Euro 2016 : 24 à table, ça porte bonheur…
C'est quasi officiel. Par la voix de Franz Beckenbauer, le Comité Exécutif de la l'UEFA, réuni à Bordeaux, a laissé entendre qu'à partir de l'édition 2016 (dont la France est candidate), l'Euro va passer à 24 équipes, soit 8 sélections de plus que la formule actuelle à 16 mise inaugurée à l'Euro 1996. Ca tombe bien : à So Foot, on militait pour un Euro élargi à 20, voire 24 pays. Par nécessité géopolitique (création de nouveaux pays) et par solidarité continentale, celle qui assure la promotion de ces états émergents et qui repêche les ex-grandes nations de foot.
Dans les grandes lignes, la compétition se déroulerait avec 6 groupes de quatre équipes. Seraient qualifiées pour les 8èmes, les deux premières de chaque groupe plus les quatre meilleures troisièmes. En passant de 31 matchs à 51, le tournoi passerait de trois à quatre semaines. Cette réforme était inévitable, voire souhaitable.
Depuis la chute du Mur de Berlin et l’addition de nouvelles nations issues de l’ex-Yougoslavie et de l’ex-URSS (sans compter les bizarreries comme San Marin ou Féroé), l’UEFA, c’était 53 fédérations qui postulaient pour 16 places.
Résultat : pour les éliminatoires de l’Euro 2008, des groupes de 7 pays (dont seulement 2 qui se qualifient), ce qui faisait 12 matchs. Pour les qualifs de l’Euro 2004, c’était plus light : il y avait des groupes de 5 pays, ce qui faisait 8 matchs, soit 4 de moins.
On ne connaît pas encore la formule envisagée pour les éliminatoires de l’Euro 2016, mais on peut penser que les groupes de 7 pays seront abandonnés et que les éliminatoires seront allégées. Objectivement, le système de poules de 7 nations ne pouvait plus durer : trop de matchs ! Les sélections nationales, souvent décimées en fin de saison, se sont tapé deux matchs en Juin 2007 en éliminatoires de l’Euro 2008. Un William Gallas n’a eu droit qu’à une semaine de vacances…
D’autres problèmes plombaient aussi la formule actuelle, comme l’hétérogénéité de certains groupes. Exemple en éliminatoires de l’Euro 2008 : le groupe A avec ses 8 équipes, ses 14 matchs et ses trois déplacements à l’autre bout du continent pour la sélection portugaise en Arménie, Kazakhstan et Azerbaïdjan ! Etonnez-vous après qu’un Cristiano Ronaldo, déjà largement sollicité par Manchester, arrive à l’Euro 2008 sur une jambe, avant une inévitable opération à la cheville… Les distances sont longues, les changements de climat parfois drastiques (presque 40° en Georgie ou -10 au Belarus, etc….), les terrains souvent en mauvais état (ex : Kaunas en Lituanie), tout pour éprouver les organismes. Un nouveau système de répartition des équipes, avec plusieurs chapeaux de forces différentes (têtes de série, etc…) s’impose donc.
A priori, la nouvelle formule garantira désormais une place quasi assurée pour les nations fortes du continent (Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, etc.), têtes de série obligées de groupes “allégés” et évitera certains “accidents industriels” comme l’absence de l’Angleterre à l’Euro 2008. A partir de 2016, l’Euro devrait surtout jouer un rôle de régulateur salutaire en offrant 8 billets supplémentaires à un paquet de nations “stagnantes”, “en crise” ou bien “en devenir” : Ecosse, Belgique, Eire, Danemark, Ukraine, Serbie, Hongrie, Bulgarie, Norvège, Slovénie, Autriche, Suisse ou Finlande…
En gros, toutes les nations de foot dont les clubs ne pèsent plus en Ligue des Champions (Ecosse et Ukraine exceptées ?) et qui peuvent se relancer à travers leur foot de sélection. Les ex-grandes nations continentales comme la Bulgarie, Belgique ou Hongrie auraient là l’occasion de renaître…La Finlande, entre autre nation “en progrès”, mériterait amplement de figurer à l’Euro et pourrait par ce biais imiter l’exemple du Danemark, longtemps “petite nation” de foot puis devenue régulièrement présente dans les grandes compétitions internationales. C’est ce qui a tiré vers le haut un football dont les clubs étaient beaucoup trop faibles. Ceci dit, s’imaginer que les Finlandais, comme les Danois en 1992, remportent un jour l’Euro, faut pas trop rêver non plus…
Enfin, si avec 8 places supplémentaires, l’Europe du foot s’offre une “respiration” nouvelle, un brassage vital d’un strict point de vue sportif, elle offre aussi et surtout une vitrine politique à de nouvelles nations en pleine (re)-construction. Participer à l’Euro apporte une sorte de “reconnaissance diplomatique” à des pays trop souvent bafoués par l’Histoire (Pays Baltes, Ukraine, Monténégro, républiques du sud de l’ex-URSS,…). On ne parle pas ici de nationalisme exacerbé, chauvin et imbécile, mais de l’affirmation progressive d’entités nouvelles qui vont grandir aux côtés des vieux états-nations dont l’existence et l’identité propres sont depuis longtemps consolidées.
L’Euro de football n’est qu’un symbole de l’unité européenne. La nouvelle formule élargie de 2016 renforce cette unité symbolique, vitale pour les petites nations : celle de leur réintégration dans le “grand ensemble européen”.
En somme, une belle victoire collatérale de la doctrine Platini, celle d’une plus grande représentation de toutes les cultures du foot continental …
Chérif Ghemmour
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