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Gardien, « Oh hisse enculé ! »

Par Alexandre Pauwels
6 minutes
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Le métier de gardien impose une concentration maximale. Pour autant, l’élément clé à savoir gérer dans la « solitude » reste le public. Parce que les virages balancent autre chose que des compliments et des roses, c’est bien connu.

La solitude du gardien de but. Un concept qui s’explique par le fait que le poste tient l’acteur éloigné du jeu. Du jeu, certes. En revanche, le portier a une proximité particulière avec le public. Plus précisément, avec les virages, situés juste derrière ses cages. Lieux où se dressent les kops, plus ou moins virulents envers les adversaires de leur club. Dans certaines circonstances donc, les portiers passent vraiment de sales moments. Les insultes, c’est une chose. Mais récemment, on constate une recrudescence des agressions. Un résultat décevant suffit pour que des supporters énervés décident de passer la vitesse supérieure, balancent pétards ou fumigènes, ou même descendent directement sur le terrain pour s’en prendre au malheureux. Métier à risque, que celui de gardien de but ? Peut-être. En tout cas, le portier n’est pas si seul que ça, sur la pelouse. Pour le meilleur, et pour le pire.

Les insultes, « un folklore »

Si le gardien est une cible stratégique, il est avant tout celui qui reçoit les insultes, bien qu’il faille préciser que dans un stade, l’injure est banale. Pour les gardiens, elle serait même un folklore. En effet, difficile de considérer, par exemple, le fameux « Oh hisse enculé » (chanté par le public au moment du renvoi du gardien) comme une atteinte personnelle. Ça en ferait plutôt marrer certains : « Je me souviens qu’une fois, justement, alors que je m’apprêtais à faire un renvoi, je me suis arrêté au moment de frapper. Ils avaient déjà lancé leur phrase, alors j’ai vite reculé pour tirer. C’est bon enfant » , synthétise Michaël Ménétrier, ancien portier d’Istres. Mais dans d’autres circonstances, mieux vaut ne pas répondre. Car si l’insulte, peu importe le degré, fait partie du métier, le métier impose de faire la sourde oreille. « Il ne faut pas en rajouter, jamais. Sinon, les supporters accentuent. Au contraire, il faut faire l’indifférent » , pointe Lionel Letizi. Tout en rajoutant qu’une foule qui beugle pendant 90 minutes, « ça fait plus rire qu’autre chose, d’autant que ça amène une certaine forme de motivation. » Être galvanisé par un public hostile, cela dépend des gardiens. Mais mieux vaut ne pas y faire attention, donc, au risque de sortir d’un match. Parfois cependant, difficile de passer à côté : « Une année à Lille, je vais m’échauffer. Derrière mon but, une famille : le papa, la femme, l’enfant. Ils m’insultent. Puis, ils m’insultent toute la première mi-temps. En deuxième, je change de côté. Eh bien, eux aussi, ils avaient changé de côté » , raconte Letizi. Avec le sourire.

« Une fois, j’ai reçu une paire de ciseaux »

Plus dérangeant pour un portier, en revanche, le jet de projectiles. Plus dur de faire mine de ne pas être touché, forcément. Mais il faut bien tenter : « Ce que je faisais, c’est que je ramassais les objets qu’on me balançait, je les mettais derrière les buts, sans les montrer à l’arbitre. Manière de ne pas en rajouter. Puis à la fin, si j’avais fait un bon match et/ou qu’on avait gagné, je me tournais vers les supporters avec un grand sourire, je les applaudissais, et merci » , rigole aujourd’hui Letizi. Question objets balancés, on retrouve donc régulièrement des piles, des pièces de monnaie, des briquets. Mais pas que : « Une fois à Saint-Étienne, j’ai reçu une paire de ciseaux sur le bras. Ça m’a un peu entaillé, mais bon, j’en ai rigolé » , se souvient Pascal Olmeta. « Le plus gros truc qu’on m’ait jeté, c’était un pavé. Il m’est passé à 5 centimètres de la tête » , renchérit Letizi. Dangereux, mais pas aussi radical que la nouvelle mode : le pétard. Pas besoin de viser la tronche, le projectile peut atterrir à deux mètres de la cible et faire des ravages : le 16 novembre, lors d’une rencontre de la 15e journée du championnat argentin opposant l’Independiente à Belgrano, le portier des visiteurs Juan Olave reçoit le pétard en pleine gueule. Le lendemain, en Russie, Anton Shunin, gardien du Dynamo Moscou, est victime du même traitement lors d’une rencontre face au Zénith. Trois jours plus tard, retour en Argentine, la victime se nomme cette fois-ci Christian Lucchetti, portier de Banfield. Dans ces trois cas relativement récents, les objets ont été balancés par les supporters adverses, simplement mécontents de voir leur équipe perdre.

« Celui qui descend sur le terrain, faut pas qu’il se loupe »

« Les insultes et les deux-trois conneries qui tombent, bon, c’est bon enfant, tant que ça ne touche pas, c’est pas grave. Mais un mec qui saute sur le terrain, là, c’est dangereux. » Forcément, Pascal Olmeta se souvient. D’un soir d’août 1995 avec le maillot de l’OL, après un nul arraché à Lens, où un supporter local était venu le poursuivre, lui cracher dans le dos et le frapper au visage. « Il serait arrivé de face, je lui en aurais mis une bonne. J’ai essayé, mais j’ai glissé. » Encore, lui a touché son agresseur. Le pauvre Chris Kirkland, gardien de Sheffield, ne pourra pas en dire autant, lui qui a été frappé lâchement (et plutôt violemment) le 20 octobre dernier, par un supporter de Leeds. Là aussi, un résultat suffit pour pousser un mec chaud à franchir la barrière. Ou une attitude du portier. En 2010, Michaël Ménétrier, alors à Istres, s’est ainsi fait agresser par cinq supporters nîmois. Sa relation avec les fans du club n’était pas au beau fixe, une ou deux répliques de sa part durant la rencontre ( « Mettre les mains derrière les oreilles pour faire mine de ne pas les entendre assez, embrasser son maillot… » ) ont encouragé les cinq hommes à sauter les grilles en fin de rencontre, dans le but de le lyncher : « J’ai réagi comme j’ai pu, j’ai vu les cinq au dernier moment. J’ai eu une fraction de seconde pour réfléchir : soit je partais en courant n’importe où – mais à ce moment-là, je me disais que ça rentrait partout et qu’on m’attendait de tous les côtés – soit tant pis, je baissais la tête et fonçais. C’est ce que j’ai fait, heureusement mes coéquipiers se sont interposés. Mais je fais la part des choses et différencie les vrais supporters nîmois très nombreux, et certains membres du kop qui ont voulu en venir aux mains assez lâchement. »

Le streaker saoul le regrettera

Bien sûr, le cas de Ménétrier est spécial, dans le sens où ce sont ses relations avec les supporters qui ont motivé l’attitude de certains. Mais le fait est que « pour le supporter qui est juste derrière le but, le plus proche à atteindre, c’est le gardien. Mais s’il s’introduit sur le terrain, faut pas qu’il se loupe. Parce qu’après, le gardien a le droit de lui courir après pour tout lui rendre. » Lionel Letizi n’a pas tout à fait raison. En décembre 2011, le gardien de l’AZ Alkmaar, Esteban Alvarado, se fait charger par un hooligan complètement saoul, auquel il parvient à asséner quelques coups de pied. Une légitime défense qui lui vaudra un carton rouge. S’ils n’ont pas le droit de se défendre, en plus…

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Par Alexandre Pauwels

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