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France 1938 : A l’ombre de la guerre

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France 1938 : A l’ombre de la guerre

Face à la préoccupante émergence du fascisme et au conflit planétaire qui s’annonce, Jules Rimet décide de retirer l’organisation de la coupe du monde à l’Argentine, et choisit comme pays-hôte la France, pour ce qu’il pense être la dernière édition de la compétition.

A l’aube des années 40, le monde souffre d’un contexte géopolitique brûlant : l’Allemagne d’Hitler annexe l’Autriche, Staline ouvre les goulags, tandis que la guerre civile espagnole fait office de grande répétition à la seconde guerre mondiale. La première coupe du monde française se révèle donc rapidement comme une métaphore de la lutte idéologique acharnée qui oppose à cette époque fascisme et démocratie. Le boycott est ainsi généralisé, puisque mis à part le Brésil et Cuba, aucune sélection ‘américaine’ ne participe à la troisième édition du tournoi, en guise de protestation politique. D’autres nations comme la Chine, le Japon ou l’Espagne sont déjà en guerre, et se soucient donc peu du football. L’heure est alors incontestablement aux efforts de guerre. Presque personne ne peut du reste y échapper. La Wunderteam autrichienne, qualifiée aux dépends de la Lituanie et de la Lettonie, est victime de l’annexion teutonne et du génie malsain du bras droit d’Hitler, Goebbels. Ce dernier veut instrumentaliser le football, et l’utilise comme une machine de propagande infernale, allant même jusqu’à déclarer « qu’il est plus important de remporter un match de football qu’une bataille à l’Est. » Les meilleurs joueurs autrichiens sont par conséquent priés de se rallier aux couleurs de l’envahisseur. Dans ce maelstrom d’émotions, Matthias Sindelar, joueur magnifique et insoumis, se révolte et refuse la sélection allemande. Il est malheureusement vite dénoncé par l’un de ses coéquipiers de l’Austria Vienne, club dans lequel il évolue alors, et se retrouve poursuivi par les impitoyables autorités du troisième Reich.
Surnommé le « Mozart du football », et considéré comme le meilleur joueur autrichien de l’histoire, Sindelar préféra se donner la mort avec sa femme Camila, plutôt que de servir la cause des nazis. La méthode qu’il employa fut tragiquement prémonitoire, puisque la star de la Wunderteam choisit le gaz pour intoxiquer ses infatigables poumons. Il fut l’une des premières victimes collatérales de la seconde guerre mondiale, mais aussi l’un des premiers opposants au régime hitlérien. Le jour de son enterrement, pas moins de 40.000 Viennois vinrent rendre un vibrant hommage au nouveau héros de la nation, et ce malgré la présence de la police germaine. Le capitaine de l’Autriche, Nausch, fut également approché par les Allemands pour participer au mondial, à la condition sine qua non qu’il divorce de sa femme, juive. Lui aussi déclina l’invitation, puis s’enfuit avec elle en Suisse. Malgré la présence des Autrichiens Raftl, Skoumal, Stroh, Neumer et Hahnemann, la mayonnaise austro-hongroise ne prit pas en France, et l’équipe du Reich fut rapidement éliminée. Devant un tel fiasco, Goebbels ordonna que la Mannschaft arrête de jouer… Le Mondial 1938 est aussi celui de l’avènement du Brésil. Pour la première fois depuis la création du tournoi, les meilleurs joueurs paulista et cariocas sont alignés ensemble au sein de la Seleçao. Techniquement supérieurs à leurs rivaux, les Brésiliens émerveillent par leur fantaisie des spectateurs français plus habitués au jeu méthodique et stéréotypé des Européens. Lors du premier tour, le match Pologne-Brésil se joue sous une pluie diluvienne, tant et si bien que les crampons de la star auriverde, Léonidas, restent cloués dans la boue. Le joueur, qui évolue alors au Penarol Montevideo, finit son action en chaussettes et marque le but de la victoire face aux Polonais : « Aujourd’hui il serait impossible de marquer comme cela, car l’arbitre me demanderait de remettre mes chaussures. »

Le Brésil est le gramme de finesse dans une compétition de brutes. Et se retrouve opposé à l’Italie en demi-finale, celle-la même qui a éliminé la France en quart et exaspéré un public de Colombes défié par des joueurs transalpins qui pratiquent le salut fasciste au moment des hymnes. Hué par le public, les ‘Azuris’ parviennent néanmoins jusqu’en finale, à l’issue d’un match houleux et difficile. Il faut toutefois préciser qu’à l’entame de la rencontre, les trois pièces maîtresses brésiliennes que sont léonidas, Tim et Brandao, ne sont pas alignés par leur entraîneur Pimenta, qui juge la victoire contre la Squadra comme une simple formalité. Mal lui en a pris puisque le bon jeu de ses adversaires et les faveurs arbitrales sonnent le glas de la Seleçao. Grâce à la première simulation de la Coupe du monde, les Italiens obtiennent un pénalty décisif, alors que le score est déjà de 1-0 pour ces derniers. L’auteur du plongeon, Piola, enjoint même l’arbitre à exclure l’innocent Domingos da Guia. Requête qui lui est accordée. Quelques secondes plus tard, Giuseppe Meazza réussit le penalty malgré l’élastique de son short qui lâche. Cette victoire 2-1 contre le Brésil déchaîne aussitôt la presse italienne qui s’empresse de rendre ‘hommage’ à ses champions : « Saluons le triomphe de l’intelligence italienne sur la force brutale des nègres. »
La finale a lieu à Colombes entre la Hongrie et l’Italie. Le public local prend d’ailleurs rapidement parti pour les Magyars, en signe de protestation contre les fascistes et Mussolini. Les sifflets n’impressionnent pourtant guère les sujets de Mussolini qui ont reçu quelques heures auparavant un ‘message d’encouragements’ du Duce : « Vaincre ou mourir. » En tout et pour tout trois mots pour saisir la dimension politique de ce match, et sauver leur peau. Grâce à deux doublés de Colaussi et Piola, la « Squadra nera » remporte sa deuxième coupe du monde. Malgré la défaite, le gardien hongrois Antal Zsabo se montre des plus philosophes : « Je ne me suis jamais senti aussi heureux de ma vie qu’après ce match. Les quatre buts que j’ai encaissés ont sauvé la vie à onze êtres humains. La vie ne remplacera jamais le football. »

