaquants de l’Équipe de France. Le 2 septembre dernier, L’Équipe a tiré cette conclusion de la bouche des toujours très sérieux anciens avants-centres bleus que sont, entre autres, Mickaël Madar, Daniel Xuereb, Florian Maurice, Amara Simba, Lilian Laslandes ou Stéphane Paille. Jolie brochette.
Mais qui es-tu, au fait, André-Pierre Gignac ?
L’idée n’est pas de demander au personnage de se taillader les veines, d’autant qu’il semble sympathique, et limite attachant lorsqu’il suce son pouce sans pudeur après chaque réalisation. Oui, le mec apporte un vent de fraîcheur au foot français. Mais si l’insouciance se résumait au simple fait d’avoir des parents vendeurs de barbe à papa, ça se saurait. Gignac le footballeur est beaucoup plus contestable que l’homme. Jusque-là, l’attaquant qui fait chavirer le cœur des Toulousains a une saison splendide en L1 à son actif. Mais l’an passé, ses 24 buts n’ont finalement catapulté le TFC qu’à la 4e place d’un championnat mineur, et surtout qu’à… 16 points du champion bordelais. A titre de comparaison débile, les 34 pions d’Alan Shearer inscrits lors de la saison 94-95 avaient téléporté Blackburn sur le toit de l’Angleterre.
Aussi, rappelons qu’il y a deux ans, le bien nommé Johan Elmander avait réduit en purée la consistance du début de carrière de l’André-Pierre, invisible aux yeux de tous à cette époque. Confirmer avant d’être porté aux nues, voilà le challenge de celui dont la couverture de balle louée aujourd’hui se transformera en « il arrive pas à bouger son gros cul » les jours où ça ira moins bien. Car être meilleur buteur de Ligue 1 au XXIème siècle peut vous envoyer un peu partout sur le globe : en Grèce (Djibril Cissé), en Suisse (Alexander Frei), en Turquie (Shabani Nonda), mais pas forcément en Afrique du Sud. Et puis ce serait si simple si Ray Duc ouvrait les yeux, envoyait un texto à Jérémy Menez, lui confiait le couloir droit des Bleus, et s’agenouillait devant Anelka en lui remettant les clés de l’axe de l’attaque.
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