Euro 08 – Roumanie : Rom tonic

Merde, la Roumanie. Du lard ou du cochon ? Depuis le tirage au sort des poules de l’Euro, c’est la question qui tue. Les Français et les Italiens auraient bien aimé se regarder en chien de faïence, tranquille, et garder leurs forces pour les quarts. Et voilà qu’on leur fout la Hollande, déjà des types dont on ne sait pas trop quoi penser, génies offensifs ou losers nés. Et puis ces Roumains dont personne ne sait ce qu’ils valent. Tu parles d’une poule.

En fait, la Roumanie, il y a deux façons de l’aborder. La première, qui vise à se rassurer : OK ils ont Mutu et Chivu, mais à part ça, personne. Ou presque personne : deux mecs dans le 11 de départ qui jouent en Ligue 1, à Auxerre – Tamas et Niculae -, ça devrait suffire à dire à quel point ils sont faibles. A part ça, beaucoup de mecs qui jouent soit au Dinamo, soit au Steaua Bucarest, et dont personne de sérieux n’a jamais entendu parler. Bref, des peintres. Pour les optimistes, la tactique à adopter est simple : on serre Mutu devant, et on joue sur celui qui n’est pas Chivu en défense. Au pire, on les laisse faire le nul contre les Bataves, et voilà. Et il faudrait avoir peur de ces gars-là ?

Eh bien oui, en un certain sens. Ça, c’est la seconde option : les Roumains sont des tueurs à gage qui vont venir sucer le sang tout ce qui bougera, Dracula style. Après tout, ils ont fini premiers de leur poule de qualification. Ce sont des types habitués à vivre ensemble depuis des années, qui ont des automatismes, des références. Et puis comme tous les petits pays, une énorme dose de patriotisme qui leur donnerait la force de déplacer le Tibet, alors les Alpes…

Une sacrée tradition aussi : Popescu, Dimitrescu, Hagi, les Brésiliens des Carpates, tout ça. En Roumanie, même les défenseurs centraux remplaçants sont plus techniques que les numéros 10 britanniques. La preuve, quand ils décident de partir pour l’étranger, ils choisissent la France, l’Italie ou l’Espagne, des pays de ballon, pas la Premiere League. Vu de cette façon, oui, bien-sûr, on peut flipper sec. L’autre jour qu’on l’avait au téléphone, Frédéric Hantz a abondé dans ce sens. « Je ne veux pas porter malchance à la France, mais je vois les Roumains gros comme une maison être la grande surprise de l’Euro » . Merci, Fred.

Surtout, surtout, les Roumains semblent avoir une énorme envie de se payer les riches. En France, on passe notre temps à se foutre de la gueule de leurs musiciens de métro et de leurs gamins pas lavés stationnés devant les parcmètres, ça les énerve. En Italie, c’est encore pire : tout Roumain est vu comme un bandit de gitan, et ils veulent tous les foutre dehors. A Rome, le nouveau maire post-néo-tout-simplement-fasciste Gianni Alemanno a dû une bonne part de son élection à quelques faits divers macabres impliquant des immigrés roumains. A Naples, six campements roms ont dû être évacués en toute hâte en vingt-quatre heures pour éviter les lynchages. Sur tous les terrains de Serie A, Mutu se fait chambrer au son de « Zingaro, Zingaro » (Gitan gitan). Alors on comprend qu’il aimerait bien calmer tout le monde. Qu’on lui file de la coke à taper, et on pourra peut-être dormir tranquille. Peut-être.

Ernesto Carnaval