La Finale : 19 Juin 1938, au stade olympique de Colombes, Paris à 17h00, 45.000 spectateurs.

Italie – 4 : Olivieri, Foni, Rava, Serantoni, Andreolo, Locatelli, Biavatti, Meazza (c),piola, Ferrari, Colaussi
Entraineur : Vittorio Pozzo

Hongrie – 2 : Szabo, Polgar, Biro, Szalay, Szuecs, lazar, Sas, Vincze, Sarossi (c), Zsengeller, Titkos
Entraineur : Alfred Schaffer

Arbitre : Capdeville (Fra)
Assistants : Augustin Krist (TCH), Hans Wuethrich (SUI)

L’équipe-type du tournoi :

Planicka (TCH), Domingos (Bre), Rava (ITA), Serantoni (ITA), Andreolo (ITA), Locatelli (ITA), Biavati (Ita), Meazza(Ita), Sarosi(Hon), Titkos (Hon), Leonidas (Bré)

Chiffres clés :

– 376.000 spectateurs au total soit une moyenne de 20.889 personnes par match.
– La recette s’est élevée à plus de 6.000.000 de francs. – 15 sélections ont participé à la phase finale.
– 84 buts en 18 matchs, soit une moyenne de 4,7 buts par match. – 210 joueurs ont disputé la phase finale. 40 d’entre eux ont inscrit au moins un but.
– Le joueur le plus jeune : Bertus Van de Harder (Pays-Bas) avec 18 ans et 42 jours. – Le joueur le plus vieux : Wim Anderiesen (Pays-Bas) avec 34 ans et 190 jours.
– 0 arbitre sud-américain, 0 arbitre africain, 0 arbitre océanien, seuls les Européens arbitrèrent les rencontres. – Meilleurs buteurs : Leonidas, 8 buts, Piola et Sarosi, 5 buts.

Curiosités :

– Ce fut la première fois que le détenteur du titre et le pays-hôte furent qualifiés directement.
– L’Indonésie fut la première équipe asiatique à participer à la Coupe du Monde. Son capitaine fut aussi le premier à jouer avec des lunettes de vue. Un précurseur… – Auteur d’une prestation remarquable au cours du match nul de son équipe contre la Roumanie, le gardien de but cubain Carvajales fut engagé comme commentateur par une radio de son pays. Le match retour contre les Roumains se joua donc sans lui. Les Cubains passèrent en quart de finale, mais Carvajales ne réédita pas son exploit dans les cages. Il encaissa huit pions.
– Grâce au boycott sud-américain, la Suède eut la chance de ne jouer son premier match qu’en quarts de finale. – Le coup d’envoi du premier match de la coupe du monde fut donné par Albert Labrun, alors Président de la République. Un coup d’envoi foireux, puisqu’il rata la balle au moment de la toucher avec le pied.
– L’arbitre belge Jan Langenus fut le premier arbitre à participer à trois coupes du monde.

La star : Léonidas
Léonidas fut le Pelé des années 30. La première star brésilienne de l’histoire fut le meilleur joueur de la coupe du monde organisée en France. Fin dribbleur, vif et rapide, il instaura un modèle qui, plus tard, fut largement immité par les autres stars auriverde. Surnommé l’homme-caoutchouc, en référence à son agilité et sa facilité à éviter les coups de ses rivaux, le roi Léonidas finit meilleur buteur du tournoi avec huit réalisations. Malgré un but marqué pieds nus contre la Pologne, le génie de Léonidas fut mis au repos contre les Italiens par son entraîneur Pimenta qui pensait pouvoir éliminer les Transalpins sans son meilleur joueur. L’enfant de Rio ne foula plus jamais les stades d’une coupe du monde, guerre mondiale oblige. Après être passé par le Penarol Montevideo, Flamengo, Botafogo, Vasco de Gama et Sao Paulo, le « Diamant noir » raccrocha les crampons en 1950. Pour lui rendre hommage, un chocolatier brésilien décida de donner son deuxième surnom à sa marque. Après des expériences en tant qu’entraîneur et commentateur radio, Leonidas décida de monter sa petite entreprise de menuiserie. Quelques années plus tard, l’inventeur du ciseau retourné mourut des causes du diabète et de la maladie d’Alzheimer. Le dramaturge brésilien Nelson Rodrigues lui rendit alors le plus exalté des hommages en déclarant que Léonidas était entré dans l’histoire du football brésilien : « Il fut un joueur typiquement brésilien. Il avait la fantaisie, l’innocence, le sens de l’improvisation et la sensualité des plus grandes stars de notre football. » C’est dire…

JPS

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